11e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

L'évangile de ce dimanche débute par une notation capitale : le sentiment qui étreint Jésus et qui motive son activité : Jésus, voyant les foules, eut pitié d'elles parce qu'elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger.

Jésus nous regarde : mais où vont donc ces gens pressés qui font "leurs courses"(en effet), se bousculent dans les grandes surfaces, se dépêchent pour gagner un stade ou une salle de concert, se ruent vers la mer et les aéroports ?...Il suffit d'une affiche, d'un slogan publicitaire, d'une rumeur pour mobiliser la multitude. Moutons de panurge attirés ci et là, tiraillés, stressés, jamais satisfaits.

"Jésus a pitié" : le terme français, dégoulinant de condescendance, ne convient absolument pas. La traduction exacte est : "Il est étreint aux entrailles". Le verbe vient du mot "matrice"et il n'est jamais utilisé que pour Jésus. A la manière d'une maman bouleversée à la vue de son enfant malade, Jésus est bouleversé dans la profondeur de son être : tant de malheurs, de handicaps, de violences, de guerres, de désespoirs ! ... Il veut rendre sens à notre vie, guider les peuples vers la Vie !

L'image des brebis égaillées n'est pas banale : on la trouve notamment dans le fameux chapitre 34 du prophète Ezéchiel où Dieu accusait les autorités d'Israël, rois et prêtres (habituellement dénommés "les pasteurs") de ne pas accomplir leur tâche : "Malheur aux bergers qui se paissent eux-mêmes...Vous n'avez pas guéri la brebis malade, vous n'avez pas cherché la brebis perdue. Vous avez exercé votre autorité par la violence...Les bêtes se sont dispersées faute de berger...." C'est pourquoi Dieu faisait la promesse solennelle de venir un jour s'occuper lui-même de son peuple : " Ainsi parle le Seigneur Dieu : je viens chercher moi-même mon troupeau pour en prendre soin...Je le rassemblerai des différents pays...Je ferai paître mon troupeau selon le droit".

Et très curieusement le texte continuait : " Je susciterai à la tête de mon troupeau un berger unique : ce sera mon serviteur David...Moi, le Seigneur, je serai leur Dieu et mon serviteur David sera Prince au milieu d'eux... Je conclurai avec mon troupeau une alliance de paix..."

Ainsi en assumant le titre de ce Berger, Jésus prétend bien être ce Messie, fils de David, authentifié par Dieu, présence même du Dieu Pasteur, qui doit venir rassembler les hommes dans l'alliance de paix.

L'URGENCE DE LA MOISSON

Il dit alors à ses disciples : " La moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson".

Changement de registre. Dans la Bible, l'image de la moisson désigne le temps du jugement final de Dieu : avec Jésus, ce moment décisif est arrivé. Il a semé le grain de la Parole : même s'il y eut beaucoup de pertes, le grain a poussé dans de bons c½urs. A présent, Dieu instaure son règne et les hommes sont appelés à y entrer. Avec Jésus survient la plénitude définitive de l'homme.

Afin de réaliser son ½uvre, il a besoin de collaborateurs mais au lieu de leur crier : " Foncez vite !", il recommande de PRIER. Car on ne s'auto-proclame pas "évangéliste", on ne décide pas soi-même de travailler à la moisson de Dieu. Vertus, intelligence, bonne volonté sont radicalement insuffisantes. Il importe au préalable de regarder le monde avec les yeux du Christ, de communier à son amour "viscéral", de reconnaître sa propre impuissance, d'être angoissé par l'urgence de sauver l'humanité. C'est pourquoi le disciple, d'abord, PRIE. Avant de courir vers les gens, il tombe à genoux et se tourne vers le Père car Lui seul peut le choisir, l'envoyer, l'adapter à sa tâche. Et ses élus ne seront pas souvent ceux ou celles que nous aurions choisis nous-mêmes selon nos critères !

CHOIX ET MISSION DES DOUZE APOTRES

Alors Jésus appela ses douze disciples et leur donna pouvoir d'expulser les esprits mauvais et de guérir toute maladie et toute infirmité. (suit la liste des 12...)

La "moisson-mission" n'est pas une tâche à hauteur d'homme : il faut accepter que Jésus communique son propre pouvoir. Les dons fondamentaux ne sont pas l'intelligence, l'éloquence, le prestige mais la force divine d'exorciser le mal dans l'esprit et dans le corps de l'homme.

Ces Douze, Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes : " N'allez pas chez les païens et n'entrez dans aucune ville des Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d'Israël. Sur votre route, proclamez que le Royaume des cieux est tout proche ; guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement."

Donc la première mission concerne d'abord le peuple juif mais on sait que l'évangile se terminera par l'ouverture au monde entier : " Allez dans toutes les nations...". Il faut commencer par "les croyants" mais, devant leurs réticences, les apôtres se tourneront de plus en plus vers l'universel. L'échec renvoie toujours à de nouveaux horizons.

Les envoyés calqueront leur conduite sur celle du Maître : ils resteront des itinérants sans jamais s'installer ; ils seront les hérauts du Règne de Dieu et ils accompliront des signes de guérison. Et bien entendu, ils rempliront leur mission dans un désintéressement total. Comme Jésus, ils vivront dans la dépendance de ceux qui voudront bien les accueillir. L'Eglise doit être la société de la gratuité. Leur amour mutuel, leur pauvreté, leur empressement joyeux, leur certitude d'accomplir la tâche la plus essentielle de l'histoire et les résultats stupéfiants de leur action - voilà ce qui étonnera et pourra convertir. Ainsi se réalisera peu à peu l'unification de l'humanité.

La mission s'origine dans la compassion du C½ur du Seigneur devant l'immense malheur de l'humanité. Qui n'est pas ému par la misère humaine ne peut être apôtre. Quel regard portons-nous sur le monde ? De dédain ? De jalousie ? D'indifférence ? D'où la 1ère nécessité= prier. La prière nous fait communier à la Miséricorde. Ne pas nous arrêter à une émotion. Ne pas attendre que d'autres agissent. L'amour du Christ nous presse : la mission est la première urgence. Evangéliser avant de catéchiser ; appeler à la conversion avant de" sacramentaliser" Le Christ est l'unique berger, le seul qui peut offrir nourriture de vérité, eau de la grâce ;le seul qui peut nous unir, le seul pour nous conduire au terme.. Joyeuse annonce du Seigneur, le Bon Pasteur, qui vient unifier les hommes dans le droit et la justice.