Nous aimerions pouvoir ressusciter les morts. Il serait formidable de pouvoir agir comme Jésus et, lors d'un enterrement, s'approcher pour remettre le mort debout. Mais nous n'avons pas ce don radical. Nous ne mettrons pas le corps soignant au chômage technique... Nous ne pouvons pas consoler les endeuillés en faisant revenir les morts.
Ce récit nous intéresse pourtant car il montre l'attitude fondamentale de Jésus à l'égard de la mort. Il ne la justifie pas. Il ne dit pas aux gens de se résigner. Jésus n'explique pas la mort, il n'aide pas à la supporter, il n'a aucune parole de consolation. Il ne nous dit rien sur la mort, rien sur l'au-delà, rien sur ce qui nous attend concrètement. Et ce silence est éloquent. Ce silence en dit long sur l'attitude de Jésus à l'égard de la mort. Ce silence implique toute une théologie et s'inscrit en faux contre les discours bavards et peu respectueux de la douleur des gens.
Je le répète donc, et c'est mon premier point : Jésus reste silencieux. Il ne soigne pas avec des mots et cela peut engendrer une déception. Car l'attitude de Jésus ne correspond pas à ce que l'on attend d'une religion : une ouverture sur l'au-delà, une géographie pour nous dire comment s'y orienter, une économie pour nous dire comment y accumuler un petit capital (indulgence et compagnie), une administration pour nous expliquer comment avoir un passeport et un visa (baptême des enfants morts-nés, limbes et autres histoires compliquées)...
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Jésus reste silencieux, mais il agit. Et c'est là mon deuxième point. Il agit à un plan qui n'est pas celui des explications mais tout proche, immédiat. Il arrête le processus du départ : il touche la civière et les porteurs s'arrêtent. Il parle, mais pas à l'entourage, il parle au mort : « Jeune homme, je te l'ordonne, lève-toi. » ?En lui parlant ainsi, il l'appelle à la vie. Il le convoque à être debout, à se lever et le mot est celui-là même pour ressusciter : tenir sur ses pieds, répondre présent. C'est tout un symbole pour un jeune homme... Celui-ci d'ailleurs se met à parler. Il n'est pas un pantin ni un animal mais un être parlant, un être humain.
Finalement, Jésus le rend à la relation « il le rendit à sa mère ». Il le rend à la vie, à cette vie ci. Il ne parle pas de l'autre, du moins pas en ces occasions là.
Conclusion : Jésus est contre la mort, il inverse le processus, il nous rend vivant, ce qui ne nous apprend rien sur l'au-delà...
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Mais comme nous n'avons pas ce pouvoir de ressusciter physiquement (du moins moi...), je m'interroge sur la signification de ce récit, sur son sens symbolique et figuré.
Mon troisième point porte sur les raisons de cette mort et sur le processus de résurrection. Pourquoi la mort ? J'aimerais savoir pourquoi cet enfant est mort mais rien ne nous en est dit. Je ne peux donc pas voir à quel type de mal Jésus s'affronte en ce cas précis. Impossible ici de diaboliser ni de faire du manichéisme. Reste à imaginer mais sans fondement, par exemple penser à un accident, ou à une malveillance comme lors de la mort du jeune parisien tout récemment ou encore à une maladie.
L'évangile ne nous dit rien sur la cause de la mort ni sur le mal qui s'agirait de combattre. L'évangile nous dit qu'il y a une foule considérable et que c'est une femme précise que Jésus voit. En s'intéressant à elle, il s'intéresse à chacun d'entre nous, et à toutes les femmes qui ont perdu un enfant. Jésus « fut pris de pitié pour elle », pour la mère donc, plus que pour l'enfant. Il nous dit que « Jésus le rendit à sa mère », il restaure une relation brisée, il redonne un soutien vital à cette femme esseulée.
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Ce récit éveille en écho un autre récit, réel, où une autre mère perd elle aussi un fils, un fils unique. Les raisons, cette fois, sont clairement connues. Il s'agit d'un assassinat collectif orchestré par les pouvoirs, politiques et religieux. Et, tandis que cet enfant unique agonise sur son instrument de torture, ce fils a le souci de sa mère. Vous connaissez son nom. Et, pour qu'elle ne soit pas abandonnée à la solitude, ce fils unique lui indique un autre enfant. Nous sommes les frères et les s½urs de ce fils unique, nommé Jésus, qui est mort. Nous sommes filles et fils de cette mère là, qui s'appelle Marie.
Jésus n'a pas ressuscité tous les enfants, pour consoler toutes les mères de la terre, mais il est devenu l'un d'entre eux. « Il n'a pas supprimé la souffrance mais il l'a remplie de sa présence ».
10e dimanche ordinaire, année C
- Auteur: Van Aerde Michel
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : C
- Année: 2012-2013