12e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Cela fait déjà plusieurs semaines qu'il était absolument insupportable au catéchisme. Il faisait partie d'un groupe animé par sa propre maman. Cette dernière n'en pouvait plus et ne voyait pas comment elle pourrait un jour s'en sortir. Un jour, exaspérée par l'attitude de son fils, elle lui fit savoir qu'à partir du lendemain, elle ne lui adresserait plus la parole si ce n'est par des citations bibliques. Le lendemain matin, comme d'habitude, le fils n'était toujours pas levé et risquait une fois encore d'arriver en retard à l'école. Elle cria plusieurs fois son prénom de la cage d'escalier mais rien n'y fit. Il n'y avait aucun signe de vie dans la chambre du fils. Enervée, la mère monta, ouvrit la porte de la chambre et voyant son fils couché dans le lit lui dit : « Luc 8, 54 : 'Lève-toi et marche' ». L'enfant la regarda médusé, laissa retomber sa tête sur l'oreiller puis, tout en remontant la couette, dit à sa mère : « Jean 2, 4 : 'Femme, mon heure n'est pas encore venue' ». Son heure à lui n'était pas encore venue. Mais qu'en est-il de la nôtre ? Quand serons-nous en concordance avec notre propre heure ? Quel signe attendons-nous pour être certain que c'est maintenant le véritable moment ? Non pas le moment pour passer de l'autre côté de la vie mais plutôt celui où nous disons au grand jour, où nous proclamons sur les toits. Un peu comme si Dieu attendait que nous devenions des hérauts de sa Parole. Il a besoin de chacune et chacun de nous pour que son Nom soit chanté à la terre entière. Oui mais quel Nom ? Quel Dieu, sommes-nous prêts à proclamer ? Celui de Jésus-Christ me direz-vous ? Vraisemblablement. Mais permettez-moi de pousser la logique un peu plus loin encore : quel Dieu de Jésus Christ ? Sans vouloir les offenser outre mesure, je dirais volontiers le Dieu de Jésus Christ mais pas celui de certains traducteurs de la Bible. Pourquoi ? Reprenons tout simplement deux extraits des lectures entendues ce jour. A la fin du quatrième siècle de notre ère, saint Augustin conceptualisa l'idée du péché originel à partir entre autre d'une erreur de traduction. En effet, dans la version latine qu'il avait devant les yeux, il lisait les mots « en qui tous ont péché », comme si nous étions dans la tête d'Adam au moment où il avait choisi de désobéir alors que le texte grec disait tout simplement « du fait que tous ont péché ». Il s'agissait d'une forme d'imitation naturelle et non pas d'une mauvaise nature. Il en va de même avec l'évangile de ce jour, où nous avons entendu la phrase suivante : « pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille ». Comme si Dieu voulait notre malheur ou notre mort. Lorsque nous revenons au texte original, il ne s'agit pas du tout de cela. C'est vrai cette idée est bien ancrée en nous. Combien de fois ne lisons-nous pas dans le journal : il a plu au Seigneur de rappeler son fidèle serviteur ou à sa fidèle servante. Dieu décide-t-il vraiment de l'instant précis de notre passage de la vie à la vie éternelle. D'après le texte évangélique entendu en français, oui. Mais lorsque nous le lisons en grec, il s'agit d'autre chose : « pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père ne le sache ». Dieu ne veut donc pas notre malheur. Dieu ne veut donc pas notre mort. Toutefois, il est avec nous, en nous, lorsque nous sommes confrontés à ces réalités de vie. Il est à nos côtés et nous tient par la main humaine signe de douceur de sa présence divine. Voilà le Dieu qui se révèle à nous en Jésus Christ. Voilà le Dieu que toutes et tous nous sommes appelés à proclamer. Notre Dieu s'engage par nous au c½ur de notre propre humanité. Il passe par chacune et chacun de nous et fait de nous des êtres responsables dans la manière dont nous témoignons de sa présence. La réalité divine n'a pas besoin de grands discours. Dieu se communique et se laisse découvrir dans la contagion. Oui, nous sommes encore une fois appelés à devenir contagieux de Dieu par la manière dont nous vivons nos existences. Cette contagion se vit de diverses manières : debout et en bonne santé, couché et atteint par la maladie, assis avec nos interrogations. Il n'y a pas d'état idéal si ce n'est celui dans lequel nous nous trouvons ici et maintenant. Je n'oublierai jamais cette femme rencontrée il y a plus de vingt ans qui, lors d'un pèlerinage à Lourdes, passait de lit en lit dans les chambres des malades. Elle rayonnait de l'amour de Dieu alors qu'elle avait été brûlée vive par son mari. Elle n'avait plus de visage, plus d'oreilles, plus de cheveux. Et pourtant, c'est elle qui par sa simple présence, réconfortait celles et ceux qui croisaient sa route. Oui, nous dit le Christ, nous sommes appelés à témoigner de sa présence, à proclamer au grand jour ce que nous avons perçu dans la douceur de l'intimité divine. Nous sommes aujourd'hui encore et toujours les témoins vivants de Dieu et ce, que nous soyons couchés, assis ou debout. Notre corps dira vraisemblablement peu car c'est par notre c½ur que nous parlons. Notre heure est venue !

Amen