18e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2008-2009
Afin sans doute de ne pas allonger la lecture, la liturgie omet ( dommage !) l'épisode suivant du célèbre chapitre 6 de Jean commencé dimanche passé. Jésus a  donné du pain à la foule mais, fuyant l'enthousiasme populaire, il s'est enfui dans la montagne. Les disciples, désemparés par l'absence de leur maître, décident de rentrer en barque à Capharnaüm: l'obscurité est tombée, un grand vent soulève les vagues quand, tout à coup, ils voient Jésus marcher sur la mer ! Panique ! Mais Jésus leur dit: "C'est Moi ! N'ayez pas peur !". Peu après, ils touchent terre. Les gens, eux, sont demeurés sur place: le lendemain matin, ne voyant plus ni Jésus ni les disciples, ils retraversent eux aussi et, à Capharnaüm, ils retrouvent Jésus. Donc cette nuit marque une rupture : il s'agit de retrouver Jésus...le même...mais autre ! Qui le pourra ?...Un grand dialogue s'engage - essentiel !! ! -: en voici le début  (évangile de ce jour):- Rabbi, quand es-tu arrivé ici ?- Amen, amen, je vous le dis: vous me cherchez non parce que vous avez vu des signes mais parce que vous avez mangé du pain et que tous vous avez été rassasiés. Jésus n'est pas dupe: si les foules se pressent à sa rencontre, c'est parce qu'elles profitent de ses bienfaits: guérison des malades et distribution gratuite de nourriture! Remarquons que c'est l'unique fois des évangiles où Jésus a donné à manger ! Lorsque la foule en redemande, il coupe court nettement: il ne se laisse pas enfermer dans le rôle du médecin ni du bienfaiteur social - ce dans quoi le monde voudrait le confiner,  lui et son Eglise ! Il a soigné et nourri mais il n'y a là que des SIGNES c.à.d. des actions valables mais qui renvoient à autre chose. En effet à quoi bon recouvrer la santé et jouir du pain gratuit si l'on ne change pas de vie, si l'on demeure égoïste, cupide et orgueilleux? Ne voyons-nous pas comment notre société nantie exacerbe l'individualisme et érode la foi ?....Jésus renvoie les gens à leurs responsabilités: que fermiers et boulangers travaillent, que citoyens et autorités politiques veillent à la subsistance normale de chacun. Le Royaume de Dieu ne se réduit pas à des actions philanthropiques (pas plus qu'à des liturgies hypocrites) et l'Eglise n'est pas un organisme de sécurité sociale ni une institution scolaire ou humanitaire. Jésus poursuit : Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la Vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'Homme, lui que Dieu le Père a marqué de son empreinte.Certes le pain ordinaire est indispensable pour la vie du corps mais, si succulent soit-il,  il pourrit et il n'empêchera jamais son consommateur de "se perdre" et de mourir. Jésus tente d'orienter les c½urs à la recherche d'une autre nourriture: celle qui garde vraiment parce qu'elle donne la Vie éternelle c.à.d. la Vie divine. Les hommes sont impuissants à la fabriquer et à se la procurer: seul Jésus le peut, seul il pourra la donner. Parce qu'il est non seulement un homme mais "le Fils de l'homme que le Père a marqué de son sceau". Cette expression renvoie sans doute à la fameuse scène du rêve de Daniel quand le prophète vit "comme un fils d'homme qui approchait de Dieu et celui-ci lui donnait la souveraineté éternelle, une royauté qui ne sera jamais détruite" ( Daniel 7, 14) Dieu a donné à Jésus « l'Esprit sans mesure "(Jn 3, 34) tel un sceau qui a imprimé en lui la marque ineffable de la filiation divine.Les gens : " Que faut-il faire pour travailler aux ½uvres de Dieu ?"Jésus répond: " L'½uvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé"Les gens, intrigués, demandent les conditions: «  Que faire pour obtenir ce fameux pain ? que produire ?  quelles ½uvres Dieu exige-t-il de nous ? » Mais on n'achète pas la grâce à coup d'exploits ! Vous n'avez qu'une chose à faire, répond Jésus: CROIRE en moi, me faire confiance, m'écouter, obéir à ma parole, vous laisser conduire vers une découverte que vous ne soupçonnez pas. Car je suis l'initiateur du Règne de Dieu sur terre.Devant cette exigence, la foule se cabre ! Ce Jésus serait l'Envoyé, le Messie attendu ? Il faut en ce cas qu'il en fournisse des preuves, par exemple  réitérer le don du pain comme celui de la manne jadis.Ils lui dirent: " Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir et te croire ? Quelle ½uvre vas-tu faire ?...Au désert nos pères ont mangé la manne: comme dit l'Ecriture " Il leur a donné à manger le pain venu du ciel".La Bible raconte en effet que, dans le désert du Sinaï, les Hébreux subsistèrent grâce à une nourriture spéciale, la manne, imaginée comme un don tombant du ciel ( cf.1ère lecture) On sait qu'il s'agit en fait de "la sève d'un arbuste du désert qui suinte et se solidifie et peut servir de nourriture d'appoint" ( T.O.B.: note sur Exode 13, 15). Toutefois, à côté de la légende populaire, le livre du Deutéronome avait déjà fourni une interprétation plus spirituelle de cet épisode : " Dieu t'éprouvait pour voir ce qu'il y avait dans ton c½ur... Il t'a mis dans la pauvreté du désert, il t'a fait avoir faim et il t'a donné à manger la manne... pour te faire reconnaître que l'homme ne vit pas de pain seulement mais qu'il vit de toute parole qui sort de la bouche du Seigneur"                                                                                                                    (Deutéronome 8, 2-5)On avait donc compris le sens symbolique de la manne : puisqu'elle était un don de Dieu, imprévu, quotidien, fade et pauvre (toujours le même goût), mystérieux ( son nom était expliqué par l'hébreu "MAN-HU?" = Qu'est-ce que c'est ?),  elle signifiait la Parole de Dieu. Les Hébreux devaient reconnaître que Dieu, qui les avait fait sortir d'Egypte, ne les abandonnait pas, il les guidait de jour en jour, il les préservait des dangers. Ses Paroles étaient fiables, on ne devait pas douter de lui, on pouvait poursuivre la route en toute sécurité. La manne était la preuve que Dieu était fidèle: elle était le symbole de la Parole de Dieu, une Parole absolument sûre.Car Dieu s'adresse chaque jour à son peuple : on ne comprend pas toujours ce qu'il dit, on doit questionner ( "Qu'est-ce que c'est ?") et  avancer avec assurance: si Dieu a libéré son peuple, c'est afin de le conduire à son but. Il importe d'écouter, de se laisser guider dans la pauvreté et la confiance absolues. C'est pourquoi, se basant sur cette interprétation - pour la dépasser infiniment -  Jésus peut lancer solennellement  à la foule:Amen, amen, je vous le dis: ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel. Le Pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la Vie au monde.                ---      Ils lui dirent: " Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours ! ".Jésus leur répondit: " MOI JE SUIS LE PAIN DE LA VIE.  Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif"..Ici retentit la révélation stupéfiante: Cette Parole de Dieu, dit Jésus, c'EST MOI ! Il faut m'écouter, m'approprier, me mettre en pratique, me laisser vous conduire, "me manger" c.à.d. vivre de ma parole, vivre de moi ! Car s'il y a des paroles qui tuent, il y a la Parole de Dieu qui est Vie, qui fait Vivre, qui conduit à la VIE. Et lorsqu'on "vient à Jésus", c.à.d. quand on croit en lui, quand on l'écoute, quand on décide de pratiquer sa parole, alors l'homme, pèlerin de cette terre, est comblé. Le pain terrestre, comme la manne, ne nourrit que pour quelques heures et n'accorde qu'un sursis avant la mort tandis que celui qui mange la Parole de Dieu QUI EST JESUS, qui y croit au point de l'assimiler, de la "manger", celui-là vit  et vivra toujours ! Que cherchons-nous ? Un Dieu à notre service, qui répond à nos appels et qui satisfait nos requêtes ?...Ou bien acceptons-nous de nous laisser retourner ? C'est nous qui devons servir Dieu. Que nous dit-il ? Comment nous dit-il qu'il faut vivre ? La société de consommation qui entend assouvir tous nos besoins n'a-t-elle pas atrophié, éteint chez beaucoup, notre désir profond, notre désir de Dieu ? ...Ai-je faim de savoir ce que Dieu attend de moi ?...Suis-je à l'écoute attentive de la Parole qui, seule, me conduit à l'accomplissement de mon existence ?...