Belle pagaille autour de Jésus: les hommes qu'il avait envoyés en mission quelques semaines auparavant reviennent les uns après les autres et racontent ce qu'ils ont vécu pendant ces voyages.Après leur mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus et lui rapportent tout ce qu'ils ont fait et enseigné.Jésus est le c½ur battant de son Eglise missionnaire: c'est lui qui envoie, qui apprend les méthodes, qui transmet ses pouvoirs et c'est autour de lui que les envoyés doivent se recentrer pour rendre des comptes. Le message a été proclamé, il est devenu acte; à présent il devient récit. Première leçon de ce jour: si une paroisse se renferme sur elle-même et sur ses petites activités (le nombre de baptêmes et de communions, l'organisation de pèlerinages), s'il n'y a pas communication des événements d'Eglise, il ne faut pas s'étonner qu'elle n'intéresse plus. Une cellule chrétienne n'a de sens qu'insérée dans l'immense réseau mondial, dans l'effort missionnaire incessant. Qui est au courant des récents massacres de nos frères chrétiens au Pakistan, en Inde, en Irak ? Jamais dans l'histoire de l'Eglise, il n'y a eu autant de martyrs: où en parle-t-on ? La foi chrétienne se joue dans l'histoire: une foi qui ne se dit pas dans les faits devient une idéologie ou se dissout dans une piété désincarnée.Jésus leur dit: " Venez à l'écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu". De fait les arrivants et les partants étaient si nombreux qu'on n'avait même pas le temps de manger.Les apôtres sont émerveillés par ce qu'ils ont accompli: cela dépassait tellement leurs propres capacités ! Mais cela n'alla pas sans mal. Ici, accueil chaleureux, guérisons de malades, enthousiasme du village; là, combien de refus, de sarcasmes, de coups, combien d'heures le ventre creux, de nuits à la belle étoile ?...Mais que de choses à raconter, que d'expériences à partager ! 2ème leçon: savons-nous écouter le frère qui explique son travail ? N'y a-t-il pas parfois de la jalousie ?En tout cas, à présent, l'agitation est telle que les missionnaires n'ont même pas le temps de se restaurer. 3ème leçon: Jésus n'a jamais fixé de programme de jeûne, de périodes de renoncements. Des événements imprévus bousculent les prévisions, des importuns surgissent tout à coup qui chahutent les projets élaborés. L'ascèse ne s'inscrit pas dans un planning: elle s'improvise dans la bousculade des relations.Jésus remarque que ses disciples sont recrus de fatigue: un temps de repos à l'écart de la foule est nécessaire. Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l'écart. Les gens les virent s'éloigner et beaucoup les reconnurent. Alors à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux.Pas de chance ! A nouveau les gens torpillent le projet de vacances. Car l'effervescence populaire grandit au fur et à mesure que l'on découvre l'ampleur du mouvement qui est en train de naître dans ce coin de Galilée. De la rive, les gens observent la barque et suivent le long du rivage. Les apôtres, et Jésus, ne sont-ils pas en train d'apprendre qu'ils doivent "se laisser manger" par les gens ? La suite va montrer le sens réel de cette expression.En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. Les apôtres ont dû râler sec ! Je les imagine hurlant à la foule: " Rentrez chez vous ! Laissez-nous tranquilles! On part en vacances !...". Mais Jésus, lui, a une tout autre réaction et il faut la souligner car elle est capitale: il voit la foule...et il est - non pas "saisi de pitié" selon la traduction officielle car la pitié connote souvent une émotion marquée de condescendance - mais "étreint aux entrailles". Le verbe vient de l'hébreu "rehem" qui signifie "matrice" et, dans les 4 évangiles, il est strictement réservé à Dieu et à Jésus. Choc de tout l'être comme celui d'une mère bouleversée devant le fruit dévasté de sa chair. Côté féminin, maternel de Jésus.Et qu'est-ce qui provoque cette compassion ? : "ils sont comme des brebis sans berger". En ce pays et en ce temps-là, avec la rareté des sources, la pauvreté des pâtures et la fréquence des prédateurs, les brebis ne doivent leur salut qu'à leur BERGER ! Lui seul peut les tenir groupées, les conduire aux sources vives, les défendre contre toute agression.Jésus perçoit que le grand malheur des hommes est de ne pas avoir de vrai guide ! Leurs chefs ( rois, hommes politiques, leaders religieux ) défaillent, ne réalisent pas leur tâche, ne secourent pas les plus faibles, favorisent les plus forts, et même souvent aggravent les divisions. Même ses apôtres, tout fiers de leurs exploits, n'ont pas réussi à UNIR les hommes !Jésus se présente comme LE VRAI BERGER, celui que les Ecritures annonçaient:" Parole du Seigneur: misérables bergers qui laissent périr et se disperser les brebis de mon pâturage ! A cause de vous, mes brebis se sont égarées et dispersées ! Je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis..Je les ramènerai dans leurs pâturages...Voici venir des jours où je donnerai à David un Germe juste: il règnera en vrai Roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice...Voici le nom qu'on lui donnera: "Le Seigneur est notre justice"( Prophète Jérémie, chap. 23 = 1ère lecture de ce jour )Formidable promesse et avec quelle ambigüité ! Après l'échec général des rois et des prêtres ( c.à.d. de la politique et du culte), DIEU lui-même promet de venir comme guide du peuple...Mais en même temps ce Guide sera le descendant de David. Nous retrouvons la fameuse question, fil rouge de l'évangile de Marc: " QUI DONC EST JESUS ?". Réponse: l'homme de Nazareth. Certes- mais encore ???.......Jésus renonce à ses vacances, à son pique-nique avec ses disciples. Les divisions, les brutalités, les déchirements des familles, les jeunes conduits au précipice, l'isolement des victimes: tout cela le bouleverse, le chavire, le pousse à l'action immédiate. Comment unir les hommes ? comment remédier à la vie absurde ? : PAR SA PAROLE , l' EVANGILEAlors il se mit à les instruire longuement ( traduction T.O.B.: "il se mit à leur enseigner beaucoup de choses" ).La Parole de Jésus est joie de la Bonne Nouvelle parce qu'elle guérit nos inimitiés, apaise nos ressentiments, nous unit dans le C½ur d'amour de Dieu. Il nous faut, encore et toujours, ECOUTER L'EVANGILE. La Parole de Jésus fait un peuple, crée une Eglise universelle. Des foules aujourd'hui meurent parce que, saoules de bavardages creux, matraquées par des slogans menteurs, elles n'entendent pas le Joyeux Message.
16e dimanche ordinaire, année B
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : B
- Année: 2008-2009