Dimanche passé, nous avons vu que lorsque Jésus décide de partir en mission, ses disciples doivent s'attendre à traverser des tempêtes. Mais au c½ur du péril, ils découvrent un Seigneur qui les sauve. Trois événements s'ensuivent : Jésus va à nouveau montrer sa puissance en libérant successivement un homme, une femme puis un enfant.1. LIBERATION DE L'HOMME VIOLENTD'abord, en abordant à l'autre côté du lac, en pays païen, se déroule un épisode très bizarre, non repris en liturgie. Voici que surgit un énergumène, nu, hantant les cavernes des tombeaux, se tailladant le corps avec des pierres, et que personne n'avait jamais réussi à ligoter. Mais ce fou est lucide: " Que me veux-tu, Jésus, Fils de Dieu?". D'une parole, Jésus le libère de ses démons qui s'engouffrent dans des porcs et le troupeau de se jeter dans la mer tandis que le sauvage retrouve son calme. Ainsi Jésus est capable de guérir l'homme hanté par la violence et d'apporter la paix dans une région ravagée. Mais, accourus et stupéfaits, les villageois, au lieu de se réjouir de la guérison du forcené, prient Jésus de s'en retourner dans son pays. Bien des gens refusent le Christ s'ils doivent consentir à perdre des revenus et renoncer ...à "leurs cochonneries" ! L'évangile d'aujourd'hui embraie avec la suite de l'histoire.* * * On retraverse le lac pour rejoindre la Galilée où aussitôt une grande foule s'amasse autour de Jésus. Survient un pauvre papa qui implore: Jaïre, un responsable de synagogue, tombe aux pieds de Jésus et le supplie: " Ma petite fille est à toute extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu'elle soit sauvée et vive". Jésus partit avec lui; la foule qui le suivait était si nombreuse qu'elle l'écrasait.2. LIBERATION DE LA FEMMETout à coup dans la cohue, se glisse une femme qui souffrait d'hémorragies depuis 12 ans: elle avait vu beaucoup de médecins, dépensé toute sa fortune sans nulle amélioration. La Loi lui défendait d'être là car son état la rendait rituellement impure (Lévitique 15) et lui interdisait tout contact.Ayant appris ce qu'on disait de Jésus, elle vient par derrière dans la foule et touche son vêtement. Car elle se disait: " Si je parviens seulement à toucher son vêtement, je serai sauvée"...A l'instant elle ressentit dans son corps qu'elle était guérie. Jésus se rend compte qu'une force est sortie de lui: "Qui a touché mes vêtements ?". Ses disciples sont surpris: " La foule t'écrase et tu demandes qui t'a touché ?". Alors la femme craintive et tremblante, se jette à ses pieds et lui dit toute la vérité. La foule se pressait contre Jésus (comme aujourd'hui pour toucher une idole de la chanson ou du sport) mais ne "touchait" pas son être. La femme, elle, alors qu'elle ne pouvait se joindre au culte ni même toucher personne sous faute de transmettre son impureté, a bravé l'interdit, s'est approchée avec une folle espérance et le contact de foi avec Jésus l'a purifiée.Sa démarche est-elle teintée de superstition, de magie ?...En tout cas Jésus ne le pense pas et il la félicite:Jésus reprend: " Ma fille, ta foi t'a sauvée; va en paix et sois guérie de ton mal".Malgré tous ses échecs précédents, elle ne s'est pas résignée à son état: elle a cru à ce qu'on lui rapportait de ce Jésus et elle a osé, elle a fait confiance. La foi est un désespoir surmonté, une main tendue vers le Christ qui peut sauver. Et la personne de Jésus guérit instantanément, sans condition, la pauvre qui humblement osait croire. Il la sauve de sa honte, de sa marginalisation, il lui restitue sa féminité, il la réintègre dans la communauté, il la comble de sa paix.3. LIBERATION DE L'ENFANTDes gens accourent de chez Jaïre et lui annoncent le décès de sa petite fille. Mais Jésus lui dit: " Ne crains pas: crois seulement". Il refuse que personne l'accompagne, sauf Pierre, Jacques et Jean. A la maison, des gens pleurent et poussent de grands cris. Jésus leur dit: " Pourquoi cette agitation ? L'enfant n'est pas morte: elle dort" On se moque ! Avec le père et la mère et les trois disciples, Jésus pénètre dans la chambre. Il saisit la main de l'enfant et dit: "Talitha koum" - ce qui, en araméen, signifie: " Jeune fille, lève-toi". Aussitôt la petite se lève et marche (elle avait 12 ans). Tous sont complètement bouleversés. Jésus leur recommande que personne ne le sache; puis il dit de lui donner à manger".La mort arrêtait la petite dans l'enfance, au moment de sa puberté. Jésus lui rend un corps vivant, lui ouvre son avenir de femme qui pourra s'épanouir dans la future maternité. Qui est celui-là qui peut même libérer de la mort !!??? ***A l'inverse des autres évangélistes, Marc ne rapporte presqu'aucun discours de Jésus mais il accorde une place énorme à ses miracles : ici, à la fin de son 5ème chapitre, on a déjà lu 8 récits, souvent très détaillés, et en outre, il a noté à deux reprises que Jésus guérissait un grand nombre de gens (1, 34; 3, 10). Tout son livre veut montrer la réalisation de la proclamation originelle de Jésus: " Le temps est accompli: le Règne de Dieu s'est approché: convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle" (1, 15). Une réalité toute neuve est apparue sur la terre - "Dieu en Jésus a inauguré son royaume" - et cela se manifeste. Il est donc faux de réduire l'Evangile à un système de croyances et de rites, à une évasion dans le monde éthéré des belles âmes. Faux de dédaigner le corps, de juger la maladie comme une fatalité ou un châtiment de Dieu, d'en appeler à la résignation. Certes l'essentiel exigé est " Convertissez-vous, croyez à l'Evangile": l'entrée sous le pouvoir divin appelle une réponse, un changement de vie, une FOI. Mais cette foi se joue aussi dans les corps. Ce n'est pas pour rien qu'un tiers des établissements qui soignent les malades du sida en Afrique est tenu par les Eglises.Marc présente Jésus comme un guérisseur - des corps par ses contacts et des âmes par le pardon (2, 10; 2, 17). Les souffrants sont des personnes en appel, ils accourent vers Jésus avec cris et larmes. Et Jésus, loin de se détourner d'eux, de trouver leur démarche intéressée et superstitieuse, sait reconnaître en eux un élan de foi, de confiance.Aujourd'hui, loin d'appuyer la foi, les récits de miracles constituent pour beaucoup un obstacle: ils y soupçonnent un ramassis de légendes. Il nous est impossible de vérifier l'authenticité de faits perdus dans un passé révolu car Marc raconte sans nulle intention d' apporter les preuves de qu'il dit. En effet le problème n'est pas là. C'est à nous de rendre vraies ces pages anciennes en les réalisant aujourd'hui:Être une Eglise qui ose voguer vers de nouveaux rivages.Prête à subir oppositions, orages, tempêtes.Certaine que son Seigneur que l'on dit "endormi" ou mort peut se lever vivant, Sauveur de son Eglise chahutée.Pénétrer dans les zones de conflit où la violence des hommes fait des ravages et y faire entendre la douce Voix de son Seigneur capable d'apporter la paix.Cesser d'inférioriser la femme et de dresser des tabous.Tendre la main aux enfants, les éveiller à la vraie vie, les aider à "faire les passages".Oser proclamer, aux jours de deuil, que le défunt est "endormi" et que le Ressuscité le fera participer à sa Vie nouvelle.Car l'Evangile ne sera jamais une lecture pieuse ni un document livré à nos scalpels: il est interpellation, ouverture de l'avenir et de la libération du lecteur (homme, femme ou enfant). A une condition unique: qu'il ait la foi, la confiance absolue en son Seigneur, maître de l'impossible. " NE CRAINS PAS: CROIS SEULEMENT ".
13e dimanche ordinaire, année B
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : B
- Année: 2008-2009