Je suppose que ce n'est pas pour rien que la liturgie de ce jour met en parallèle deux textes de visite : d'un côté 3 visiteurs reçus par Abraham, de l'autre Jésus reçu par Marthe et Marie. Regardons-y de plus près.
Notez tout d'abord que les 3 visiteurs et Jésus s'invitent eux-mêmes. Pas besoin de carton d'invitation et bien au contraire de nos meurs actuelles, du moins dans un certain milieu, ils n'apportent des fleurs à la maîtresse de maison ni de bouteille de vin.. Non, ils arrivent les mains vides, mais, nous le verrons, tous avec un message non seulement à donner, mais surtout à faire vivre.
J'aime beaucoup ce premier texte de la Genèse, et peut-être, faut-il une mentalité dit-on primitive pour mieux le comprendre. Selon les Africains au milieu desquels j'ai vécu, toute personne qui vous rend visite, surtout à l'improviste, est une bénédiction. Il est un hôte et c'est Dieu qui l'envoie. Ainsi toutes les attitudes du couple visité, en l'occurrence Abraham et Sara, je les ai vécues moi-même. Je me rappelle avoir vécu plusieurs fois l'application de ce proverbe entendu dans une ethnie africaine : " Quand tu arrives dans un village et que tu n'entends ni bruits, ni chants, ni musique ou tam-tam, dépêche-toi : c'est qu'ils sont en train de manger. " D'une autre façon, en arrivant un jour dans un village, on s'est décarcassé pour aller tuer le poulet, le plumer, le cuire et envoyer un gosse chercher deux bouteilles de bière (des grandes) pour moi tout seul !
Quelle différence avec cette personne qui, quelque temps après mon retour, s'étonnant que je rende visite à des voisins sans les avoir avertis, me disait : " moi je n'oserais jamais me présenter sans avoir demandé ou si je pouvais venir ou téléphoné pour avertir ". Et pourtant n'était-ce pas aussi une tradition chez nous - que certains gardent encore - de laisser une assiette vide pour le pauvre qui se présenterait ! Et ce texte de la Genèse nous fait bien comprendre que dans toute personne qui rend visite, c'est Dieu ou au moins quelque chose de Dieu qui vient. De même nous n'avons pas invité Dieu à naître en Jésus, c'est lui qui s'est invité chez nous. Alors c'est l'hôte qui prend la première place et qui requiert toute l'attention de ceux qui sont visités. On arrête tout autre travail. Nous voyons ainsi Abraham et Sara s'affairer pour aller chercher le veau (pour moi c'était seulement un poulet), le plus gras, le dépecer, le cuire, le préparer et Sara préparer de bonnes crêpes. Pendant ce temps-là on peut parler et surtout écouter celui ou ceux qui viennent.
Il nous est demandé de savoir prendre le temps de recevoir, d'accueillir, c'est-à-dire de laisser entrer chez nous, dans notre intimité, celui que Dieu envoie comme lui-même. Voyez-vous : Dieu ne s'impose pas, il se présente comme un pauvre qu'on accueille ou qu'on rejette. La première attitude demandée est donc que nous ayons porte ouverte pour la visite parfois inattendue de Dieu sous quelque forme que ce soit.
Cela nous permet sans doute de mieux comprendre la parole de Jésus sur laquelle parfois on se base faussement pour opposer actifs et contemplatifs, religieux et gens mariés. Jésus ne blâme pas Marthe parce qu'elle préparer à manger : c'est en effet la moindre des choses que de bien le recevoir, mais il reproche d'en être préoccupée au point de ne plus faire attention à celui qui vient. Car recevoir quelqu'un c'est aussi l'écouter, être attentif à lui, à ce qu'il dit, à ce qu'il est, et ce que Jésus nous demande c'est de donner une priorité absolue à sa visite, d'être présent à lui. Ainsi la priorité avec Abraham était le message pour lui et Sara : " tu auras un fils ".
Cet épisode me rappelle une autre parole de Jésus prononcée dans le discours sur la montage, quand il évoquait les oiseaux du ciel ou les lys des champs qui étaient magnifiques sans se soucier d'abord de semer et de moissonner, mais prenant ce qui vient. Il disait : " Cherchez d'abord le Royaume des cieux, et le reste vous sera donné par surcroît " Telle est la priorité absolue. Une seule chose est nécessaire et le reste viendra en plus.
Certes il faut bien recevoir matériellement l'hôte qui vient, mais il est plus important d'être présent à l'écouter, comme Abraham et Marie, que d'être absent pour préparer.
Quand quelqu'un vient chez nous, ce devrait être la fête et il faut que ça se fête en mangeant et en buvant, mais d'abord en étant à côté de lui, en l'écoutant et ensuite en le rendant heureux parce que, simplement, on est là. L'apéro est une très bonne chose, mais ce qui compte n'est pas la quantité bue ou la variété des apéritifs proposés, mais il aide surtout à converser et à se confier et à prendre au sérieux ce que l'autre dit et dans lequel nous reconnaîtrons souvent un message qui vient de Dieu.