18e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

QUEL PAIN APAISERA NOTRE DÉSIR ?

A la suite du repas des 5 pains, Jésus a disparu dans la montagne. La liturgie omet la scène suivante que l'on peut résumer comme ceci. La nuit venue, perplexes devant l'absence du Maître, ses disciples décident de retourner à Capharnaüm ; alors qu'une forte bourrasque secoue l'embarcation, ils voient tout à coup Jésus marcher sur l'eau mais il calme leur effroi : «  C'est moi, ne craignez pas ». Le matin, des barques de Capharnaüm viennent rechercher les gens qui avaient passé la nuit à l'endroit du repas ; tous refont la traversée et voilà qu'en ville, stupéfaits, ils retrouvent Jésus.  ---- La lecture liturgique reprend ici.

Ayant trouvé Jésus, ils lui disent : «  Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? ».
Il leur répond : « Amen, amen, je vous le dis, vous me cherchez non parce que vous avez vu des signes mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la Vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'homme, lui que Dieu le Père a marqué de son empreinte ».
Ils lui disent alors : «  Que faut-il faire pour travailler aux ½uvres de Dieu ? ».
Jésus leur répond : «  L'½uvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé »

Dans le repas de la veille, les gens n'ont vu qu'un don miraculeux, ils n'ont pas compris que l'événement était un « signe » qu'il fallait essayer de déchiffrer. Aussi leur recherche de Jésus vient de ce qu'ils ont pu manger gratuitement et ils espèrent bien qu'il va renouveler ce cadeau. Mais le pain de la terre ne peut entretenir qu'une vie terrestre, fragile, éphémère : la nourriture périssable n'empêche pas l'être humain de se perdre dans la mort. Vous devez, dit Jésus, non seulement satisfaire vos besoins naturels (manger, boire, dormir, vous soigner...) mais vous éveiller à un désir bien plus profond qui vous habite et qui n'est rien moins que le désir de la Vie éternelle, la Vie divine. Il ne faut pas seulement vous limiter à la recherche des nourritures terrestres - où l'humanité demeure au plan animal -  mais vous mettre en quête d'une autre nourriture qui échappe au pourrissement.
Cet aliment, vous ne pouvez pas le fabriquer, l'acheter, le gagner, le mériter ; il n'est pas le fruit du labeur, des ½uvres, du génie de l'homme : c'est un don. Un don que seul le Fils de l'homme pourra vous offrir. En effet, affirme Jésus, Dieu m'a oint, consacré, marqué de son sceau, précisément dans cet unique but : donner aux hommes la Vie éternelle, les introduire dans le partage de la Vie de Dieu.  C'est par la FOI, en croyant en moi comme « fils de l'homme, consacré par Dieu » que vous « me mangerez ».

Ils lui disent : «  Quel signe vas-tu faire pour que nous puissions le voir et te croire ? Quelle ½uvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne. Comme dit l'Ecriture : « Il leur a donné à manger le pain venu du ciel ».
Jésus leur répond : «  Amen, amen, je vous le dis : ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c'est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Le Pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde ».
Ils lui disent alors : «  Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours ».
Jésus leur répond : «  Moi, je suis le Pain de la Vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif ».

Croire que l'homme devant vous n'est pas seulement un sage qui vous enseigne ou un prophète qui vous transmet un message de l'au-delà mais celui-là, l'unique, que Dieu a habilité à communiquer sa Vie à l'humanité : cela tombe sur les gens comme une exigence énorme. « Quelle prétention exorbitante ! Comment le croire ?  Si ce Jésus, comme il semble le sous-entendre, est le Messie, qu'il réitère d'abord les miracles de l'Exode racontés dans les Ecritures : de même que Moïse a donné la manne quotidienne de Dieu à nos ancêtres dans le désert, qu'il nous redonne aujourd'hui encore à manger ! »
Lors de l'exode, la découverte de « la manne » (simple sécrétion issue des tamaris du Sinaï et qui donne un agglomérat sucré) avait tellement émerveillé les Hébreux qu'ils en avaient fait une légende : on imaginait un pain qui tombait du ciel à foison, un cadeau de Dieu, la nourriture des Anges, tellement abondante qu'elle avait permis à la multitude des Hébreux de demeurer en vie au long des 40 ans de marche dans le désert avant d'entrer dans la Terre promise (lire Exode 16).  Jésus s'appuie sur cette légende : le don de la manne était le signe prophétique que Dieu, un jour, offrirait un Pain pour donner la Vie. Et non seulement à Israël mais au monde.
Mais le dialogue achoppe sur le même malentendu que celui avec la Samaritaine : Jésus lui ayant promis une eau « qui, en elle, deviendrait source », immédiatement elle avait demandé : «  Donne-moi cette eau que je n'aie plus soif » (4, 15). De même ici les gens comprennent au premier niveau, comme s'il s'agissait d'un pain magique qui résoudrait tous les problèmes.
Là-dessus Jésus fait à la foule une révélation stupéfiante : ce Pain que Dieu donnera, ce n'est pas une chose, c'est MOI !  Oui, JE SUIS

LE PAIN DE VIE :
-    parce que je viens de Dieu qui est Vie
-    parce que Dieu veut donner sa Vie aux hommes du monde entier
-    parce que, comme le pain, je désire être assimilé par les croyants
-    parce que la foi n'est pas obéissance morale, pratique rituelle, théologie dogmatique mais accueil d'une PRESENCE.
Donc croire en Jésus, c'est se laisser combler par Lui, ne plus être enfermé dans les cycles interminables des besoins qui ne sont satisfaits que pour renaître à nouveau. Voilà le grand projet de Dieu : offrir son Fils. Voilà ce qui est demandé à l'homme : le croire. Et la foi  est comme « une alimentation » !!
Qu'est-ce à dire ? Le dialogue qui éclaire ce mystère se poursuivra les prochains dimanches. Mais aujourd'hui il importe de bien comprendre cette rupture, ce saut, ce passage que Jésus appelle à faire.

CONCLUSIONS

Le pain que Jésus a donné est donc bien un « signe ».
D'abord signe qu'il est possible et nécessaire de partager la nourriture, que l'on n'a pas le droit de se résigner aux multitudes affamées en prétextant du peu que l'on a pour soupirer : « Qu'est-ce que cela pour tant de gens ? ». Le petit garçon - gros naïf dira-t-on - est le modèle du chrétien qui n'évalue pas les dimensions gigantesques des problèmes, qui n'attend pas que les spécialistes s'en mêlent mais qui commence par donner ce qu'il a (évangile de dimanche passé)

L'être humain n'a que trop tendance à se limiter à satisfaire ses besoins matériels, à bénéficier de bienfaits gratuits. Notre société veut nous convaincre que le bonheur est de satisfaire nos besoins et pour que le commerce marche, elle crée sans cesse de nouveaux besoins superflus. Course éperdue qui excite l'envie mais du coup la cupidité, la rivalité, l'égoïsme et qui mène à l'abîme.
Or l'homme est habité par une autre faim dont il ne veut pas souvent reconnaître l'existence. Il est à remarquer que Jésus n'a donné à manger à la foule que cette seule fois et il refuse de recommencer parce qu'il ne veut pas que l'homme abdique de sa responsabilité de gagner son pain lui-même et d'organiser une société solidaire où tous peuvent se nourrir.
Certes l'Eglise doit lutter pour nourrir les affamés et partager les ressources de la terre mais elle doit conduire l'homme plus loin, le rendre conscient en lui d'une faim plus essentielle. C'est pourquoi elle ne peut être réduite à un service social, une ½uvre philanthropique. Plus que le pain, le vêtement, le soin qu'elle donne pour satisfaire les besoins primaires, sa mission, comme Jésus ici, est d'interpeler l'homme : Quel est le désir profond qui t'habite ? Où est ton vrai bonheur ? Quelle vie cherches-tu ?  Ce désir, tu ne peux le faire taire et tu resteras toujours impuissant à le satisfaire par toi-même.
Dans une « société de consommation », comment être une Eglise qui dénonce l'enfermement dans la possession des choses, le culte de l'immédiat et qui propose le seul PAIN qui puisse nourrir les c½urs : Jésus, véritable Pain qui donne la vraie Vie ?.......