JE NE SUIS PAS VENU APPELER LES JUSTES
MAIS LES PECHEURS
Après son baptême, Jésus a décidé d'accomplir sa mission dans sa province, dans cette Galilée turbulente, à la frontière des mondes juif et païen. Il a quitté son petit village de Nazareth, trop à l'écart, et a choisi Capharnaüm, au bord du lac, comme centre de ses activités. Il y loge probablement dans la maison de Simon-Pierre mais c'est toujours de façon éphémère car il ne cessera jamais d'être un marcheur, un itinérant. De ville en village, il circule et y proclame l'arrivée du Royaume de Dieu. Il n'exhorte pas les gens à abandonner ce monde mauvais pour aller fonder une communauté dans le désert (idéal des Esséniens de Qûmran) : il leur laisse assumer leurs responsabilités familiales et professionnelles tout en les appelant à écouter la Bonne Nouvelle pour en vivre tout de suite les exigences.
C'est au sein de notre monde, là où nous vivons, là où se mêlent honnêteté et turpitude, que nous avons à annoncer et à vivre la présence du Royaume du Père.
Toutefois Jésus a besoin de collaborateurs immédiats : il a déjà appelé les frères Simon et André, Jacques et Jean, et aujourd'hui nous lisons l'appel du 5ème :
Jésus, sortant de Capharnaüm, vit un homme du nom de Matthieu, assis à son bureau de publicain (collecteur d'impôts). Il lui dit : « Suis-moi ». L'homme se leva et le suivit.
Le scénario est le même que pour les pêcheurs : Jésus voit, appelle et, sur le champ, l'homme laisse là son métier et se met à suivre Jésus. Il ne faut pas s'étonner de cette obéissance immédiate : il est probable que tous ces jeunes ont fait connaissance de Jésus parmi la foule qui se pressait près de Jean-Baptiste et, le pressentant comme le messie, ils répondent immédiatement à son appel. Bientôt ils seront 12 et formeront le groupe des apôtres (cf. dimanche prochain)
C'est pourquoi Jésus apparaîtra toujours comme un de ces rabbins qui marchaient, suivis de leurs disciples. Mais avec des différences. Si des jeunes se présentaient pour devenir élèves, le rabbin choisissait parmi les candidats ; Jésus, lui, prend l'initiative et embauche qui il veut.
La fonction première dans l'Eglise ne devrait-elle pas être l'apostolat itinérant ? Dans une société embourbée dans les ornières du matérialisme (où beaucoup de chrétiens s'enlisent eux aussi), ne faut-il pas une Eglise qui marche, qui entraîne, qui remet en route ?
LA VOCATION DU PÉCHEUR
Mais Matthieu perçoit les taxes au bureau de l'octroi en cette ville frontière de Capharnaüm. Et on sait que ces hommes (appelés ordinairement publicains) sont catalogués comme voleurs car ils trafiquent les comptes et s'enrichissent au détriment de leurs frères. Jamais un rabbin n'aurait accepté Matthieu comme disciple !
Parmi les apôtres, les envoyés qui circulent, proclamant la Bonne Nouvelle. pourquoi n'y aurait-il pas d'anciens pécheurs, des convertis qui feraient comprendre la joie et le prix du changement de vie ?
Serions-nous prêts de les accueillir, de les écouter ?
LE BANQUET DES PECHEURS PARDONNES
Tout heureux de fêter sa vocation, le douanier démissionnaire décide d'organiser un grand repas d'adieu dans sa maison ... si bien que Jésus et ses amis se retrouvent en train de manger et boire à côté de gens bien peu fréquentables !
Beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place avec Jésus et ses disciples. Voyant cela, les pharisiens disaient aux disciples :
Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs ?
Jésus avait entendu et il déclara :
Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin mais les malades.
Allez apprendre ce que veut dire cette parole :
« C'est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices »
Car je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs .
C'est chez des gens malades que le médecin accourt et il affronte même le risque de la contagion en cas d'épidémie : a fortiori Jésus se sent tenu de s'approcher de ceux-là qui sont atteints d'une affection beaucoup plus grave, le péché. Pour les pharisiens, le mal est une infraction à une loi ; pour Jésus, il est une infection. Eux jugent, lui, il veut soigner. Au lieu de mépriser des gens maudits et de les menacer de damnation, ne faut-il pas tout faire pour les libérer du mal et tenter de les guérir ? Partager la joie d'un banquet en leur compagnie, ce n'est pas approuver leur conduite mais une façon de leur offrir la miséricorde de Dieu...s'ils consentent à l'accueillir.
Et Jésus de renvoyer ces spécialistes des Ecritures au plus beau verset du prophète Osée qui faisait dire à Dieu :
C'EST LA MISERICORDE QUE JE DESIRE ET NON LES SACRIFICES
( entendez : les sacrifices d'animaux)
Osée vivait dans une Samarie en plein boom économique mais où le luxe des uns côtoyait la misère des autres. Certes les cérémonies fastueuses se succédaient au temple et l'on croyait rendre gloire à Dieu en multipliant des sacrifices d'animaux. Alors Osée se leva pour dénoncer avec violence cette imposture et dévoiler le mensonge d'un culte hypocrite qui ne conduisait pas à une société de droit et de justice.
De même Jésus conteste la dureté de c½ur de croyants appliqués à scruter les Ecritures, à détailler des observances, tout en rejetant les pécheurs. A quoi bon jongler avec des arguties théologiques, aligner des mesures disciplinaires si l'on oublie le but : le salut des pécheurs ?
Matthieu n'était pas « un voleur » : il était un « homme » qui (peut-être) avait été malhonnête. On ne peut confondre péché et pécheur. Sans tolérer l'un, il faut tout entreprendre afin de soigner l'autre.
Une Eglise ne peut se glorifier de son culte si celui-ci n'incite pas ses participants à exercer et à offrir la Miséricorde de Dieu. La joie du repas du Seigneur vient non du luxe mais de la convivialité où l'on partage le pardon de Dieu.