18e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

LA  CUPIDITÉ  EST  UNE  IDOLÂTRIE

Nous avions remarqué l'importance de la prière dans l'évangile de Luc : aujourd'hui nous rencontrons un autre thème sur lequel il va beaucoup insister dans les chapitres suivants : l'argent. Après notre relation vraie avec Dieu, voici nos rapports justes au prochain : Jésus nous situe dans notre vérité.

Du milieu de la foule, un homme demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage ».
Jésus lui répondit : «  Qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? ».
Le décès des parents et le partage de l'héritage constituent un moment test de l'amour fraternel, quand tout à coup les bisous deviennent grimaces et que retentissent âpres revendications et exigences tenaces. On pinaille pour une cafetière et lorsque l'un ou l'autre se croit lésé, la concorde se brise.
Au temps de Jésus, pour résoudre ces problèmes, les gens avaient coutume de faire appel aux scribes qui cherchaient la solution la plus juste selon les lois. Ici quelqu'un, pris dans un litige insoluble avec son frère, s'adresse de même à Jésus mais celui-ci refuse d'entrer dans le détail de ces marchandages et il lance une mise en garde solennelle contre la racine des déchirures : la cupidité. Une petite parabole en dit bien plus qu'un long discours.

S'adressant à la foule, Jésus dit : «  Gardez-vous bien de toute âpreté au gain car la vie d'un homme, fût-il dans l'abondance, ne dépend pas de ses richesses ».
Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Il se demandait : « Que vais-je faire ? Je ne sais où mettre ma récolte ». Alors il se dit : «  Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j'en construirai de plus grands et j'y entasserai tout mon blé et tout ce que je possède. Alors je me dirai : Te voilà avec des réserves en abondance pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l'existence ». Mais Dieu lui dit : «  Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras mis de côté, qui l'aura ? ».
Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même au lieu d'être riche en vue de Dieu ».

Il n'est pas reproché à cet homme d'être riche, d'avoir bénéficié de bonnes conditions climatiques ni de bien gérer son domaine. Ce qui est mal, c'est qu'il veut « amasser tout pour lui » : « un pactole m'arrive et je serai à jamais un rentier nanti qui pourra s'offrir tous les plaisirs du monde ». Pourquoi ne songe-t-il pas à partager un peu avec des membres de sa famille, avec les ouvriers qui ont durement peiné dans ses champs, les pauvres et les handicapés ? ..... Insensé, fou, tes  rêves vont s'évanouir.
En effet la fortune améliore les conditions d'existence mais n'assure pas la vie. Accaparer ne constitue pas une protection contre la mort car le PLUS AVOIR ne donne pas un ETRE POUR TOUJOURS. Arrivant les mains vides devant Dieu, nous ne serons pas évalués sur le montant de notre compte en banque mais sur l'usage de nos biens. Cet homme aurait dû s'appliquer à être « riche en vue de Dieu », expression qui sera expliquée peu après lorsque Jésus dira à ses disciples : « Vendez ce que vous avez, donnez-le en aumônes : faites-vous des bourses inusables, un trésor inaltérable dans les cieux » (12, 33).
Donner aux pauvres, c'est aimer, donc c'est développer la vraie vie, une vie qui ne peut disparaître dans la mort. L'unique banque qui ne fera jamais faillite, toujours assurée du triple A, c'est celle du ciel, du Père qui se réjouit de voir tous ses enfants partager les biens de la terre qu'il a créée pour tous.

LA CUPIDITE EST UNE IDOLATRIE

L'avertissement de Jésus est très grave : la richesse n'est pas une assurance vie, dit la parabole. Nous devons donc bien faire attention à cet Evangile et réfléchir à nos comportements vis-à-vis de l'argent.
« Gardez-vous bien de toute âpreté au bien » : on traduit ainsi le mot grec « pléonexia » lequel, selon le dictionnaire, signifie « avoir plus qu'autrui ; avoir trop, jouir d'une surabondance de ressources, de superflu ; désirer toujours plus qu'on ne doit ; être animé de convoitise, d'appétits insatiables ».
Or il se fait que ce mot important revient 10 fois dans le Nouveau Testament : c'est dire combien cette passion accumulative est puissante et de tous les temps.
Il s'agit d'un vice caractéristique des païens que saint Paul, qui séjourne à Corinthe, le grand port célèbre pour son luxe et ses licences, dénonce avec force : « Ils sont remplis de toute sorte d'injustice, de perversité, de cupidité, de méchanceté, pleins d'envie, de querelles, de ruses... » (Rom 1, 29). La Lettre aux Ephésiens reprendra la même accusation : « Dans leur inconscience, ils se livrent à la débauche au point de s'adonner à toute sorte d'impureté dans la cupidité » (Eph 4, 20) et l'auteur exhorte les chrétiens à avoir une attitude contraire : «  Pour vous, ce n'est pas ainsi que vous avez appris le Christ...il faut vous dépouiller du vieil homme qui se corrompt sous l'effet des convoitises...et revêtir l'homme nouveau » (Eph 4, 20-24).
La Lettre aux Colossiens répétera : « Faites mourir ce qui appartient à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais et cette cupidité qui est une idolâtrie » (Col 3, 5).
C'est dans le c½ur de l'homme que tout se joue, c'est lui qu'il faut purifier. Alors que les Pharisiens prescrivaient d'éviter tout aliment impur et de procéder à des ablutions minutieuses. Jésus avait dénoncé ces pratiques faussement religieuses : « Rien d'extérieur à l'homme ne peut le rendre impur. Ce qui sort de l'homme, c'est cela qui rend l'homme impur. En effet c'est de l'intérieur, du c½ur des hommes que sortent les mauvaises intentions : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidité, perversité, ruse, débauche.... » (Marc 7, 21). Le combat de la foi se joue aujourd'hui dans notre c½ur  contre les convoitises si séduisantes.

ACTUALITE

Nous vivons dans une société qui sans cesse nous sollicite, nous allèche par toutes sortes de produits et de machines. Matraqués par la publicité, comment ne pas envier l'autre qui possède ce qu'on n'a pas ? Comment ne pas céder à l'achat du « nouveau » modèle ? D'autant qu'on nous persuade qu'il faut relancer l'économie par la consommation ! Or nous faisons semblant d'ignorer que notre train de vie n'est possible que grâce au travail des esclaves là-bas. Le Bengladesh est si loin ! Ne pensons pas à ça : il est si agréable d'acheter !
« Vous faire un trésor dans le ciel » : le partage judicieux, l'aide aux plus pauvres n'est pas ½uvre facile.   La solution n'est pas de jeter une pièce dans le gobelet d'un mendiant, ni de se croire charitable en donnant ses frusques usagées. Avant une fausse « charité » qui donne facilement bonne conscience, ne devrions-nous pas d'abord être une Eglise qui analyse les causes du malheur du monde et qui combat pour la justice en dénonçant les scandales des privilèges, les fraudes des paradis fiscaux et tout un système qui entretient le déséquilibre mondial ?
Comme Jésus, nous n'avons pas la solution au problème de la misère mondiale mais l'Eglise doit d'abord être une communauté où la simplicité de vie est vécue avec joie, où le manque n'est pas vécu comme un drame parce que notre c½ur est comblé par l'Amour du Seigneur, où l'espérance du ciel relativise les possessions et avertit sur l'échéance de la vie et son véritable enjeu.
Dans ce rôle critique de l'idolâtrie ambiante, l'Eglise ne sera plus honorée comme une bienfaitrice : on tentera de la dévaluer et de renvoyer la religion dans le domaine privé.
Mais sans doute alors beaucoup la rejoindront qui l'avaient quittée parce que molle et insignifiante.