16e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2007-2008

Combien d'entre nous n'ont pas fredonné cette chanson au cours de différentes veillées dans les mouvements de jeunesse ou ailleurs. Il suffisait de lancer les premiers mots pour que tout le monde se mette à chanter à tue-tête. Nous la chantions sans pour autant nous rendre compte que théologiquement certaines paroles allaient à l'encontre des Ecritures. Vous l'aurez reconnue, il s'agit de ce chant d'Hugues Aufray : le bon Dieu s'énervait. Je me permets non pas de vous la chanter mais de citer un couplet : « Le bon Dieu s'énervait dans son atelier, en regardant Adam marcher à quatre pattes mais pourtant nom d'une pipe, j'avais tout calculé pour qu'il marche sur ses deux pieds. Pour faire un homme, mon Dieu que c'est long ! » Rien à dire sur la conclusion du refrain. Effectivement, il faut beaucoup de temps pour faire un être humain, c'est-à-dire pour que celui soit à même de prendre sa destinée en main. Mais où est l'erreur théologique se demandent sans doute certains ? Dans le titre même. En effet, souligne le psaume de ce jour : « Toi, Seigneur, Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d'amour et de vérité ! » Oui, heureux sommes-nous de croire en un Dieu, lent à la colère et plein d'amour. Notre Dieu est un Dieu patient. Il nous prend par la main sur nos routes humaines et se réjouit de notre temps de mûrissement. Chacune et chacun d'entre nous, nous sommes la terre dans laquelle le Maître est venu semé. Mieux encore, nous sommes la bonne semence de Dieu. Il est vrai qu'il y a également en nous de l'ivraie, c'est-à-dire des zones plus sombres. Elles font partie du tout de notre être. En d'autres termes, il y a en nous du bon mais également du moins bon. N'oublions jamais que l'essentiel est d'abord cette bonne semence à partir de laquelle nous pouvons grandir, avancer dans la vie. Puis il y a ces quelques zones d'ombres. Elles sont là, ne le nions pas mais ne noircissons pas pour autant. L'ombre n'est visible que parce qu'il y a de la lumière. Nous sommes donc d'abord toutes et tous destinés à devenir des êtres de lumière. Cette dernière est déjà bien là lorsque nous mettons nos pas à la suite du Christ, lorsque par nos actes et nos paroles nous participons à la construction d'un monde plus juste, lorsque nous laissons nos vies se laisser guider par l'amour des sentiments qui nous étreignent. La lumière de Dieu passe par nos yeux lorsque ceux-ci se mettent à briller parce que nous sommes capables de reconnaître que l'être qui est à nos côtés est également un être de lumière. Toutefois, nous ne pouvons nous contenter simplement d'être la bonne semence de Dieu. Au cours de notre croissance, l'ivraie poursuit également son chemin en nous. Et Dieu nous invite dans l'évangile de ce jour à vivre une forme d'opération chirurgicale, c'est-à-dire à nous laisser enlever cette partie de nous-même et ce, lorsque le temps sera venu. Ce temps est le temps de Dieu. Qu'est-ce à dire ? Nous sommes conviés à également entrer dans le temps de la patience de Dieu en acceptant de contempler le Maître de nos vies. Du fruit de cette contemplation naîtra en nous le désir de nous réconcilier avec nous-mêmes et avec Lui. Lorsque nous sommes dans ce temps de vérité divine, dans le moment de la moisson intérieure, nous le laissons devenir le chirurgien de notre c½ur. Un chirurgien qui tout en douceur, tout en finesse vient nous délivrer pour jeter au feu les bottes de nos ivraies. À cet instant, précis, les ombres n'ont plus d'ombre. Elles s'évanouissent par le fait même du Maître de la moisson. Nous sommes libérés de nous-même, plus rien ne nous encombre et nous entrons dans le temps de la liberté profonde. Le Dieu de Jésus Christ se révèle à nous comme un tel chirurgien. Il est le médecin par excellence de notre âme. Suite à une telle opération, nous restons cependant nous-mêmes. Nous ne devenons pas quelqu'un d'autre. Il s'agit toujours bien de nous mais cette fois dégagé des grisailles encombrantes qui nous empêchaient d'évoluer vers qui nous sommes appelés à être. Nous ne sommes donc pas seuls sur cette route de la réconciliation. Dieu est avec nous. Il est à nos côtés. Il a semé en nous une bonne semence puis il prend patience jusqu'au moment où nous venons à Lui pour opérer en nous cette transformation qui redonne toutes ses couleurs à l'être que nous sommes devenus. Comme le souligne Guibert Terlinden, « ultimement, les ombres ne feront plus ombrage à la fin des temps en Dieu ». Forts de cette espérance, il ne nous reste plus qu'à entrer dans le temps de Dieu pour contempler ce Maître qui chaque jour vient nous visiter et nous accompagner. Il est capable d'opérer en chacune et chacun de nous ce miracle qui fera de nous des êtres de lumière.

Amen