15e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Après avoir médité l'évangile que nous venons d'entendre, deux prédicateurs  décidèrent de rendre plus austère encore leur voyage.  Non seulement, ils n'emportèrent qu'un bâton et aucune tunique de rechange mais surtout, ils décidèrent de mettre des pois chiches dans leurs sandales afin de vivre une véritable mortification.  Les voilà partis en chemin, l'un souffrant à chaque pas et l'autre gambadant de manière légère et ayant toujours le sourire aux lèvres.  A la fin de la journée, celui aux pieds complètement meurtris par la marche, se tourna vers le second et lui demanda comment il arrivait à ne pas montrer sa mortification et à rester joyeux.  Ce dernier avoua alors : « tu sais, les pois chiches que j'ai mis dans mes sandales, je les ai cuits hier soir ».

Quoiqu'il en soit, ce que nos deux prédicateurs n'avaient pas compris, c'est que les exigences de voyage demandées par le Christ n'étaient pas de l'ordre d'une certaine forme d'ascèse.  Loin s'en faut.  Le bâton, les sandales et la tunique font plutôt référence à la pâque juive et renvoie également à l'expérience du désert.   Dans le Livre de l'Exode, Israël a dû se tenir prêt au départ, « les reins ceints, sandales aux pieds et bâton à la main », recevant sa nourriture au jour le jour.  Ainsi, les disciples de Jésus doivent faire de même, vivant une sorte de nouvel exode.  A notre tour maintenant de nous mettre en marche et de permettre à l'humanité entière de vivre son propre exode.  Cet exode-ci est d'abord tout intérieur.  Il nous convie à un déplacement, à un retournement de notre c½ur, lieu précis où Dieu a choisi de faire sa demeure.  De quelle manière ?  Eh bien, peut-être en acceptant de nous éloigner un temps de nos théories sur la religion, de nos discours sur Dieu, voire de tout ce que nous avons pu apprendre au cours de notre catéchisme.  En quelque sorte, notre exode passe par un détachement d'une approche cérébrale pour retrouver plutôt celle du c½ur.  Il ne s'agit donc pas de tout envoyer paître mais plutôt d'accepter de revenir à l'essentiel de notre foi, à ce qui donne sens à nos existences.  En effet, notre exode se vit d'abord et avant tout à partir d'une rencontre : le Christ vivant au c½ur de chacune et chacun d'entre nous.  Cette rencontre a été déterminante et elle donne aujourd'hui un autre goût à notre vie.  Notre annonce de la foi devient ainsi un témoignage  d'une relation privilégiée vécue, dans l'Esprit, entre le Fils de Dieu et nous.  Etre témoin ne signifie donc pas asséner des théories théologiques à celles et ceux que nous rencontrons, pas plus que de présenter un ensemble de valeurs plus belles les unes que les autres.  Ces dernières sont importantes mais elles ne sont pas le fondement de notre foi.  Elles en sont la conséquence.  Etre témoin, c'est donc tout simplement témoigner d'une rencontre.  C'est également peut-être oser dépasser notre timidité pour mettre des mots sur ce que nous vivons au plus intime de notre intimité.  Et c'est vrai que cela n'est pas toujours facile.  C'est la raison pour laquelle, nous nous présentons à celles et ceux de qui nous nous faisons proche avec rien, si ce n'est nous-mêmes comme seul bagage.  Nous sommes là pour dire quelque chose de l'indicible, pour partager ce en quoi notre foi nous transforme chaque jour et nous fait entrer dans la dynamique de cet exode tout intérieur.  De la sorte, notre témoignage devient une forme d'invitation pour que l'autre puisse à son tour découvrir toute la richesse possible d'un nouveau compagnonnage  mais cette fois dans une relation au Dieu de Jésus Christ.  Annoncer la Bonne nouvelle de l'évangile, c'est donc d'abord partager la richesse de notre rapport privilégié à Dieu.  Nous témoignons sans pour autant imposer quelque chose car le Père a voulu que chacun de ses enfants puisse venir à lui en pleine liberté car comme l'a écrit Maître Eckhart, « Je demande à Dieu de me laisser libre de Dieu ».  Notre exode intérieur commence donc dans la liberté.  Ne nous encombrons pas d'objets ou de livres qui peuvent nous sécuriser ou nous rassurer mais osons parler tout simplement du bonheur que nous avons de croire en ce Dieu qui vit à nos côtés et qui nous accompagne sur nos routes humaines.  Les mots de notre témoignage sont les nôtres puisqu'ils prennent leur source dans notre c½ur. Témoignons ainsi de notre Dieu, Père, Fils et Esprit, qui se laisse rencontrer dès l'instant où nous souhaitons entrer en relation avec Lui et surtout rayonnons de cette foi qui nous rend autrement plus heureux dans la vie.

Amen.