LA PAROLE DE DIEU S'ÉCOUTE ET SE MANGE
Gardons bien le fil de ce long chapitre 6 de l'évangile de Jean que la liturgie rapporte en ces 5 dimanches.
1ère étape : Jésus, un soir, a effectué un partage du pain pour une foule et a fui l'enthousiasme.
2ème étape (omise en liturgie) : traversée difficile du lac. Jésus se révèle : « C'est moi »(en hébreu : YHWH)
3ème étape (la semaine passée) : la foule a retrouvé Jésus et lui demande de réitérer le miracle, sur le modèle de la manne donnée jadis chaque jour aux ancêtres dans le désert. Jésus a refusé net et a exhorté les gens à chercher une autre nourriture qui, elle, donnerait une autre vie, la Vie divine. Et il a lancé cette invitation stupéfiante : « Croyez en moi, l'Envoyé de Dieu ».
* Aujourd'hui, 4ème étape : la liturgie a malheureusement sauté les versets 36-40. Je propose d'en rétablir la lecture, indispensable pour bien comprendre.
Jésus leur dit : « Je suis le Pain de Vie. Celui qui vient à moi n'aura pas faim, celui qui croit en moi n'aura jamais soif. Mais je vous l'ai dit : Vous avez vu et pourtant vous ne croyez pas. Tous ceux que le Père me donne viendront à moi ; et celui qui vient à moi, je ne le rejetterai pas. Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté mais la volonté de Celui qui m'a envoyé. Or la volonté de Celui qui m'a envoyé, c'est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est en effet la volonté de mon Père : que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la Vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour ».
Jésus, à la différence des prophètes, ne ponctue jamais ses oracles par : « Oracle du Seigneur ! » car il se dit le FILS qui est envoyé par Dieu SON PERE, afin d'accomplir la mission ultime : donner la Vie divine aux hommes qui croient en lui. Avec tristesse il constate que beaucoup de gens admirent ses enseignements et ses miracles, mais ne voient en lui qu'un guérisseur, un prédicateur, un sage, un homme admirable. D'un autre côté, il se réjouit de voir que certains hommes « viennent à lui » (expression qui dénote une démarche de foi) et à ceux-là, il fait une promesse extraordinaire : Quiconque me croit en tant que « Fils de Dieu », quiconque distingue mon origine et vient à moi comme disciple, je lui donnerai la Vie divine, je ne le rejetterai jamais, je le garderai et je le ressusciterai.
(Ici commence la lecture liturgique)
Comme Jésus avait dit : « Moi, je suis le Pain descendu du ciel », les Juifs récriminaient contre lui : « Cet homme-là n'est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire : « Je suis descendu du ciel ? »
Nous l'avions déjà vu (14ème dimanche) lorsque Marc avait raconté la visite de Jésus à Nazareth : les villageois s'étaient cabrés devant ce charpentier dont ils connaissaient bien la famille et ils n'avaient pas accepté qu'il vienne les appeler à la conversion au Royaume de Dieu. Ici de même, Jean souligne la réaction violente soulevée par cet homme bien connu et qui prétend être « descendu du ciel », c.à.d. venir de Dieu. Telle est bien en effet la question fondamentale qui traverse tous les évangiles et spécialement celui de Jean : le comportement de Jésus, sa façon d'enseigner, ses guérisons et ses affirmations sur lui-même forcent toujours à poser la même interrogation: « Qui donc est-il ? D'où sort-il ? » (7, 27 ; 8, 14 ; 9, 29...). Oui Jésus est un homme situé comme les autres, on connaît ses parents, son âge, son métier, sa façon de parler. Il n'est pas un extra-terrestre ni un ange. Quelle est donc son identité profonde ?...
Jésus ne revient pas en arrière et il va justifier son affirmation.
Jésus reprit la parole : « Ne récriminez pas entre vous ! Personne ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
Il est écrit dans les Prophètes : « Ils seront tous instruits par Dieu lui-même ». Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. Certes personne n'a jamais vu le Père sinon celui qui vient de Dieu : celui-là, seul, a vu le Père.
Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi a la Vie éternelle. Je suis le Pain de Vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne et ils sont morts. Mais ce Pain-là qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas ».
La foi en Jésus comme Fils vient donc d'un attrait du Père. Cela ne peut vouloir dire que le Père attire à lui ceux-ci plutôt que ceux-là : il y aurait là un arbitraire intolérable, un fatalisme qui nierait notre liberté. Cela semble donc signifier : certains doutent de l'attrait de Dieu, ils hésitent, ils restent sceptiques alors que d'autres se laissent attirer par lui pour se mettre à chercher qui est Jésus et à le découvrir vraiment.
Et comment faire cette découverte ? Par les Ecritures.
Après l'affreuse destruction de Jérusalem et la déportation du peuple à Babylone (6ème siècle av. J.C.), un prophète (le 2ème Isaïe) avait rendu l'espérance à la ville : « Pousse des acclamations, le Seigneur te rachète, il est Dieu de toute la terre...Avec tendresse, je vais rassembler tes enfants...Tous tes fils seront enseignés par le Seigneur, et grande sera leur paix... » (Isaïe 54, 13...). Jérémie disait de même : « Ils ne s'instruiront plus entre compagnons en répétant : « Apprenez à connaître le Seigneur ». Car tous, petits et grands, me connaîtront. Je pardonne leur crime... » (Jér 31, 34).
Donc si, pendant des siècles, il avait fallu écouter les enseignements exprimés par Moïse, les Prophètes, les Sages - tous ceux que la tradition désignait comme les envoyés légitimes de Dieu -, après le désastre, il y aurait une nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes. Quelle serait sa nouveauté ? L'Esprit de Dieu serait donné, les c½urs seraient atteints, la Parole de Dieu ne serait plus un enseignement à écouter et à apprendre mais elle serait inscrite sur les c½urs qu'elle rendrait dociles à la Volonté divine.
Ici donc Jésus assure que cette révolution spirituelle est en train de s'accomplir avec lui : il donne l'Esprit de Dieu et, en l'écoutant, l'homme se laisse enseigner directement par Dieu. La relation de foi n'est plus celle de maître/disciple, enseignant/élève, sermon/amen ... mais celle de « PERE/FILS ».
En ce nouveau régime le croyant communie avec le Fils Jésus, donc il A LA VIE....et l'espérance de la résurrection finale lui est assurée.
La lecture liturgique ajoute le verset 51 qui amorce le développement suivant quand Jésus va dire que ce Pain, c'est « sa chair » même: ce sera le sujet de la prochaine étape.
Je suis le Pain vivant, qui est descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la Vie.
CONCLUSIONS
« J'ai dévoré ce livre...Je buvais les paroles de cet homme...Je restais bouche ouverte... » : nos expressions manifestent que nous ne vivons pas que de pain, que nous avons faim d'une Vérité qui fait vivre. On parle beaucoup de la pauvreté matérielle (scandaleuse certes) mais la pauvreté morale et spirituelle est pire. Des hommes nantis meurent parce qu'ils n'ont pas entendu une parole vraie. Des jeunes sont gavés et ils ne sont jamais comblés. Leur chambre est pleine, leur c½ur est vide.
Quelle joie d'accueillir l'Evangile non comme un beau texte, une parole extérieure mais comme Parole de Quelqu'un QUI EST CETTE PAROLE. Il faut le « dévorer », le manger comme on mange du pain. Donc fermer les oreilles au tintamarre publicitaire, oublier les catéchismes et les cours de religion, dépasser les critiques (vraies) contre l'Eglise, percevoir qu'il y a autre chose que des croyances et de la morale, des édifices somptueux et des cérémonies présidées par des Eminences rouges.
CHERCHER JESUS. Qui donc est-il ? Un homme, oui, mais encore ... ? L'écouter, le croire. Faire l'expérience intérieure que son message est le messager lui-même.
Quand le livre de l'Evangile est fermé, quand le prédicateur se tait, il DEMEURE dans le c½ur.
Alors sois-en sûr : TU VIS....TU RESSUSCITERAS.
Aujourd'hui on peut remettre en valeur la procession d'entrée avec l'EVANGELIAIRE et souligner l'engagement de la réponse : « ACCLAMONS LA PAROLE DE DIEU »
19e dimanche ordinaire, année B
- Auteur: Devillers Raphaël
- Temps liturgique: Temps ordinaire
- Année liturgique : B
- Année: 2011-2012