Il y a quelques semaines, quelqu'un vint me voir et me fit la confidence suivante que je me permets de vous partager aujourd'hui. « Tu sais, Philippe, il y a un an j'avais un grand défaut, j'étais imbu de moi-même. Depuis lors, je me suis sérieusement amélioré. A l'heure actuelle, ce n'est plus le cas. Je suis devenu parfait ». Je me réjouis pour son épouse qui doit avoir une chance exceptionnelle de pouvoir partager la vie d'un tel homme. D'aucun se diront qu'il manque un peu d'humilité. A l'image du Christ dans l'extrait d'évangile que nous venons d'entendre lorsque celui-ci affirme « je suis doux et humble de c½ur » ? Toutefois, ici, il ne s'agit en rien d'un regard porté sur sa propre personne mais plutôt d'une attitude d'amour. Nous sommes donc bien dans un tout autre registre.
Ce sont de tels mots d'amour qui permettent à Jésus d'affirmer que certaines choses ont été cachées aux sages et aux savants mais bien révélées aux touts petits. Ce genre de phrase pourrait être difficile à accepter par celles et ceux qui passent leurs vies à chercher Dieu et à tenter d'entrer dans un tel mystère. Voici peut-être une des clés de compréhension d'une telle affirmation. Dieu ne semble pas souhaiter que nous l'enfermions dans nos concepts, dans des images toutes faites qui sont d'abord et avant là pour nous rassurer ou encore pour avoir une certaine autorité sur les autres qui nous sont confiés. L'humilité divine n'a que faire de nos prétentions à vouloir définir le Dieu qui s'est révélé à nous en la personne de Jésus Christ. En effet, si je m'adresse à un être humain et si j'ose prétendre savoir qui il est, je ne lui permets plus d'exister pour qui il est vraiment. Je ne peux pas l'accepter dans la singularité de son être puisque je pense tout savoir de lui ; comme si cela était possible. Nous ne pouvons déjà pas être complètement transparents par rapport à nous-mêmes. Il y a encore et toujours des zones d'ombre dont nous ne saisissons pas tous les contours. Alors, s'il en est ainsi pour chacune et chacun d'entre nous, comment une personne pourrait-elle prétendre connaître et définir une autre ? C'est non seulement impensable mais également abusif. La foi au Dieu de Jésus Christ ne peut s'enfermer dans des mots. Ces derniers deviennent rapidement des maux qui empêchent celles et ceux qui croisent notre route de faire leur propre chemin de foi. Notre foi elle se vit d'abord avant de se dire. Ou en d'autres termes, Dieu ne se dit pas mais il se vit. Notre croyance n'est pas de l'ordre de la connaissance mais plutôt de l'espérance. Nous espérons et nous croyons que ce Dieu qui nous rassemble ce matin autour de la table eucharistique est un Dieu qui nous accompagne sur nos routes d'Emmaüs. Il nous invite à l'accueillir et à l'écouter afin que nous soyons à même d'opérer un déplacement en nous. Ce déplacement nous permettra d'entrer ainsi pleinement dans un mystère qui jamais ne se résoudra mais qui se laisse contempler dans la tendresse de regards échangés, dans la manière dont nos mains se tendent pour nous aider les uns les autres dans les phases de la vie que nous traversons. En Dieu, il n'y a rien de magique. Nous ne sommes pas face à une énigme mais plutôt nous vivons une relation d'intimité exceptionnelle et nous le laissons se découvrir à nous dans tous les petits détails merveilleux qui font le quotidien de nos existences. Il est vrai que ces dernières peuvent parfois nous sembler bien lourdes surtout lorsqu'elles sont teintées par l'expérience de la maladie, de la souffrance ou encore du deuil. Et pourtant, c'est lorsque nous sommes confrontés à ces réalités-là que le Christ nous invite à mettre toute notre confiance en Lui de telle sorte que jamais le désespoir n'aura le dernier mot sur nous. Déposons alors en lui ce qui peut nous encombrer, nous désespérer, nous faire défaillir face à l'immensité de ce qui semble se trouver devant nous. Entrons dans un chemin de confiance et d'espérance et portons-nous l'un l'autre dans les épreuves. Confions-lui toutes nos vies et soyons à même d'accueillir la manière dont l'Esprit Saint continue de se dévoiler à nous chaque jour dans ce mystère divin. Osons une fois encore faire ce pari merveilleux de la Vie. Dieu ne se dit pas, il se vit. Laissons-le vivre en chacune et chacun de nous. En effet, avec lui, nous ne sommes plus jamais seuls mais bien deux pour traverser notre route. De la sorte, nous rayonnerons ainsi de sa présence, une présence lumineuse et fortifiante.
Amen