13e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

Le contraste est total. Au moment même où s'ouvre le temps des grandes vacances, où des multitudes se ruent sur les autoroutes ou dans les aéroports pour partir au loin, avides de détente, de repos, de soleil, l'Evangile du jour, lui, nous montre Jésus qui décide de se rendre à Jérusalem où, il le sait, ses ennemis le mettront à mort.

Les uns partent vers le plaisir qui, idolâtré, risque de s'enliser dans l'égoïsme ; Jésus prend le chemin de la croix qui le conduira à la vraie Gloire.

Voilà déjà tout un temps que Jésus pressent sa fin tragique : pharisiens et scribes lui ont manifesté leur hostilité et par deux fois déjà, il a annoncé sa future Passion à ses disciples (Luc 9, 22 ; 9, 44). Le temps de la mission paisible à travers les villages de Galilée et dans les petites villes des bords du lac est achevé : l'heure est venue de monter à Jérusalem ( Jérusalem étant sur une montagne et étant le "sommet" central d'Israël, on dit toujours qu'on y "monte").

C'est le GRAND TOURNANT de la vie de Jésus. St Luc marque l'importance de la décision en prenant tout à coup un ton solennel : voici le verset en traduction littérale :

Et il arriva que soient accomplis les jours de son enlèvement et il durcit sa face pour aller vers Jérusalem.

Ainsi on peut dire qu'ici commence "son enlèvement" : le mot fait allusion à l'histoire du prophète Elie qui a terminé son temps de mission en étant "enlevé" vers le ciel. De Capharnaüm à Jérusalem puis hissé en croix, puis ressuscité, Jésus va être "enlevé" dans la Gloire de son Père.

Mais cette Ascension ne pourra s'effectuer que par son "élèvement" sur la croix du Golgotha : il ne l'ignore pas et doit donc bander toutes ses énergies, serrer les dents, "durcir sa face" pour ne pas faillir. Cette dernière expression fait référence au mystérieux Serviteur de Dieu dont le 2ème Isaïe avait tracé jadis le destin dramatique :

Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille et je ne me suis pas cabré...

J'ai livré mon dos à ceux qui me frappaient,

je n'ai pas caché mon visage face aux outrages et aux crachats.

C'est que le Seigneur Dieu me vient en aide ; dès lors je ne cède pas,

j'ai rendu mon visage dur comme un silex,

j'ai su que je n'éprouverais pas de honte...

Oui, le Seigneur Dieu me vient en aide..." ( Isaïe 50, 4-10)

Jésus s'identifie donc à ce "serviteur" intègre de Dieu. A l'écoute de la volonté de son Père, il a pris une décision irrévocable. Quoi qu'il arrive, celui-ci est et sera toujours avec lui. Attention ! Jésus ne décide pas de souffrir mais de poursuivre sa mission au c½ur de Jérusalem, auprès des plus hautes autorités religieuses. Celles-ci le refuseront, le rejetteront comme blasphémateur. Ce que Jésus veut, c'est obéir à son Père : la mort sera le prix de sa fidélité.

On attendait que le Messie donne enfin le signal de l'insurrection contre les occupants romains et bien des jeunes étaient prêts à mourir en martyrs pour l'indépendance nationale. Ou bien on espérait que le Messie exalterait les pieux observants de la Loi et déclencherait la Colère de Dieu contre tous les malfaiteurs, les brigands, les impies qui déshonoraient Israël.

Or voici que Jésus s'élance vers Jérusalem, ville du Temple, du culte officiel, des Grands Prêtres et des Scribes théologiens : c'est contre eux qu'il va se dresser, lancer ses critiques les plus acerbes.

Donc pour lui, la tâche essentielle (la plus dangereuse) n'est ni politique ni morale : elle est de contester la fausse religion, le culte hypocrite.

Tâche sans fin contre une hydre qui repousse toujours.

LE REFUS DE CERTAINS

Décision prise, Jésus envoie des messagers en avant, chargés de préparer sa venue : un certain village samaritain les refuse.

Devant ce refus, les disciples Jacques et Jean intervinrent : "Seigneur, veux-tu que nous ordonnions que le feu tombe du ciel pour les détruire ?" --- Mais Jésus se retourna et les interpella vivement.

Et ils partirent pour un autre village.

Furieux devant ce manque d'accueil, les deux Zébédée ont le réflexe d'Elie, le prophète de feu qui n'hésitait pas à faire descendre la foudre sur ses ennemis ( 2 Rois 1, 10). Mais Jésus tance vertement ces deux fanatiques. Il faut toujours laisser aux gens le temps de la conversion : il n'est pas évident d'accepter tout de suite la marche à la croix. Mais un jour, l'Evangile se répandra également en Samarie (Ac des Ap 8, 5...)

TROIS RECITS DE VOCATION

Luc a placé ces trois appels au lendemain même de la décision capitale de Jésus de risquer sa vie : ceux qui désirent être ses disciples, qui veulent marcher à la suite de Jésus, doivent être éclairés sur les ruptures qu'ils auront à opérer.

En cours de route, un homme dit à Jésus : "Je te suivrai partout où tu iras" Jésus lui déclara : " Les renards ont des terriers, les oiseaux du ciel des nids ; mais le Fils de l'homme n'a pas d'endroit où reposer la tête".

Jésus prévient le candidat : la route messianique n'est pas celle des honneurs, il ne faut pas s'attendre aux vivats de la foule, à des accueils princiers. Au contraire, on sera refusé, rejeté, on mènera une vie pauvre, dangereuse, sans abri. Remarquez que St Luc ne montre jamais Jésus habitant une maison à lui : ou il est invité ou il est en marche.

Il dit à un autre : " Suis-moi". L'homme répondit : " Permets-moi d'aller d'abord enterrer mon père". Mais Jésus répliqua : " Laisse les morts enterrer leurs morts ; toi, va annoncer le Règne de Dieu".

Cette réplique de Jésus est sans doute une de celles qui a le plus scandalisé l'entourage : ainsi on ne devrait même plus participer aux ultimes adieux à son père ? Et le 5ème commandement alors !? Oui, si sacré soit-il, ce devoir ne peut retarder l'urgence d'annoncer la Bonne Nouvelle. L'Eglise n'est pas une entreprise de pompes funèbres : sa mission capitale, c'est de rendre la vie, tout de suite, à ceux qui se croient vivants et qui sont des morts.

Un autre lui dit encore : " Je te suivrai, Seigneur, mais laisse-moi d'abord faire mes adieux aux gens de ma maison".

Jésus lui répondit : " Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu".

Encore une nouvelle allusion à Elie qui appelait Elisée ( 1ère lecture) : mais une fois encore Jésus se montre plus radical que le prophète. S'engager à la suite de Jésus, c'est comme entreprendre de labourer le monde afin de lui faire produire de nouveaux fruits et permettre au Royaume de Dieu d'advenir. Nul retour à l'ancien monde n'est permis. Jésus lui-même dès le départ a coupé les liens avec les siens et expliqué ce qu'était sa nouvelle famille : " Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique" ( Luc 8, 21)

Est-ce là un évangile que nous allons emporter dans nos bagages ?......

Sur la plage, il nous aiderait à méditer sur notre engagement chrétien