Quand j'étais jeune adolescent, il y avait une bande dessinée qui circulait dans notre classe. C'était Don Bosco de Jijé dans sa version en noir et blanc. Tous les garçons qui la lisaient en étaient subjugués. Nous rêvions tous de devenir comme Don Bosco et de donner notre vie à Dieu et faire de grandes choses pour les autres. L'idéal que nous avions à cette époque était bien au-delà de ce que nous étions capables de réaliser. Même si nous voulions réellement vivre à la suite du Christ et répondre à son invitation « Suis-moi ».
Ce que nous n'avions pas compris à cette époque-là, c'est que finalement Dieu n'attend pas de nous de faire de grandes choses. Il n'espère pas des actions d'éclat avec beaucoup de publicité. Il ne souhaite pas que nous entrions dans un processus de séduction pour manipuler celles et ceux que nous croisons. Dieu nous invite à le suivre. Il ne nous impose rien. Il nous propose un chemin. Nous seuls, je dis bien, nous seuls, pouvons y répondre et ce, en toute liberté, sinon nous contredisons le projet de Dieu sur sa propre humanité. Alors évidemment, nous pouvons nous étonner des propos du Christ dans l'évangile de ce jour. Nous pouvons les trouver un peu durs, voire irrespectueux même de nos proches. Au premier abord, ce sentiment est tout à fait respectable. Et pourtant, je crois que Jésus a raison. Si un jour, vous me demander de vous conduire à un endroit que vous ne connaissez pas et que je vous propose de me suivre, de manière toute naturelle, vous regarderez devant vous et non pas en arrière puisque je suis en avant de vous. Je me vois mal vous conduire en marche arrière pendant quelques kilomètres. Je trouve qu'il en va de même avec Dieu. S'il nous invite à le suivre, c'est pour marcher sur la route de nos vies. C'est d'aller de l'avant. Pour paraphraser l'expression de Teihard de Chardin, Dieu n'attend pas de nous d'être des nostalgiques qui nous enfermons dans les vestiges d'un passé à jamais révolu, même s'ils nous sont chers. Dieu nous attend en avant, dans la construction de notre vie. C'est là que nous lui serons fidèles. Il ne s'agit pas d'oublier mais le passé appartient au passé même s'il nous a façonnés.
Le passé est un temps nécessaire pour mieux aller de l'avant. La vraie manière d'être fidèle à Dieu, ce n'est donc pas de vivre dans le passé mais fort du souvenir de ce que nous avons été, nous avons à construire aujourd'hui, dès maintenant notre présent et notre futur. Ainsi, nous lui resterons proche et serons dignes de la confiance qu'il a posée en nous pour conduire le monde à son achèvement. Dieu nous attend en avant, dans la construction de notre vie. Si suivre le Christ, c'est construire alors nous devons accepter que le chemin qu'il propose est un chemin exigeant. Nous n'avons pas à avancer en traînant les pieds, en soufflant et en nous plaignant constamment, un peu comme lorsque nous étions enfant et qu'à peine entrés dans la voiture, nous demandions, toutes les trois minutes : c'est encore loin ? Dieu nous demande de construire notre vie en marchant sur son chemin d'un pas décidé pour que nous puissions toujours grandir et nous dépasser mais sans jamais aller au-delà de nos propres forces. Croire en Dieu, contrairement à ce que certains essayent de nous faire croire, n'est pas une foi de planqués, de poules mouillées qui veulent se réconforter parce qu'ils ont peur de la mort et peut-être aussi de la vie et qui fuient les risques. Notre foi n'est pas de la guimauve. Non, croire en Dieu c'est décoller de soi pour monter toujours plus haut et plonger dans la vie, plonger dans sa vie. Cette dernière n'est pas une longue sieste dans laquelle nous nous reposons, elle est construction et nous en sommes les maçons. En avant de nous, Dieu, à chacune et chacun tend la main. A nous de la saisir et d'avancer, toujours avancer, sans se retourner. Au bout de ce chemin, il y a une lumière resplendissante, accueillante, réconfortante. Une lumière qui nous fait découvrir que nous n'avons pas raté notre vie, que nous ne sommes pas passés à côté de nous, que nous avons tout simplement construit, bâti quelque chose de merveilleux. Non pas tout seul mais accompagnés de tous ceux et celles que nous avons aimés et soutenu par l'amour de Dieu. C'est cela le salut. C'est « en avant » qu'il faut le chercher. Amen.