13e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Lens Patrick
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
Il y a parfois des jours où tout se mêle. Tu reçois un coup de téléphone sur ton fixe, et voilà que ton GSM sonne. Un médecin est appelé pour une urgence, et, en quittant sa maison, il trouve quelqu'un qui veut lui parler immédiatement. Cela arrive à la paroisse aussi : tu es en train de parler avec l'équipe de baptême et on vient te dire que tu dois aller donner l'onction des malades à quelqu'un qui est en train de mourir. Les mères de familles ont beaucoup d'expérience sur ce point-là. Tu es en train de faire quelques travaux nécessaires, et voilà qu'un des gamins vient à toi en pleurant pour te dire que son petit frère a fait ceci ou cela.Jésus est appelé par Jaïre, chef de la synagogue. Sa fille est mourante. Jésus doit venir de toute urgence. Mais les gens se pressent autour de lui, au point même de l'écraser. Une femme lui touche, car elle espère d'être guéri.Cela me dit que tous, nous avons une histoire. Et toutes ces histoires se mêlent, se touchent, ou ne se touchent pas du tout. Et tous, nous avons nos urgences, nos « dead lines », nos priorités, et ces priorités sont parfois contrecarrés par d'autres.Et nous ne comprenons pas comment Dieu peut gérer tout cela. Mais l'Écriture nous dit : « Dieu ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants. Il a créé toutes choses pour qu'elles subsistent. La puissance de la mort ne règne pas sur la terre, car la justice est immortelle. » Jésus est venu pour manifester l'amour de Dieu pour tous et pour toutes. Il manifeste que la mort n'est pas quelque chose de juste. Dieu n'a pas fait la mort, ce n'est pas lui qui 'a voulu. « La mort est entrée dans le monde parla jalousie du démon, » nous dit l'Écriture. La mort fait mal, pour des hommes et des femmes de tout temps. Mais surtout l'homme d'aujourd'hui, si sensible pour sa liberté et son épanouissement, a du mal à accepter que la vie terrestre nous impose une fin, une limite : la mort. Parfois, il accuse Dieu d'avoir créé une vie « impossible ». Mais en matière de souffrance et de mort, Dieu est totalement à notre côté. Dieu a envoyé Jésus pour nous faire des signes de la fidélité de Dieu, des signes du Royaume qui viendra un jour en toute plénitude. Et la preuve suprême que Dieu nous aime, c'est que dans son Fils, il a participé à la souffrance humaine et à la mort. Il a ressuscité son Fils pour nous dire : vous n'êtes pas faits pour la mort !Je suis frappé par le fait que dans l'évangile d'aujourd'hui, ce sont deux femmes qui sont « ressuscitées » par Jésus. Une femme qui pendant douze ans, souffre de perte de sang. Cela veut dire qu'elle était « intouchable » pour tout juif orthodoxe. Mais c'est elle qui touche Jésus. Par delà, selon la loi juive, Jésus à son tout devenait impur... Il existe un livre qui porte comme titre : Le Dieu impur. Dieu s'est fait impur en se mêlant à notre histoire. Notre histoire est profondément ambivalente et impure : il n'y a rien de parfait sur cette terre. La vie idéale n'existe pas. La société parfaite, l'église toute sainte, la paroisse idéale : ce ne sont que de illusions. Toute histoire humaine est tachée, sali.  Mais Jésus s'y mêle et se laisse toucher par nous ; Et il y a une force qui sort de Jésus, une force qui guérit.L'autre femme qui est guéri, est une petite fille de douze ans. Je suis toujours frappé par la coïncidence dans cet évangile : une femme qui depuis douze ans souffre d'hémorragies, et une jeune fille, un enfant de douze ans qui dort. Et Jésus la ressuscite et elle se lève aussitôt. Et elle commence à marcher et à bouger comme si rien n'était. Elle retrouve la normalité de sa vie, la force de son âge, les préoccupations des enfants de son âge. Elle ne voit plus Jésus ni ses parents, mais elle retourne à ses jeux. Quelle histoire merveilleuse : la rencontre avec Jésus suscite en nous le vrai naturel.Je vois parfois dans ces deux femmes l'image de l'église. Il est bon ton de dire que l'église est vieille, qu'elle souffre d'hémorragies, des pertes de sang, qu'elle est impure, qu'elle n'est pas au clair avec son histoire. Parfois on pense même que cette histoire est irréversible ; certains s'en réjouissent même. N'a-t-on pas besoin d'une autre église, peut être même d'une autre religion plus pure, une religion qui sonne plus juste ? Si on pense en termes de statistiques, on aurait tendance à dire oui. Mais on oublie que l'église est aussi cette jeune fille de douze ans. Je pense que dans l'église, il y a quelque chose d'indestructible et qui fait surface après toutes les crises, là où on ne l'attendait plus. La résurrection  de l'église, c'est son retour au naturel de sa vie, là où nous laissons à côté toutes nos idéologies d'église, même s'ils semblent tout naturels. Mais l'église puise sa force originale dans le naturel : un organisme prend vie de son environnement. Il s'enrichit avec ce que l'environnement lui donne. Mais il rejet tout dont il n'a pas besoin et qui encombre plutôt sa vie. Ma conviction est que l'église sera vivante par le discernement des esprits : qu'est-ce qui vient de Dieu, et qu'est-ce qui donne la vie, et qu'est-ce qui vient de la mort, où sont nos vraies pertes d'énergie ?Aujourd'hui, nous, dominicains, nous célébrons avec vous notre adieu de la paroisse. Le fait que nous quittons, cela donne peut être un sentiment de nostalgie. Mais les dominicains sont fait pour bouger, pour partir. Donc : nous retournons à notre naturel. Mais vous nous avez tant donné : pour des années, vous avez été notre public, notre vitrine. Dans ma paroisse antérieure, j'avais l'impression de prêcher pour trois personnes. Ici, j'ai l'impression que j'ai pu livrer un message. Vous avez vos propres forces pour continuer votre route. J'en ai plein confiance. Vous aussi, vous allez garder votre naturel et être un lieu d'église qui donne vie. La mission de l'église sera toujours plus grande que nos projets, et c'est cela qui justement est très libérateur. Là où tu es, tu donnes la vie. Et puisse Jésus, de temps en temps, nous prendre par la main pour nous donner la force et la joie dont nos avons besoin. Merci pour tout !