En Belgique, lors de nombreuses célébrations de mariages, les fiancés ou souvent plutôt les mamans des fiancés, apprécient qu'ils prennent le temps de faire un beau petit carnet présentant le déroulement du sacrement. Ce carnet a un double avantage : il permet aux malentendants de suivre la célébration et aux copines des mamans des fiancés de reprendre le carnet chez elles et de le mettre dans une boîte pour que cela puisse servir le jour où un de leurs enfants devra préparer son mariage. Toutefois, ce type de carnet a également deux désavantages : l'assemblée passe son nez dedans plutôt que de suivre ce qui se vit mais surtout, en attendant l'entrée de la suite, beaucoup de personnes l'auront déjà parcouru et jetteront un bref coup d'½il sur les textes choisis. De la sorte, ils ne se laisseront plus surprendre par ce qui va se vivre dans l'heure qui suit. Ils savent déjà tout ce qui va se lire et se dire.Sans doute un peu comme ces habitants de la région de Jésus. Leurs interrogations semblent démontrer qu'ils ne sont pas prêts à se laisser surprendre, à se remettre en question. Ils ont labellisé le Christ et refusent de le voir autrement que ce qu'ils imaginent de lui. C'est évidemment tellement plus facile d'enfermer l'autre dans nos propres jugements, de penser que nous en saisissons tous les contours, qu'il ne pourra rien nous apporter de nouveau. N'est-ce point rassurant ? De la sorte, aucun pouvoir n'est donné à celui qui veut s'exprimer. Nous l'avons empêtré dans nos images qui ne lui permettent pas de pleinement exister. Il me semble qu'il n'y a rien de pire que d'enfermer un être humain dans une partie de ce qui fait sa spécificité, comme si la partie disait le tout. Même notre langue française peut prêter à confusion. Dans un hôpital, nous entendons souvent au détour d'un couloir que telle personne est malade comme si la maladie disait le tout de son être. Or, lorsque je suis atteint d'une maladie, je ne me réduis pas à elle. Je reste l'être que je suis même si je suis encombré par ce qui me fragilise. Dire « je suis malade », c'est étymologiquement reconnaître que « je suis mal habité », c'est-à-dire habité par quelque chose qui ne me fait pas du bien et que j'ai à combattre par tous les moyens mis à ma disposition. Je ne m'identifie pas pour autant à ce qui me traverse même si ce que je vis est profondément douloureux. Tout comme j'ai à permettre à l'autre d'être autre que ce j'avais pensé de lui, j'attends également que les autres ne m'enferment pas dans une image mais me reconnaissent comme un être à part entière, en toutes ces dimensions de joie et de peine, de qualités et de zones plus grises. En fait un être humain, mieux encore un être toujours en devenir. Et ici aussi l'évangile entendu ce jour peut nous aider. Il est intéressant de constater que les habitants du village de Jésus ne s'occupent absolument pas de sa destinée, de vers où il veut les conduire. Non, par leurs questions, ils préfèrent l'enfermer dans son passé, c'est-à-dire dans ce qu'ils croient connaître. Ils cherchent plutôt l'origine alors que la réponse se trouvera vraisemblablement dans la finalité. Très souvent, nous aussi, lorsqu'il nous arrive quelque chose, nous cherchons à comprendre. Nous voulons savoir pourquoi cela nous arrive ici et maintenant. Nous risquons même parfois de nous enfermer dans une spirale mortifère, une litanie de pourquoi qui resteront à jamais sans réponse. La solution n'est pas dans la thématique de l'origine. Il y a tant de pourquoi qui sont synonymes de mystère non pas à résoudre mais à intégrer dans l'histoire de sa propre vie. Une fois encore, le Christ vient nous convier à quitter une démarche protologique, en d'autres termes tournée vers le passé, vers l'origine pour entrer dans un chemin eschatologique, cette fois ouvert vers un avenir, vers demain. Nous quittons les « pourquoi » et nous vivons les « pour quoi », c'est-à-dire « pour en faire quoi ». Comment pouvons-nous grandir, apprendre, aimer encore mieux lorsque nous sommes traversés par l'expérience de la maladie, du deuil, de la perte de sens ? Comment nous laisser à nouveau surprendre par la beauté de notre quotidien car nous aurons acquis la conviction que l'essentiel se vit dans l'amour offert et partagé ? C'est cela que le Christ vient nous proposer aujourd'hui. Mais sommes-nous capables de l'entendre ? Sommes-nous encore des croyantes et croyants étonnés de Dieu ? Des hommes et des femmes tournés vers le mystère de demain en toute confiance car pétris de cette espérance que le Fils de Dieu marche à nos côtés et que l'Esprit nous porte pour un jour vivre cette rencontre avec le Père, une rencontre d'éternité puisque c'est celle-là même qui nous a été promise ? Laissons-nous conduire vers l'avenir, vers demain et que l'étonnement soit toujours cette lumière intérieure qui fera briller notre vie aux mille couleurs de Dieu.Amen
14e dimanche ordinaire, année B
- Auteur: Cochinaux Philippe
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : B
- Année: 2008-2009