Quand j'ai le plaisir de célébrer un mariage sans eucharistie car cette dernière ne fait pas partie de la vie des fiancés, souvent des membres de la famille ne sont pas contents pas tellement parce que les fiancés ont été vrais avec eux-même et ont refusé de brader un sacrement qu'ils ne vivent pas mais parce que, comme il n'y a pas eu de communion, ils devront retourner dans une église le lendemain. Et quand j'ai le plaisir de célébrer un mariage avec une eucharistie, cette fois, il m'arrive encore régulièrement d'avoir des gens qui me demandent ceci : " dites, Père, ça compte pour demain ? ". A quoi, je réponds toujours : non, madame, ou non monsieur, cela ne compte pas parce que ce n'est pas la liturgie dominicale comme telle. Mais par contre, si vous estimez dans votre vie de foi que cette célébration vous a nourri pour les jours qui viennent alors je comprends que venant d'être rassasier, vous ne ressentiez pas le besoin d'une nouvelle eucharistie. Mais si ça compte, là je dis non, comme si cela devait compter.
Il est vrai qu'il y a quelques décennies, manquer la messe était " un péché mortel ", heureusement nous ne sommes plus dans ce type de discours rude, légaliste, dessèchant et surtout anti-évangélique. Aujourd'hui nous participons à l'eucharistie qu'elle soit dominicale ou quotidienne parce que une faim de Dieu s'est éveillée en nous. A l'image de cette foule dans l'évangile. Elle avait faim et soif de Dieu à ce point qu'ils étaient, semble-t-il, prêt à sauter un repas pour rester auprès de Jésus.
Cette attitude nous renvoie à nous-mêmes : avons-nous aussi faim de Dieu ? Pas n'importe quelle faim : une faim de gourmet et de gourmand. Je m'explique : gourmet de Dieu, c'est-à-dire apprécions-nous le raffinement de ce que Jésus nous révèle du mystère du Père ? Etre gourmet de Dieu, c'est prendre du temps pour Dieu, le lieu offrir pour mieux partir à sa rencontre et se réjouir chaque fois un peu plus lorsque nous le comprenons mieux, lorsque nous en vivons. Si effectivement Dieu est important pour nous, je prends un plaisir à être en sa compagnie dans la lecture des Ecritures, dans la méditation personnelle, la prière, la célébration des sacrements. Je me réjouis également de sa présence que je ressens lorsque je vis une rencontre d'amitié, d'amour en vérité. Le gourmet de Dieu est rayonnant de divinité chaque fois qu'une occasion lui est donnée de la vivre.
Le gourmand de Dieu quant à lui est une bonne fourchette, il est friand de toute nourriture proposée. La bonne fourchette apprécie la qualité mais ne se contente pas d'un régime diététique, il apprécie les mets où il trouvera une certaine quantité nécessaire pour qu'il puisse se rassasier. De plus, le gourmand ne peut se satisfaire d'un repas gastronomique épisodique alors que les mets sont raffinés, la table est superbement dressée, une ambiance appropriée et un souvenir merveilleux dans la mémoire. Non une fois de temps en temps n'est pas satisfaisant car pour le gourmand qualité et quantité rime avec régularité. Vivre notre foi pleinement est une invitation à ne pas nous satisfaire d'un des deux adjectifs : gourmet ou gourmand. Nous sommes conviés à remplacer le " ou " par un " et " devenant ainsi gourmet et gourmand de Dieu. Comme si Dieu attendait de nous que nous savourions les différents lieux et moments où il se révèle à nous dans le silence de notre c½ur.
Désirer être nourri par Dieu exige le vif réveil de notre foi. Avoir faim de Dieu c'est alors dépasser le réel de la vie, c'est-à-dire le travail, les soucis, les loisirs, pour vivre le réel de Dieu. Ces deux réels ne sont pas contradictoires mais constitutifs de ce que nous sommes. En tant que croyants, nous avons besoin des deux. Sans Dieu, le réel de la vie peut parfois nous sembler fade, pauvre voire même lourd. Envahie par Dieu par contre, c'est notre vie elle-même qui éclate, s'épanouit. Le réel de la vie s'impose à nous. Le réel de Dieu a constamment besoin d'être appelé par notre foi. C'est elle qui nous donne faim de Dieu. Par là, nous serons transfigurés puisque Dieu donne ce goût à la vie aux gourmets et gourmands de la foi que nous sommes.
Amen