15e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
L' Envoi en Mission Dès le début de sa mission, Jésus a tout de suite appelé quelques hommes à le suivre (1, 16); après un certain temps, parmi tous les disciples qui l'avaient rejoint, et de façon solennelle, il en a institué DOUZE, d'abord "pour être avec lui" (3, 14)., l'accompagner partout. De jour en jour, Jésus a fait leur écolage sur le terrain. Aujourd'hui il les juge capables de collaborer à sa mission.Jésus appelle les Douze et, pour la 1ère fois, il les envoie deux par deux; il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais.L'Eglise n'est pas une organisation qui décide de diffuser son programme ou de faire du bien aux hommes. Son travail fondamental s'appelle "l'apostolat". Et pour être un "apôtre", il faut d'abord être choisi et appelé: on ne s'attribue pas cette charge, on n'en prend pas l'initiative sous prétexte que l'on déborde de dynamisme et que l'on a envie de changer le monde. Il faut d'abord que, patiemment et longuement, on se mette à l'"école de Jésus", qu'on écoute ce qu'il dit, qu'on examine ce qu'il fait et comment il procède. L'apôtre ne doit jamais oublier la signification de son nom qui signifie "envoyé". On ne s'élance pas de soi-même, on part en tant que représentant d'un autre: si le lien avec Jésus s'atténue ou s'oublie, on ne sera plus un évangélisateur ou un missionnaire mais un activiste, un philanthrope, un révolutionnaire, un leader qui veut imposer ses conceptions. On ne part pas seul mais "deux par deux" 1) afin de pouvoir s'épauler en cas de besoin, 2) aussi parce que la Loi juive exige deux personnes pour apporter un témoignage valable, 3) enfin et surtout parce que la mission est une ½uvre à réaliser ensemble. On ne vient pas faire son "one-man-show": on apprend à collaborer, à unir les talents des uns et des autres. Le curé ne monopolise pas tout le travail, il confie des tâches, il suscite la solidarité; le grand théologien ne dédaigne pas la petite catéchiste; le prédicateur s'appuie sur une contemplative enfermée dans son cloître.La preuve que la mission chrétienne ne se réduit pas à une ½uvre humaine d'aménagement politique, de propagande d'un idéal, de gestion des ressources humaines, d'amélioration de la planète, c'est que les envoyés doivent recevoir la puissance même de Jésus . Car il y aura lutte - et terrible et sanglante -: jamais  directement contre des personnes mais contre les mystérieuses forces du mal et contre la mort. Bien naïf l'apôtre qui imagine qu'il suffit d'un grain de bonne volonté !Il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route si ce n'est un bâton; de n'avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture. " Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange".L'apôtre ne peut s'encombrer de rien, il doit même se dépouiller. Ni argent ni moyens de subsistance ni parures superflues. Le minimum: un vêtement, un bâton et des sandales. N'est-ce pas une référence à la tenue exigée pour le repas pascal: " les reins ceints, les sandales aux pieds, le bâton à la main" ( Exode 2, 11) ?  Cela sous-entendrait que la mission effectue le véritable "exode" de l'humanité: avec Jésus, nouveau Moïse, les Douze retirent les hommes hors des ténèbres du péché pour les conduire vers le Royaume du Père.La mission est urgente, ½uvre de commandos libérés de toute surcharge, manifestant une totale disponibilité. Leur désintéressement et leur pauvreté témoignent de leur espérance, appellent les hommes à sortir de la prison du passé, à abandonner leurs possessions qui les possèdent, à quitter l'ornière du  matérialisme qui les pousse à avoir toujours plus.Il leur disait encore: " Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ..."Les apôtres ne sont pas des anges désincarnés: il leur faut bien vivre. Seule issue: se laisser accueillir. Ainsi il y aura un véritable échange: s'ils sont fiers d'apporter les trésors du Royaume, ils auront besoin de recevoir, de manger dans la main de la Providence en acceptant d'être hébergés par de nouveaux amis. Car la foi ne transporte ni au ciel ni dans les lieux sacrés des synagogues ou des temples: elle se vit dans les maisons, au c½ur de la vie familiale et professionnelle. L'Evangile n'est pas une évasion dans "le sacré" mais une nouvelle façon de vivre les relations et de pratiquer l'hospitalité et les échanges. Jésus prévient ses apôtres de ne pas papillonner à la recherche de la meilleure table,  du nid le plus douillet. L'accueil frugal chez des pauvres sera mieux que la table somptueuse des nantis.Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds: ce sera pour eux un témoignage.Cet acte est bien connu dans l'antiquité: il scelle le refus de l'accueil. Mais quel terrible symbole ! : "Vous refusez l'accueil du Royaume de la Vie ? Eh bien, comprenez donc que vous  restez dans celui de la mort !". En vérité, l'annonce de la Bonne Nouvelle n'est pas un luxe, un superflu, un passe-temps !...Ils partirent et proclamèrent qu'il fallait se convertir. Ils chassaient beaucoup de démons, faisant des onctions d'huile à de nombreux malades, et les guérissaient.En finale enfin se dit l'essentiel de l'½uvre des apôtres: proclamer (c.à.d. proposer sans imposer) l'urgence de la conversion, appeler à croire à la Bonne Nouvelle donc à changer de point de vue, de projet, de manière de vivre. En outre, par la grâce reçue du Seigneur, ils exorcisent, ils peuvent délivrer du mal. Et ils montrent la réalité de sa puissance en oignant les malades - ce qui deviendra ce sacrement que, hélas, on a longtemps confiné comme "extrême onction" et qui est redevenu un magnifique témoignage de la mission chrétienne qui vient de toute urgence libérer l'homme et le remettre debout.Ce petit texte vous semble refléter une pratique d'un autre âge ?Et si on l'appliquait à notre  Eglise d'aujourd'hui?Les successeurs des Apôtres sont les Evêques, a répété le récent concile. Donc, chaque évêque, à la tête d'une Eglise locale (= diocèse), pourrait, comme Jésus, s'entourer d'une douzaine de collaborateurs: ensemble ils formeraient l'équipe apostolique de base. Ils circuleraient à travers tout le diocèse pour faire ce que Jésus a ordonné aux Apôtres: essentiellement proclamer l'Evangile - ensuite l'expliquer-  et conduire la lutte contre le mal (en offrant le pardon, en réconciliant les frères ennemis, en apaisant les tensions, en veillant aux personnes souffrantes, en oignant les malades)Comme les premiers envoyés, ils iraient non en haillons mais en pauvreté, sans possessions, sans falbalas. Menant une vie sobre, ils solliciteraient l'accueil des petites communautés locales, les paroisses, lesquelles, comme aux origines, seraient administrées par "des anciens"-...lesquels - pourquoi pas ? -  pourraient être  des couples mariés (?!...)En circulant de la sorte, les "envoyés" établiraient un réseau, tisseraient les liens entre paroisses, les incitant à s'entraider et les ouvrant à la mission universelle de l'Eglise. Par leur mouvement permanent et leur pauvreté, ils apprendraient aux chrétiens ce qui leur manque sans doute le plus aujourd'hui: perdre la mentalité matérialiste, redevenir un peuple en marche, animé par l'espérance, joyeux de croire et d'aller à la rencontre du Seigneur.