15e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

En méditant cet évangile, je me suis imaginé la situation burlesque suivante. Avant d'avoir goûté au fruit défendu, celui de l'arbre de la connaissance, Adam et Eve sont au paradis, en harmonie complète l'un vis-à-vis de l'autre. Un soir, pour passer le temps, ils décident de jouer aux cartes et voilà qu'Adam a une idée tout à fait saugrenue et propose à sa charmante épouse, Eve, non plus de jouer à la manie mais de faire plutôt un strip-poker. Vous savez, ce jeu, inventé, il y a des siècles où le perdant enlève un vêtement. Je comprendrais l'étonnement d'Eve qui se dit que ce jeu est impossible et tout à fait stupide puisqu'ils sont nus tous les deux. Comment enlever quelque chose à quelqu'un qui n'a plus rien ? Vous voyez l'absurdité de la situation.

D'où mon étonnement de retrouver ce type de phrase dans la bouche du Christ : « celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a ». Mais s'il n'a rien, il est impossible de lui enlever encore quelque chose. Dieu le Fils ou l'évangéliste se serait-il tromper ? Je n'en sais rien mais il y a une erreur de logique me semble-t-il. Ou alors, Jésus savait très bien en disant cela que ce type de personne n'existe pas. Aucun être humain n'a rien aux yeux de Dieu. Aucun être humain n'est rien aux yeux de Dieu. A l'instant même de notre conception, nous avons reçu, chacune et chacun, un ensemble de dons, de compétences. Elles sont là, en nous. Elles sommeillent et n'attendent qu'à être réveillées une fois pour toute afin de pouvoir se développer. Tout être humain quel qu'il soit a reçu des dons.

De par notre nature humaine, enracinée en Dieu, nous sommes toutes et tous des êtres doués. Ayant été créés à l'image de Dieu, avec comme mission l'acquisition de la ressemblance, Dieu a fait de nous une « bonne terre » à ensemencer. Il est vrai qu'avec les aléas de la vie, avec certains événements douloureux tels que la maladie, la perte d'un être cher, des blessures morales, des failles dans l'âme, notre terre personnelle a peut-être un peu perdu de sa richesse première. A certains endroits de notre c½ur, des ronces ont poussé, à d'autres, le terrain est devenu plus sec, plus rocailleux mais il y a toujours un lieu où la terre a gardé sa fraîcheur originelle. Il s'agit du lieu de Dieu. Par définition, depuis l'instant de la Création, Dieu le Père a marqué le monde de l'abondance de ses semailles. Il sème à tous vents et en tous lieux. En lui, il n'y a ni pertes ni profits. Tout ne peut être que bon puisque c'est lui qui nous ensemence à partir de sa propre divinité.

Parfois, certains d'entre nous peuvent être traversés par le sentiment que leur terre intérieure est devenue au fil des années un désert stérile où plus rien de bon ne peut pousser. Puissent-ils se détromper de cette image et se détourner d'une telle désespérance car en nous, il y a toujours un coin de bonne terre où Dieu peut venir déposer ses semailles. A nous de le trouver, de le retrouver si nécessaire. Il suffit de rechercher le chemin tracé en nous par le Fils dans l'Esprit. En le suivant, nous retrouverons ainsi non pas l'ombre divine mais la présence du Père au plus profond de notre être. Une présence qui ne se contente pas seulement d'une rencontre intime mais qui attend de nous que nous comprenions la mission qui nous a été dévolue dans l'accomplissement du Royaume de Dieu. Et cette mission ne peut se vivre qu'à partir de l'ensemble des dons que nous avons reçus. Aucun être humain ne peut prétendre avoir été dépossédé de ceux-ci. Ces derniers sont là et ne cherchent qu'à pouvoir s'épanouir. Il suffit pour ce faire de prendre une fois encore ce chemin intérieur et si nous pensons que nous n'avons pas la capacité de le faire, puissions-nous alors invoquer l'Esprit Saint pour qu'il mette sur notre route humaine des personnes qui nous feront découvrir toutes ces richesses qui sommeillent en nous et qui n'attendent qu'une seule chose : que nous les réveillions.

En Dieu, il y a toujours de l'espoir, rien n'est jamais complètement asséché. Il suffit d'un petit bout de bonne terre intérieure pour que tout puisse recommencer. Si nous prenons pleinement conscience de cette réalité alors nous ferons partie de celles et ceux qui se réjouissent des dons reçus et qui osent les exploiter pour participer à leur manière à la réalisation de l'être humain et de la création toute entière. Heureux serons-nous alors car « celui qui a recevra encore, et il sera dans l'abondance ». Jésus n'a-t-il pas dit : « je suis venu pour que les êtres humaines aient la vie et qu'ils l'aient en abondance ». En Dieu, quelle belle destinée avons-nous à accomplir. Il ne nous reste qu'à faire fructifier l'ensemble de ces dons reçus. Nous sommes la bonne terre de Dieu. Amen