13e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2006-2007

C'est le jour le plus long que nous fêtons la naissance de Jean Baptiste, alors que c'est la nuit la plus longue que nous fêtons Noël. Les éclairages dans les rues d'un côté, de l'autre les feux de la saint Jean. Deux naissances symétriques, deux cousins proches et différents. Deux annonciations.

La première : l'archange est dans le Temple, à Jérusalem et il apparaît au prêtre quand il offre l'encens, devant le Saint des Saints. Deuxième annonciation : à Nazareth, une toute petite ville de province. Dans la première, Gabriel annonce un fils à Zacharie qui ne le croit pas, cela n'est pas prévu et c'est trop tard, ils sont trop vieux. Dans la seconde, c'est trop tôt mais Marie répond « Je suis la servante du Seigneur ». Le vieux prêtre devient muet. Il ne pourra pas bénir le peuple à la sortie du culte pour lui communiquer la grâce de Dieu. On voit que la liturgie, même fastueuse, peut être répétitive et stérile comme l'était ce vieux couple. Mais Dieu se rend présent et l'enfant qui naîtra s'appellera « Jean », c'est-à-dire « le Seigneur fait grâce ». Deuxième annonciation : il ne s'agit pas du Temple mais de la maison, tout simplement. Marie n'est pas encore mariée. Son mari n'est pas un prêtre, il est laïc dirait-on aujourd'hui, un simple menuisier.

Qui donc est ce Jean ? Il baptise dans l'eau, un baptême de repentance, de préparation. Il baptisera Jésus dans le Jourdain mais celui-ci baptisera dans le feu, celui de l'Esprit Saint. La grandeur de Jean Baptiste, c'est son humilité, sa capacité à s'abaisser pour que l'autre grandisse . Il ne se prend pas pour le Messie, il n'est que le précurseur, la voix qui annonce le Verbe, la lampe qui précède le grand jour de Dieu .

Là où il nous est proche, c'est quand il doute, quand il se sent abandonné, au fond de sa prison. « Es-tu celui qui doit venir ? » fait-il demander à Jésus par ses disciples . Jean Baptiste meurt décapité. Alors Jésus s'en va dans le désert, pour y prier. Le martyre de Jean Baptiste est pour lui un signe de la violence de sa propre mort.

De tout cela, nous pouvons retenir que Jésus n'est pas seul. Il est précédé par un grand homme « le plus grand des enfants des hommes » dira Jésus de Jean Baptiste . Il lui reprend le geste du baptême pour signifier le grand passage par la mort et la résurrection. Ses premiers disciples ont d'abord suivi Jean. La progression spirituelle de l'humanité correspond à une découverte progressive du vrai visage de Dieu et la révélation est une suite d'étapes, d'héritages et de ruptures, de modèles et d'inventions. Jésus ne part pas de rien. Il a une famille humaine. Il a aussi une famille spirituelle et le « cousinage » avec Jean me semble se jouer surtout là. Comme dans toutes les familles, il y a dans la sienne quelques originaux.

Jean Baptiste est un homme très particulier, tout à fait hors normes et à la limite de l'a-social. Je l'imagine longiligne et marchant en ondulant, comme « un roseau agité par le vent » . La Bible nous le croque en quelques mots très imagés, comme une sorte d'écologiste biodégradable. Il n'est pas un ange pourtant, ni un fakir. On nous dit qu'il mange, comme un ours, du miel sauvage. C'est certainement très bon mais le problème est probablement sa rareté dans le désert et le fait que les abeilles n'aiment pas qu'on le leur prenne. Elles devaient le piquer. Mais Jean est habillé. Notre Adam primitif a sa pudeur. S'il est à poil, ces poils ne sont pas les siens mais des poils de chameaux . Toutes les tentes sont faites de poils de chèvre et de chameau, là n'est pas le problème mais le confort car le contact n'a rien de doux. Autre plat favori : les sauterelles. Je ne sais pas si vous avez essayé ? J'ai goûté aussi aux fourmis grillées, cela ne vaut pas la langouste. N'essayez pas d'en monter un commerce d'importation !

Jean Baptiste est donc une espèce d'escogriffe velu, totalement décalé et déconditionné qui vit une liberté totale, à la manière des bêtes sauvages, avec le seul souci de Dieu. Pas étonnant qu'il soit devenu le modèle des moines et des ermites et qu'en tout lieu un peu isolé, on ait aimé construire une chapelle sous son patronat.

Mais Jean Baptiste n'est pas muet. Il parle et il parle fort. Son message est précis et toujours actuel. En un mot : il faut changer. Il faut se convertir, cela ne peut plus durer. Nous allons tout droit à la mort mais Dieu veut nous sauver, il nous invite à un autre type de vie. Il ne faut pas tarder : « La hache est à la racine de l'arbre » . La paille va être séparée du grain. Si votre vie est stérile, elle sera brûlée par le feu . Pour faire taire le prophète, la compagne d'Hérode ne trouve pas d'autre solution que lui faire couper le cou .

Jean Baptiste a passé sa vie à préparer les chemins du Messie. Son c½ur était consumé par l'imminence de Dieu, ses yeux même brûlés de soleil, lui ont permis de reconnaître et de désigner le Messie attendu : « Il y a parmi vous quelqu'un que vous ne connaissez pas ! »

Cette phrase admirable nous appelle aujourd'hui encore à ouvrir l'½il, à nous libérer des messages publicitaires pour découvrir l'essentiel au plus près de nous : Attention ! Il est là ! Dès maintenant. « Parmi vous, au milieu de vous, quelque part dans votre c½ur, il y a quelqu'un, que vous ne connaissez pas ».