13e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Gihoul Luc-Henri
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2003-2004

Dans cet évangile, trois types de rupture font ressortir les exigences auxquelles doit consentir celui qui veut suivre Jésus. Il s'agit d'abord, ne pas fonder sa foi sur des sécurités psychologiques, c'est à dire sur tout ce que nous ne cessons de bâtir pour nous abriter des mauvaises saisons de l'âme. Ensuite, de ne pas mettre son assurance dans le passé, toujours définitivement révolu. Nous risquerions, à coup sûr, de périr avec lui. Enfin, en refusant d'entrer dans l'avenir à reculons, il s'agit de vouloir regarder devant soi, d'assumer son avenir et de proférer le futur. Mais, laissons ces trois ruptures pour aborder une autre dialectique inhérente à toute vie chrétienne qui est le rapport existant entre un double objet de notre foi : Dieu et l'Eglise. Là aussi, il peut y avoir rupture. Le credo commence par affirmer notre foi en Dieu et se termine par la proclamation de notre foi en l'Eglise. Comment vivre ce double objet de notre foi ? Sont-ils à mettre au même niveau ? Par notre foi, nous chrétiens, nous prétendons vouloir adhérer à la vérité toute entière. C'est à dire à la vérité dans toutes les formes où il plaît à Dieu de nous la révéler. Dans notre credo, il s'agit d'abord de foi en Dieu et en Jésus-Christ qui l'incarne, de foi en l'Eglise ensuite. Cette foi est seconde ce qui ne signifie pas qu'elle soit accessoire ou secondaire. Mais, le croyant ne peut plus mettre l'absolu là où n'existe que le relatif. En fait, il nous faudrait plus justement traduire « croire en un seul Dieu » par « croire jusqu'à Dieu » car ce « en »(« in » en latin) indique un mouvement. C'est une foi qui va jusqu'à Dieu car elle est une visée vers Dieu, une projection de notre vie en Dieu, une consécration de celle-ci à Dieu menée au compte du Christ. Et, c'est pour cela que tout chrétien croit en Dieu et en Notre-Seigneur J.Christ d'une façon absolue et inconditionnelle. Il lui voue sa vie. Cependant, ce même chrétien ne croit en l'Eglise que dans la mesure où à la lumière de sa foi, qui lui vient de Dieu, il découvre en celle-ci, le vrai visage de J.C.

Et il faut bien reconnaître que, par rapport à l'histoire, l'attitude de l'Eglise en son institution ou en son magistère a été une épreuve pour la foi des chrétiens. Cela ne veut pas dire que ma foi de baptisé, en l'Eglise, est devenue incertaine parce que seconde. Nous croyons par notre foi d'une manière certaine dans l'Eglise mais nous croyons d'une façon certaine qu'elle n'est, cette Eglise, que relative à Jésus-Christ. Ma foi certaine en l'Eglise est relative par rapport à ma foi absolue en Dieu, comme l'Eglise est relative à l'Evangile et au Royaume de Dieu. Si l'Eglise se refusait à cette relativité, si elle tentait de s'ériger en absolu, si elle se déclarait divine en elle-même, elle se substituerait à Dieu. A une telle Eglise institutionnelle, nous ne pourrions jamais donner notre foi. Or, c'est l'Eglise elle-même qui nous propose l'instance critique qui l'éclaire et la juge à savoir l'Evangile de Notre Seigneur Jésus-Christ. Nous croyons en l'Eglise à cause du Seigneur et non au Seigneur à cause de l'Eglise. L'Eglise sera toujours radicalement impuissante à causer ma foi. Elle la propose, elle la nourrit, elle la protège et la garde mais l'Institution, la hiérarchie et le magistère, en tant que tels, ne sont pas le sacrement de la foi. Le signe efficace et visible de la foi c'est le croyant. C'est Dieu seul qui donne la foi à son Eglise, au peuple des fidèles comme au clergé et à la hiérarchie. L'immense majorité des chrétiens ne l'ont pas encore réalisé. Cette ignorance fait que trop souvent, au cours des temps, les fidèles n'ont pas osé élever la voix, sinon timidement et sporadiquement, quand leur sens de Dieu était violenté par certaines prises de position de la hiérarchie. L'instance critique de la foi n'est pas l'opinion personnelle de l'évêque, fût-il Pape. La règle suprême de la foi, c'est la foi elle-même, c'est mon engagement à la suite du Christ, ma propre expérience de Dieu dans la grâce, mon contact avec le Seigneur dans le vécu de ma foi vive. Le livre de notre vie, les écrits de nos histoires personnelles sont le lieu où retentit la Parole de Dieu. La foi, don de Dieu est bien quelque chose qui se vit entre Lui et moi. Mais je la vis avec mes frères, dans un peuple fidèle de croyants appelés Eglise. Le statut de ma foi personnelle au sein de l'Eglise éclaire mon rapport à elle.

L'Eglise du symbole de Nicée : une, sainte, catholique, apostolique possède ces 4 propriétés en ce qu 'elle peut nous donner, par la grâce des sacrements, la vie même de Dieu. Mais ce n'est par parce que l'Eglise porte en soi la parole vivante de Dieu qu'elle l'a toujours incarnée parfaitement au plan de la vie, dans un témoignage fidèle et authentique. Au temps des croisades, pendant l'Inquisition, à la Réforme, dans sa mission aux Indes, en Afrique, face à la question ouvrière, à celles de l'anti-sémitisme, du modernisme, du féminisme, face à la pédophilie, il y aurait beaucoup à reprocher à l'Eglise officielle, même si en ces époques tant de chrétiens, prêtres, évêques ont bien parlé, bien agi, bien témoigné.

Premièrement, ce sont les sacrements qui rendent l'Eglise Sainte, non ses fidèles, ni ses ministres. Eux, comme nous, devons par ces sacrements, prendre la route et avancer, cahin-caha, pas à pas, vers une sainteté toujours plus grande. Et deuxièmement, c'est à notre foi, en dialogue avec la foi de nos frères, de protester de l'Absolu de Dieu en tout ce qui n'est pas Dieu. Nous en revenons à notre point de départ. Le Royaume auquel nous croyons n'est pas fait pour l'Eglise, mais l'Eglise, à l'intérieur de laquelle je crois est faite pour le Royaume. L'Eglise, c'est la partie du monde des humains en marche vers le Père. Elle vit en quelque sorte dans l'espérance et le souhait de sa propre abolition. L'Eglise terrestre, militante disparaîtra dans l'Eglise céleste et triomphante au c½ur de la Trinité Sainte. Le Chrétien croit à Dieu et à Jésus d'une façon absolue. Le baptisé croit à l'Eglise d'une manière relative, en tant qu'il voit en elle le corps mystique du Christ, le peuple saint de Dieu.

Ici-bas, le règne de Dieu ne finit pas de se chercher, le Royaume ne sera jamais définitivement, ni parfaitement établi. Impossible d'être en avance sur le calendrier divin et d'amener le ciel sur la terre. Aussi, la vie durant, essayons d'apprendre « visionner » toutes choses par les yeux de la foi. Au moment où les mass- média nous révèlent que notre manière de vivre est « relative », qu'elle n'est pas la seule, ni peut-être apparemment la plus efficace, à nous de laisser derrière nous les nuages qui assombrissent nos vies et à croire au Seigneur. La foi absolue en Dieu nous dit que ce fut toujours l'énergie personnelle de quelqu'un, une foi solide, une espérance tenace, un amour fidèle, qui ont ébranlé à contre-courant et à contre ténèbres, les pesanteurs mortifères de l'histoire. Beaucoup de choses pourraient nous porter à la désespérance : des enfants vieillots, saturés de TV, gangrenés déjà par ses méfaits, une jeunesse d'autant plus violente qu'elle est déboussolée, réduite à vociférer sa révolte en décibels surpuissants dans une musique débile, des politiciens douteux, des hommes d'affaires filous, des vedettes de foire et des pouvoirs sermonneurs. Et ces scènes se déroulent sur la toile de fond d' une planète menacée et des humains en guerre ! Face à cette sinistrose chronique, il ne reste vraiment qu'une seule ouverture et qu'un seul devoir créateur : la fidélité tenace de notre foi. Une foi faite de sagesse réaliste, d'espérance chaleureuse et d'amour inlassable. Une foi vécue dans l'humilité d'une vie qui se sait toute habitée de Dieu.