12e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Témoigner du Christ sans peur

Le chapitre 10 de l'évangile de Matthieu rapporte le 2ème grand discours de Jésus : ses instructions de mission aux douze apôtres. Dimanche passé, nous avons entendu les 8 premiers versets : aujourd'hui nous sautons au verset 26. Or dans cet intervalle, Jésus a dit quelque chose de capital en prévenant ses disciples du sort dangereux qui les attend : "Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups...Les hommes vous livreront aux tribunaux...Le frère livrera son frère à la mort...Vous serez haïs de tous à cause de mon Nom...". Et ce grave avertissement a été expliqué par cette déclaration au c½ur du chapitre : "Le disciple n'est pas au-dessus de son maître ni le serviteur au-dessus de son seigneur..." ( versets 24-25)

Lorsque Matthieu rédige son évangile, l'Eglise a expérimenté la réalité de ces annonces. Partout elle est mal jugée, espionnée, critiquée, dénoncée ; Etienne a été lynché ; Jacques décapité ; Pierre et Paul mis à mort ; beaucoup d'autres sans doute ont subi des coups, ont comparu devant les tribunaux, ont connu la torture, les supplices, la mort. Les disciples s'interrogent : pourquoi donc cet acharnement du monde contre nous ? Ils relisent l'Evangile et reprennent courage : non seulement le Maître l'avait dit mais en accomplissant la mission au milieu des souffrances, l'apôtre sait qu'il subit le même sort que son Seigneur et qu'ainsi il lui ressemble de plus en plus.

Mais devant la pression des menaces, l'éventualité des souffrances, comment ne pas trembler ? Il est probable que certains disciples, épouvantés, ont reculé devant la perspective du martyre. Il faut d'autres encouragements. Aussi le texte poursuit : c'est l'évangile de ce dimanche

1. TOUT DOIT ETRE PROCLAME

Ne craignez pas les hommes ; tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Ce que je vous dis dans l'ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l'oreille, proclamez-le sur les toits.

L'Evangile n'est pas une doctrine ésotérique réservée aux initiés. Tous les enseignements que les apôtres ont reçu de Jésus, ils doivent les publier dans leur intégralité, les divulguer par tous les moyens, dans toutes les langues, en utilisant tous les moyens de communication. Rien n'est plus essentiel, rien n'est plus urgent que de proclamer que Jésus a vaincu la mort, qu'il offre le pardon, qu'il nous permet de vivre en enfants de Dieu Père, que le Royaume de justice est inauguré...mais que cela exige certains renoncements. Il ne faut pas gommer ce qui dérange ! Tout l'Evangile doit être "dévoilé".

2. LA SEULE BONNE CRAINTE

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l'âme ; craignez plutôt Celui qui peut faire périr, dans la géhenne, l'âme aussi bien que le corps. La peur des ennemis humains ne peut être vaincue que par une autre crainte, "la crainte de Dieu" - laquelle, on le sait, dans la Bible, n'est pas une panique devant une divinité terrifiante mais un immense respect, une adoration éperdue, un désir de fidélité envers Celui dont on se sait infiniment aimé. Seule cette "crainte de Dieu" nous permet de ne pas perdre c½ur et de persévérer dans la foi et le témoignage.

3. L'IMMENSE VALEUR D'UN ENFANT DE DIEU

Est-ce qu'on ne vend pas deux moineaux pour un sou ? Or pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus que tous les oiseaux du monde.

Nous ne vivons pas dans une jungle où règne la loi de l'absurde et de l'insignifiance. Dieu n'ignore rien d'un événement aussi minuscule que la mort d'un moineau : donc vous, les apôtres, chassez le doute et le désespoir. Aux yeux de vos ennemis et de vos tortionnaires, vous êtes moins que rien ; mais Dieu est VOTRE PERE. Il connaît votre valeur immense lorsque, comme son Fils, vous portez la croix des épreuves et offrez votre vie en pardonnant.

4. JESUS NOTRE AVOCAT DEVANT LE PERE

Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. L'Eglise n'est pas là pour exercer sa puissance ni pour conforter les pouvoirs en place ; elle ne se réduit pas à une ½uvre philanthropique qui panse les plaies de la société ; elle n'est pas une secte repliée sur elle-même ou marginalisée dans le désert. Dans tous ces cas, elle serait bien vue, applaudie, soutenue dans ses efforts ou négligée comme inoffensive.

Elle existe pour annoncer Jésus Christ Seigneur : la mission est une confession de foi. Or Jésus a été incompris, injurié, accusé, condamné : il nous a prévenus de façon très claire que nous subirions le même sort. Il est impossible qu'il en soit autrement. L'Evangile authentique ne sera jamais accueilli par tous car il remet en question de façon radicale. A la face de tous les Caïphe et tous les Pilate qui accusent Jésus d'être un blasphémateur et qui affirment qu'il est mort, les disciples ont à proclamer que Jésus est le Fils de Dieu et qu'il est Vivant. Au procès de Jésus qui se prolonge dans l'histoire et qui ne sera jamais clos, nous sommes ses témoins à décharge, ses défenseurs, ses avocats. Si nous remplissons cette fonction, alors nous pouvons envisager de nous présenter avec confiance devant l'autre tribunal. Car il y aura le seul, l'unique vrai tribunal où la valeur de toute vie sera jugée dans une Vérité totale : devant Dieu, Jésus sera à notre égard ce que nous aurons essayé d'être pour lui : notre "paraclet", notre avocat. Car annoncer Jésus-Christ est défendre l'homme. Et Jésus est le Sauveur de l'homme.

Les martyrs sont l'honneur de l'Eglise, la preuve qu'elle demeure évangélique. Comment manifestons-nous notre communion avec nos frères persécutés aujourd'hui ? Pourquoi nos Eglises occidentales sont-elles tranquilles, acceptées ? Est-il normal qu'elles couvrent la politique par des cérémonies religieuses ? Quelle est la force pernicieuse de désintégration que nous subissons en Occident ? Pourquoi notre peu de résistance ?.- "Proclamez !" : l'évangélisation ne se ramène pas à des ½uvres sociales.