« Jésus venait d'être baptisé ». Cette phrase de raccord avec l'épisode précédent rappelle très utilement le contexte. Nous sommes tellement habitués à ce qui est devenu le sacrement de baptême que nous oublions que, originellement, l'immersion n'était pas du tout le rite d'entrée, d'adhésion à une croyance. Dans le judaïsme, le rite d'appartenance était celui de la circoncision. Des rites d'ablution existaient. Ils étaient même nombreux mais n'avaient qu'une valeur de purification. Avec Jean-le-Baptiste, l'immersion, bien plus qu'une simple ablution, devenait, non plus un rite (au sens d'une obligation formaliste) mais un signe d'une réalité intérieure, d'une conversion (c-à-d un changement de conviction entraînant un changement de comportement). Si la réalité intérieure n'y était pas, le signe était in-signifiant. Il ne valait pas par lui-même. Il n'opérait pas par magie. Le sacrement chrétien a repris cette conception à son compte.
Jésus n'avait pas besoin de passer par ce signe. Mais le fait qu'il ait choisi de passer par là était déjà un message: la Bonne Nouvelle que j'ai à vous apporter tient entièrement à la conversion intérieure que vous êtes prêts à faire. Elle tient à l'intériorisation même, à un changement de conviction entraînant un changement de comportement. C'est par un appel à ce type de conversion que Jésus inaugure ici son ministère.
Jean ne pratiquait son immersion que dans une rivière bien précise : le Jourdain. Ce détail n'est pas anodin. Après les 40 ans au désert, c'est par une immersion dans le Jourdain, en le traversant, que le Peuple de Dieu accède enfin à la Terre Promise. Et cette traversée du Jourdain n'est elle-même que la réplique, quarante ans avant, de la traversée de la Mer Rouge, l'arrachant, lui faisant couper les ponts (si l'on peut dire) avec l'esclavage d'Egypte, image de l'esclavage au matérialisme, aux faux dieux, à un pouvoir humain qui s'était divinisé.
Au peuple hébreu, il avait fallu quarante ans pour vraiment quitter l'un et vraiment entrer dans l'autre, pour opérer cette conversion, pour être prêt. Certes, ce désert avait été un temps jalonné de tentations, surtout celle de retourner en Egypte d'ailleurs. Car l'esclavage est plus facile que la liberté (au sens de la prise en main de soi dans un but décidé). Mais, en dehors de cet aspect « tentation », le désert avait surtout été un temps de préparation, de mûrissement.
Le désert, comme le développe le prophète Osée, c'est aussi le lieu des épousailles avec Dieu.Un lieu où, privé des artifices du monde, l'homme prend mieux conscience de sa fragilité, de sa petitesse, et revient à un peu plus d'humilité ; revient simplement à lui-même, sans faux- fuyant. Un lieu où, débarrassé des soucis du monde, l'homme peut s'ouvrir à une relation d'intimité avec Dieu et où Dieu peut, enfin, lui parler.
Jésus n'avait pas besoin de passer par là, mais ce geste contient en soi un autre message : vous avez besoin de passer par là ! Pas nécessairement 40 ans, mais bien 40 jours, comme les 40 jours de crue lors du déluge de Noé...ou les 40 jours de décrue après lesquels Dieu a voulu conclure cette alliance avec l'homme...ou les 40 jours que Moïse passa sur la montagne de l'Horeb avant de recevoir la Loi, aussi alliance.
Et nous-mêmes, que ferons de ces 40 jours ? Faisons-en un temps de préparation intérieure. Dieu attend de nous parler, de nous faire entrer dans son Alliance.
1er dimanche de Carême, année B
- Auteur: Sélis Claude
- Temps liturgique: Temps du Carême
- Année liturgique : B
- Année: 2011-2012