16e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Van Aerde Michel
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

Jésus invite ses disciples à un moment de repos, de recul. «Venez vous reposer un peu, venez à l'écart ». On le comprend aisément, au c½ur du mois de juillet : le besoin de se reposer, de se retrouver au calme, de se ressourcer est présent. Les disciples reviennent de mission -leur première mission ! - et  ils sont bien fatigués aussi. Mais voici qu'au moment où ils se retirent, la foule accourt en masse ! A croire qu'il y a un rapport de cause à effet entre le retrait des disciples et cette explosion d'intérêt.

Réfléchissons à ce phénomène. Ne serait-il pas bon que certains en fassent un peu moins, aillent faire retraite et disparaissent du devant de la scène pour que ce vide relatif permette aux masses de changer d'horizon ? N'y a-t-il pas un excès de présence qui provoque l'ennui, un excès de certitude qui écrase la foi, une incessante répétition qui assourdit, une saturation qui empêche de respirer ? Jésus-Christ lui-même nous dit « Il vous est bon que je m'en aille » ! Et il précise ensuite : « sinon vous ne pourrez pas recevoir l'Esprit Saint ».

Les évangiles ne sont pas des petites histoires moralisantes pour enfants, leur structure est profondément théologique. Ils nous disent de multiples façons et souvent de manière imagée, le rapport qui nous unit, dans l'histoire humaine, au Christ ressuscité.

Aujourd'hui bien peu parmi nous sont illettrés mais beaucoup en revanche sont incapables de déchiffrer les symboles, même les plus évidents. Ici, vous l'avez probablement compris, le voyage en barque sur le lac, n'a pas pour simple but d'évoquer le sympathique divertissement d'une promenade en pédalo.

Il nous laisse entendre de manière subtile qu'à travers ce passage par les eaux, ce départ et cette absence, on est passé d'un monde à l'autre, du monde juif au monde païen, que l'on a franchi une frontière, que l'on se trouve de l'autre côté, de l'autre côté de la vie.

Oui, par-delà la mort, Jésus se met à enseigner, « longuement » nous est-il précisé. La foule reçoit, après la Pâque, l'enseignement du Ressuscité. De cet enseignement, rien ne nous est transmis, ce qui montre bien que l'essentiel n'est pas là mais dans ces retrouvailles entre le peuple et Jésus-Christ.

Ceci n'est bien sûr qu'évoqué, mais cela nous communique l'état d'esprit que prophétisait Jérémie : « les brebis ne seront plus apeurées ni accablées ». « N'ayez pas peur ! » dit le Ressuscité. La présence du berger communique la paix, la confiance, le souffle de la vie et de la joie, tout ce que chante le psalmiste : « Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer » !

Mais revenons à l'invitation de Jésus à nous reposer. S'il dit lui-même qu'il nous est bon qu'il s'en aille, nous pouvons accepter de ne pas toujours être nous-mêmes sur la brèche, en plein travail. Il est bon que je m'efface, que je me repose, que j'accepte de ne pas toujours prendre les gens en charge pour tout régler. Alors seulement ils pourront s'assumer, et l'Esprit de maturité fera son ½uvre en eux comme en moi.

Alors que nous sommes exhortés à la productivité, sous la pression des chiffres et de la compétitivité, la parole de Dieu nous appelle à l'écart, à prendre de la distance, à renoncer à un certain succès, même apostolique, à marquer une rupture, au risque de décevoir, pour valoriser une rencontre avec lui, de qualité et d'intimité.

Il y va de son rapport à la vie, aux choses, aux autres humains. Accepter de perdre de son importance, d'oublier ses fonctions, son rôle, ses responsabilités, ne plus m'imaginer indispensable pour respirer un peu de gratuité. Faire confiance à la vie, entrer dans la confiance et dans la patience, comme le paysan qui sait que le grain germe, doucement et de manière cachée. Et parce qu'on ne fait pas pousser les fleurs en tirant sur les bourgeons...

C'est le fameux « lâcher prise », qui permet de revenir plus créatif, plus présent, plus concentré. Il y a des rythmes et des saisons. Le Shabbat est fait pour l'homme, pour le libérer de ses obsessions, pour qu'il ne soit pas un « workaholique » », un alcoolique du travail, un drogué du boulot. Il n'y a pas à mériter d'exister et c'est pourquoi il est bon, comme Jésus le fait, de nous encourager les uns les autres à nous reposer, pour nous déculpabiliser de prendre des vacances. Il faut aussi se donner le temps de dormir. Rythme journalier, rythme hebdomadaire, rythme annuel. Il y a des temps apparemment morts qui sont des temps de récréation, de re-création, de résurrection.