Ces propos peuvent nous paraître durs à une première lecture quelque peu abrupte. Il est impossible de ne pas regarder en arrière puisque d'une certaine manière notre présent, tout tourné vers l'avenir, se vit et se construit à partir de notre propre passé. Je ne peux être qui je suis si je n'ai pas intégré dans ma propre histoire tous les événements qui m'ont constitué au fil des années. Notre histoire personnelle nous façonne. Elle permet de nous aider à mieux comprendre les êtres que nous sommes devenus. Si nous avions vécu d'autres situations, si nous avions rencontré d'autres personnes, si nous avions traversé d'autres moments douloureux, si et encore si, nous aurions sans doute une personnalité quelque peu différente. Notre passé est donc essentiel à être intégré dans notre présent. Si nous ne le faisons pas, nous n'aurions alors jamais d'avenir. Le passé existe bel et bien et ne peut donc être nié. Mais il est vrai que parfois dans la vie, pour poursuivre notre route humaine, nous avons aussi besoin de nous en libérer comme le souligne saint Paul dans sa lecture. Nous en libérer pour découvrir un mieux être, un autre demain. En effet, notre avenir peut parfois être paralysé par notre passé qui nous retient vers l'arrière, qui nous empêche d'avancer. Un peu comme si nous y étions non seulement attachés mais aussi rattachés. La nostalgie et le remord peuvent nous encombrer sur le chemin de notre propre devenir. Même si nous avons vécu des moments merveilleux et exceptionnels, la nostalgie peut complètement nous enfermer dans un passé à jamais révolu et qui ne peut plus se revivre. Tout tourné vers l'arrière de ma vie, je suis incapable d'entrer dans un présent tellement j'ai le sentiment que la beauté de mon existence se décline à jamais au passé composé. N'est-il pas préférable de se souvenir de ces moments heureux afin de nous aider à mieux vivre les événements joyeux ou plus difficiles auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés ? Vient ensuite le remord. Nous risquons cette fois de nous enfermer dans une spirale mortifère, confrontés à une re-mort, c'est-à-dire une nouvelle mort. Notre passé nécrose notre présent. Nous nous en voulons à ce point que nous avons l'impression qu'il n'y a aucune issue possible. Nous vivons avec cette utopie de pouvoir réécrire notre histoire mais cette fois avec une encre plus claire. Le remord tue la vie et nous empêche également de poursuivre notre route. Or le Christ, conscient de l'importance de notre passé, par l'expression d'images très fortes, nous convie à ne pas nous y enfermer à chercher à vivre une nouvelle forme de fidélité qui sera cette fois tournée vers l'avenir. Dans la foi, nous sommes invités à être fidèles à notre avenir ? Qu'est-ce à dire se demandent peut-être certains ? La fidélité à son avenir, c'est de chercher à garder la confiance en ce Dieu qui nous accompagne et nous ouvre la voie du Royaume. La fidélité à son avenir, même lorsque ce dernier paraît bouché, c'est de continuer à oser croire à l'espérance. Puissions-nous alors, chacune et chacun, avec notre histoire et nos blessures, devenir des êtres fidèles à leur avenir.
Amen.