15e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Les Semailles du Royaume

 

Quelle est la mission que Jésus est venu accomplir ? Matthieu l'a précisé dès le début de son livre : au lendemain de son baptême et après avoir rejeté les projets diaboliques, "Jésus commença à proclamer : " Convertissez-vous : le Règne des cieux s'est approché" (4, 17). Donc avec Jésus, Dieu commence à établir son règne sur les hommes. S'ils se convertissent ! c'est-à-dire s'ils l'acceptent et laissent Dieu transformer leur vie. !... Car Dieu ne règne que sur des libertés. En quoi consiste donc ce Règne divin ? Nulle part il n'en est fourni de définition. Mais, au c½ur même de son évangile, dans le discours central (le 3ème sur les 5), Matthieu a regroupé 7 paraboles fondamentales par lesquelles Jésus tente de révéler "les mystères du Royaume des cieux"(13, 17). Nous les écouterons pendant ces trois dimanches.

Aujourd'hui voici la première, la plus importante de ces 7 paraboles.

"Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison et il était assis au bord du lac. Une foule immense se rassembla auprès de lui, si bien qu'il monta dans une barque où il s'assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Il leur dit beaucoup de choses en paraboles : "................"

Assis dans la barque(de Pierre ?) attachée au rivage, Jésus se tient dans la posture de l'enseignant et la barque devient comme une "chaire" d'où va retentir la Révélation fondamentale. De l'Eglise retentit la parole de révélation. Elle sera offerte en paraboles, en récits imagés. Ce ne sont certainement pas "des histoires pour enfants"ni des énigmes distillées par un maître savant et qui demeureraient incompréhensibles au commun des mortels. Mais le symbole est la seule façon d'exprimer une réalité tellement profonde qu'elle ne peut s'enfermer dans des concepts. Jésus ne peut pas dire : " Le Royaume, c'est ceci..." mais seulement "Le Royaume divin est COMME cela..."et il le compare à des choses connues des auditeurs.

Si le Royaume de Dieu est un "mystère", c'est parce qu'il est une réalité immense dans laquelle on n'en finit pas d'entrer. Nous pouvons connaître, posséder une matière scientifique mais nous ne pouvons posséder le Royaume de Dieu.

Par 7 symboles, 7 paraboles, Jésus ne nous offre pas une connaissance intellectuelle à maîtriser mais il révèle l'arrivée d'un nouveau monde dans lequel je suis invité à pénétrer, qui bouleversera ma vie, et que je ne comprendrai que peu à peu, au fur et à mesure que j'accepterai de m'y conformer. Si au contraire, j'exige de "saisir" avant de m'engager, je demeurerai toujours sur le seuil.

PREMIERE PARABOLE : LE SEMEUR

Voici que le semeur est sorti pour semer. Comme il semait, des grains sont tombés au bord du chemin et les oiseaux sont venus tout manger. -- D'autres sont tombés sur le sol pierreux où ils n'avaient pas beaucoup de terre ; ils ont levé aussitôt parce que la terre était peu profonde. Le soleil s'étant levé, ils ont brûlé et, faute de racines, ils ont séché. -- D'autres grains sont tombés dans les ronces ; les ronces ont poussé et les ont étouffés. ---D'autres sont tombés sur la bonne terre et ils ont donné du fruit à raison de 100, ou 60, ou 30 pour un. Celui qui a des oreilles qu'il entende !

Grosse surprise : on attendait du Messie promis qu'il instaure instantanément un état de bonheur parfait pour les bons. Un coup de baguette et hop ! plus de mal ni de souffrances, on serait transporté au paradis. Or Jésus se présente comme un Messie qui commence et non qui achève. Il n'est pas le moissonneur mais le semeur. Il ne s'impose pas par un coup de force : il parle. Au lieu d'utiliser des moyens de coercition (comme le diable l'y incitait), il propose un message, il explique, il enseigne. Le Royaume de Dieu vient d'abord par une Parole qui doit être écoutée, reçue et accueillie et il faudra, ensuite, comme pour une graine, veiller sur sa croissance, son bon développement. Cadeau de Dieu et collaboration de l'homme ! Devant la foule rassemblée devant lui, Jésus ne se berce pas d'illusion : il sait que ses annonces et ses prédications resteront souvent lettre morte, discours sans lendemain, semailles sans effets durables.

Les 4 terrains de la parabole sont expliqués par la suite :

1) Un homme écoute la prédication...mais elle ne le pénètre pas. Elle est comme une graine tombée sur le macadam. Aucun intérêt..."ça ne me dit rien !".

2) Un autre homme reçoit le message avec plaisir, il le trouve beau, véridique. Mais sa réception demeure superficielle, elle n'a pas de racines. Aussi quand survient l'épreuve, la critique, la persécution, il se hâte d'abandonner. Tel le baptisé qui a suivi le catéchisme, a fait sa profession de foi...mais des copains le ridiculisent pour sa pratique religieuse et, gêné, sans bruit, il renie tous ses engagements.

3) Un autre a acquiescé à l'évangile mais il n'a pas le courage de renoncer à certains attachements de la terre. Il voudrait être chrétien et mondain. Dualité impossible ! Or cet homme aujourd'hui est légion : par dizaines de millions, des baptisés occidentaux auraient voulu une religion compatible avec la frénésie d'achats et de loisirs développée par notre société : compromis illusoire ! La foi, la pratique religieuse, l'engagement chrétien deviennent vaporeux, sans attraits. On n'a pas eu le courage d'opter franchement. On ne voulait pas perdre sa vie pour le Christ et l'Evangile...et voilà qu'on la perd !

4) Mais en dépit de cette multitude d'échecs, Jésus reste confiant : il est certain que sa Parole pénètrera quelques c½urs, les transformera, et rendra des existences admirablement fécondes. Selon les divers degrés d'ouverture et de don de soi, l'Evangile provoquera des fruits merveilleux. Tous les chrétiens ne deviendront pas St François ou Ste Thérèse mais chacun, selon sa vocation et ses réponses à la grâce, donnera des fruits.

"Celui qui a des oreilles qu'il entende" : comme les anciens Prophètes, Jésus nous hèle, nous supplie d'ouvrir nos oreilles : "Ecoute, Israël, ...". La foi naît de l'écoute, dira St Paul. Jésus a été essentiellement un prédicateur. Aussi la mission essentielle de l'Eglise n'est pas de bâtir des édifices, de multiplier les Oeuvres, de déployer les splendeurs du culte, de distribuer des sacrements à tout va mais de parler, d'annoncer l'Evangile.

Un des pires péchés de l'Eglise a été de nous apprendre qu'il était facultatif d'écouter les lectures au début de la messe. On paye encore aujourd'hui les conséquences de cette tragédie : peu de soins et peu d'attention à la prédication, grande ignorance des Ecritures, religion superficielle qui s'effrite à la moindre objection.

" Je soulignerai avec force que l'avenir de l'Eglise est strictement lié à la connaissance, à la familiarité et à l'amour de la Bible...Nous trouverons dans l'étude attentive de la Parole la nourriture et la force pour accomplir chaque jour notre mission"  [1]