7e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

LE  PARDON : ON  N'A  JAMAIS  RIEN  VU  DE  PAREIL

Après avoir accompli un premier périple à travers la Galilée (dont Marc n'a retenu que la rencontre et la purification d'un lépreux), Jésus revient à son point de départ, Capharnaüm. C'est alors que Marc va présenter 5 controverses successives car les adversaires de Jésus n'admettent ni ses déclarations ni son comportement. La liturgie ne nous en présentera que la 1ère car dès dimanche prochain, nous entrons en carême avec lectures propres. ---    Voici donc le plan de ces affrontements :
2, 1-12     :    Jésus s'affirme « Fils de l'homme » avec pouvoir de pardonner les péchés.
2, 13-17   :    il partage la table avec des pécheurs car il est « Médecin ».
2, 18-22   :    il ne jeûne pas car il est « l'Epoux »    -   Centre : Paraboles sur le mystère du « nouveau ».
2, 23-28   :    il s'affirme « Fils de l'homme », maître du sabbat.
3,  1-6      :    il opère une guérison en plein sabbat.
Ces controverses font croître la violence à tel point qu'elles se terminent sur la décision des adversaires : « TUER JESUS » (3, 6). Les enjeux sont donc dramatiques ! La « nouveauté » apportée et vécue par Jésus est inacceptable pour les spécialistes des Ecritures.

PORTER LE PARALYTIQUE
Jésus était de retour à Capharnaüm et la nouvelle se répandit qu'il était à la maison. Tant de monde s'y rassembla qu'il n'y avait plus de place, même devant la porte. Jésus leur annonçait la Parole.

La célébrité rapide de Jésus s'est évidemment construite sur ses guérisons spectaculaires. Mais de retour à la maison de Pierre, « JESUS PARLE LA PAROLE », dit Marc. L'essentiel est d'annoncer que Dieu est en train de venir et donc que cet événement provoque un changement radical, une nouvelle manière de voir. Comme disait un grand rabbin : « Dieu est là où on le laisse entrer ».

Mais pendant ce temps, quelque chose d'étonnant se passe à l'extérieur :
Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé porté par 4 hommes. Comme ils ne pouvaient l'approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de Jésus, font une ouverture et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé.

Il n'est pas rare que l'entourage de Jésus empêche d'autres de s'approcher de lui. Combien de bonnes volontés, en quête de vérité,  ont été découragées par une Eglise qui, sûre de ses privilèges, monopolise le Maître et dresse un mur autour de lui ? Savons-nous faire des brèches dans nos pratiques rituelles,  nos coutumes routinières, nos blocages théologiques pour que le Seigneur ait la joie de découvrir d'autres visages ? Que découvre un jeune en recherche et qui risque un ½il dans nos assemblées ?...Croyons-nous être sauvés alors que nous tournons le dos à d'autres ?...
S'il faut de la persévérance pour contourner l'obstacle de l'Eglise, « les porteurs » ici en sont les modèles admirables. Qu'ont fait ces 4 hommes ?  Venus écouter Jésus, ils ont pensé à leur ami couché, sont allés chez lui, l'ont placé sur un brancard (il n'était peut-être pas d'accord sur le moment), l'ont transporté à travers la ville, ont été empêchés d'entrer. Mais au lieu de rebrousser chemin, ils ont remarqué le petit escalier extérieur qui, comme dans les maisons de l'époque, longe le mur pour accéder à la terrasse. Avec précaution, ils ont hissé le brancard, ont percé une ouverture dans le toit de pisé et ont descendu le copain juste devant Jésus. La belle-mère de Pierre a dû hurler devant les dégâts, mais Jésus a dû bien rire en comprenant comment ces hommes avaient réalisé avec audace leur projet !
Aussi c'est bien à cause d'eux qu'il va faire un miracle : « VOYANT LEUR FOI » - car leur comportement manifestait  combien ils avaient confiance.
Dans quelle paroisse a-t-on le souci d'aller chercher des handicapés pour les amener à l'Eucharistie du dimanche ? Pourquoi n'est-ce qu'à Lourdes que l'on pense à les placer au premier rang ?...

DE QUELLE PARALYSIE S'AGIT-IL ?...

Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : «  Mon fils, tes péchés sont pardonnés »
Jésus ne dit pas à  cet homme qu'il est handicapé parce qu'il a commis beaucoup de péchés mais il lui révèle que sa paralysie la plus profonde est celle de son c½ur et que la guérison la plus essentielle qu'il a à obtenir est celle du pardon. « Tu es pardonné ! » : le verbe au passif signifie que c'est Dieu qui absout, mais Jésus affirme qu'il est le relais certain de cette miséricorde divine.

Or il y avait dans l'assistance quelques scribes qui étaient assis là et qui raisonnaient en eux-mêmes : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème ! Qui peut pardonner les péchés, sinon un seul, Dieu ! ? ». Saisissant aussitôt dans son esprit les raisonnements qu'ils faisaient, Jésus leur dit :
«  Pourquoi tenir de tels raisonnements ? Qu'est-ce qui est le plus facile : de dire au paralysé « tes péchés sont pardonnés » ou de dire « lève-toi, prends ton brancard et marche » ????.....Eh bien, pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre, je te l'ordonne, dit-il au paralysé, lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi ».
L'homme se leva, prit aussitôt son brancard et sortit devant tout le monde.

A ces mots de Jésus, les scribes qui, depuis un temps, observent ce jeune Galiléen, se mettent à grommeler. Tout pécheur doit se rendre au temple et offrir des sacrifices pour espérer obtenir la miséricorde divine : c'est écrit dans le Livre de la Loi ! Un homme, même un prêtre juif, n'a pas le pouvoir de pardonner les péchés sous peine de blasphème !
Jésus réplique aux murmures désapprobateurs : «  Qu'est-ce qui est le plus facile ... ? ». Et d'un mot, il rend l'homme capable de marcher. La guérison physique est certes importante mais elle doit servir de signe pour assurer que la guérison spirituelle est bien réelle.
Et pour la première fois, Jésus s'attribue ce titre mystérieux de FILS DE L'HOMME (qu'il sera seul à utiliser dans tous les évangiles). Nous avons déjà évoqué ce texte important du prophète Daniel (au 2ème siècle avant notre ère) qui annonçait que, après les Empires terrestres utilisant la violence pour imposer leur puissance (donc symbolisés par des monstres)  viendrait un « fils d'homme », c.à.d. un homme fragile et vulnérable à qui Dieu donnerait le véritable Pouvoir :
« Voici qu'avec les nuées du ciel, venait comme un Fils d'Homme ; il arriva jusqu'au Vieillard (symbole de Dieu éternel)....et il lui fut donné souveraineté, gloire et royauté ; les gens de tous peuples le servaient » (Dn 7, 13).

La gloire royale du Fils de l'Homme - Jésus - n'est pas l'impérialisme : elle est bien plus haute : elle est autorité pour donner le pardon, pour vaincre le mal, pour libérer tout homme de ses chaînes les plus lourdes, pour unifier l'humanité dans la miséricorde de Dieu.
Cette gloire n'est pas éclatante, écrasante : elle doit être perçue dans des signes. La guérison physique du paralysé doit montrer qu'une guérison spirituelle a été réalisée. Sa nouvelle capacité de marcher et de porter son brancard atteste que cet homme est libéré du poids de sa culpabilité, qu'il peut « porter » ses responsabilités et ainsi s'élancer vers Dieu dans une existence libre.
De là on comprend ce que doit être « le travail social » de l'Eglise. Non un simple dévouement (quelle différence alors entre les Restos du c½ur et Emmaüs ?). Mais un travail d'une qualité telle qu'il renvoie à une dynamique spirituelle. Que les bénévoles chrétiens ne l'oublient jamais : le grand mal de l'homme, c'est toujours la paralysie du c½ur. C'est l'Amour de Dieu qu'il s'agit de révéler.

Tous étaient stupéfaits et rendaient gloire à Dieu en disant : «  Nous n'avons jamais rien vu de pareil ! ».
Jamais en effet en Israël on n'avait vu pareille chose. Quand Jésus travaille, l'homme devine que Dieu vient régner. Tout culmine dans la louange et l'action de grâce. Pourquoi les salles de spectacle et les stades manifestent-ils plus de joie que nos églises ? Mais d'abord sommes-nous persuadés qu'on « ne peut rien voir de pareil » à ce que nous voyons et vivons avec l'Evangile ?