16e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 6, 30-34

Aimer quelqu'un, ce n'est pas tout lui offrir : c'est lui faire suffisamment confiance pour lui permettre d'agir par lui-même, comprendre ses échecs sans l'enfoncer et se réjouir avec lui de ses réussites.

Ainsi, de même que Dieu a créé l'homme à son image et lui a confié un monde à construire ( "Soyez féconds...dominez la terre..." ), ainsi le Christ a fait participer ses apôtres à sa mission. Sans attendre qu'ils soient des "saints" ou des diplômés en théologie, il les a envoyés, pauvres et démunis, pour accomplir l'½uvre essentielle de l'histoire du monde : recréer l'humanité.

Aujourd'hui nous assistons au retour des Douze.

Après leur première mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus et lui rapportent ce qu'ils ont fait et enseigné.

Il leur dit : " Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu". De fait les arrivants et les partants étaient si nombreux qu'on n'avait même pas le temps de manger.

Ah ! le bonheur de Jésus d'accueillir et d'écouter ses jeunes amis lui raconter tout ce qu'ils ont fait : entrer dans des villages, prendre contact avec les habitants, parler de Jésus, proclamer ses enseignements, expliquer, discuter, tenter de convaincre, rendre visite aux malades, prier pour les guérir... Quelle expérience pour Pierre, Jacques et Jean, les anciens pêcheurs qui s'appliquent à présent à "pêcher" les hommes hors des flots du découragement et du désespoir !

Jésus écoute ses frères avec passion : il ne rabat pas leur enthousiasme, il applaudit à leurs réussites, les console de leurs échecs.

L'important, c'est que la Grande ¼uvre de Dieu se réalise : le Royaume de Dieu est instauré et il a commencé à se répandre sur ce petit coin de terre. Humbles et modestes débuts d'une mission qui, Jésus n'en doute pas, s'étendra bientôt à la terre entière.

Quand donc nos paroisses seront-elles de la sorte des lieux d'échanges ? Quand donc nous sentirons-nous, tous, participants de la Mission d'un même Seigneur, chacun et chacune ayant la possibilité de s'exprimer, de raconter ce qu'il a fait ? Quand n'y aura-t-il plus de sourde jalousie, de moqueries ? Quand la communauté pourra-t-elle se souder autour de confidences partagées, dans la joie de collaborer au seul travail éternel : le salut des hommes ?

LE BESOIN DE REPOS

Mais Jésus remarque les traits tirés de ses apôtres : il sait d'expérience ce que ça coûte de préparer des enseignements, d'être sollicité en permanence par des malades et des souffrants, de parcourir de longues distances sous le soleil... Sans compter que les envoyés n'ont pas toujours été bien reçus : parfois ils ont dû dormir à la belle étoile, le ventre creux, sans avoir reçu quelque chose à manger.

Jésus invite le groupe à prendre du recul et à aller se reposer un peu dans un endroit désert car si la tâche de la prédication est gigantesque, si le temps presse, il ne faudrait tout de même pas perdre son âme dans un activisme débridé.

Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l'écart.

Les gens les virent s'éloigner, et beaucoup les reconnurent. Alors à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux !

En débarquant, Jésus vit une grande foule, il fut saisi de pitié envers eux parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger.

Alors il se mit à les instruire longuement.

Le lac de Galilée n'est pas large : les gens ont assisté au départ du groupe et beaucoup, malins, se mettent à marcher le long du rivage sans perdre la barque de l'½il. Aussi, dès l'arrivée, les apôtres doivent être dépités sinon furieux : "Zut ! vacances fichues !" et on devine leurs cris : " Rentrez chez vous ! Laissez-nous un peu tranquilles !...".

Car on veut bien travailler au salut du monde ...mais pas au point de rater quelque loisir !!!

Jésus, lui, réagit tout différemment et il faut bien méditer la finale du texte.

D'abord IL VOIT LA FOULE. Il n'essaie pas de détourner son regard, d'escamoter ces gens indésirables. Or Ils sont là devant lui après avoir parcouru une longue distance pour le retrouver. Jésus ne se sent pas autorisé de les renvoyer tandis qu'il s'offrirait un bon temps de calme. C'est une grâce de voir le réel, non tel qu'on le rêvait, et d'accepter de voir déranger ses plans.

Et la vue de cette humanité le bouleverse. " Il est saisi de pitié" : la traduction liturgique est trop faible, avec ce mot poisseux de condescendance. Marc emploie ici un verbe riche d'amour et de tendresse, qui traduit un verbe hébreu bâti sur la racine du mot "matrice". On devrait dire : Jésus est BOULEVERSÉ AUX ENTRAILLES, ému de compassion, étreint au profond de son être comme une mère le serait devant ses enfants accidentés.

Pourquoi cette émotion ? Là où les apôtres ne voient que des casse-pieds, des importuns, des gêneurs, Jésus, lui, voit le malheur des hommes : "ils sont comme des brebis sans berger"

Les hommes n'ont pas de guide pour les conduire au chemin de vie, ni de défenseur pour les protéger des attaques des prédateurs. Ils sont fragiles, vulnérables, toujours prêts à suivre un beau parleur, à se pâmer devant une vedette, à aduler un chanteur ou un sportif, à prendre part à ces jeux ignobles où l'on trépigne pour gagner plus d'argent, à se prosterner devant les puissants, à basculer dans les drogues, à opter pour la violence, à déclencher des conflits meurtriers...Qui nous montrera le sens de la vie, qui nous consolera dans les épreuves, qui nous détournera des idoles ?...

Aussi Jésus SE MIT A LES INSTRUIRE LONGUEMENT.

Il sait qu'il est le Bon Pasteur, descendant de David, que Dieu, d'après le prophète Ezéchiel, avait promis d'envoyer un jour ( Ez 34, 23), celui qui ne laisserait plus le troupeau de Dieu abandonné, celui qui chercherait la brebis perdue, celui qui conclurait "une alliance de paix" (34, 25).

Dans ce coin perdu, loin des médias avides de sensationnel, un public de pauvres paysans écoute la Parole fraîche comme une source, claire comme la lumière.

En elle pas de promesses mensongères, pas de ruses pour séduire, pas de raisonnements spécieux ni de mots savants. L'Evangile seul. La Bonne Nouvelle. La Vérité dans sa lumière éternelle. Les mots qui jamais ne passeront. Les paraboles immortelles. La Parole qui fait vivre, qui offre pardon, confiance, miséricorde, réconfort, certitude, amour et paix.

Qui écoutons-nous en ce temps de vacances ? Que lisons-nous ? Combien de temps prenons-nous pour accueillir et méditer la Parole de Jésus ? Comment écoutons-nous la Parole de Dieu à la messe ?