1er dimanche de Carême, année C

Auteur: Sélis Claude
Temps liturgique: Temps du Carême
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

En faisant précéder sa mission par une période de 40 jours de solitude et d'ascèse au désert, Jésus revit en condensé -et donc réassume- les 40 ans du peuple hébreu au désert, 40 ans qui l'avait préparé spirituellement à son entrée en Terre Promise. La Terre Promise du chrétien, c'est le Royaume de Dieu dont la Résurrection du Christ sera l'entrée. Nous sommes donc invités, nous aussi, comme le Peuple hébreu et comme Jésus, à revivre ce temps de retrait et d'ascèse. Temps de retrait et d'ascèse par rapport au monde, c'est-à-dire par rapport au mode de raisonnement habituel du monde, ici représenté par les trois tentations.
La première objection que le « monde » trouvera à faire au message de Salut du Christ sera la nécessité concrète de se nourrir, de pourvoir aux besoins vitaux. La réponse de Jésus : « L'homme ne vit pas seulement de pain » est une remise en question du caractère absolu de cette évidence. L'homme qui passe tout son temps et toute son énergie à satisfaire ses besoins vitaux et instinctuels n'est autre qu'un animal. Sous prétexte de satisfaire des besoins vitaux, il en arrive même à gâcher sa vie et souvent aussi celle des autres, ce qui entre manifestement en contradiction avec le soi-disant idéal de servir les besoins vitaux et ce qui montre qu'il s'agit bien souvent d'un prétexte. La première des évidences est bien plutôt que l'homme ne vit pas seulement de pain !
La seconde objection du « monde » sera de trouver dans le pouvoir politique (« le pouvoir et la gloire de ces royaumes ») un moyen bien plus concret, immédiat et efficace de salut. Combien de systèmes politiques n'ont-ils pas et ne continuent-ils pas à faire cette promesse ? On sait ce qu'il en est advenu quand des systèmes politiques prétendaient offrir ce salut ! La formulation du démon pose bien l'enjeu : le pouvoir politique estime, de facto, que le monde lui appartient (« je te donnerai ce pouvoir car cela m'appartient » dit le démon à Jésus) et il a l'inexorable tendance à se sacraliser lui-même. La réponse de Jésus nous rappelle -à nous- que seul Dieu justifie adoration ou, autrement dit, qu'il n'y a pas de système ou de pouvoir politique à sacraliser.
La troisième objection est la plus pernicieuse. En insinuant le doute sur le statut divin de Jésus, ce à quoi pousse le démon c'est en fait à l'auto-humiliation de la religion par la religion (« jette-toi en bas »). Sur les trois pièges, c'est le seul où le démon cite lui-même des versets bibliques pour mettre Jésus au défi. Dans sa réponse, Jésus neutralise cet argument usurpé en citant lui aussi les Ecritures. L'épisode de la manne auquel il est fait allusion est un épisode  majeur de l'Histoire du Salut développé par les livres de l'Exode et du Deutéronome. Le peuple hébreu avait voulu mettre Dieu à l'épreuve en le sommant de lui donner à manger en plein désert. Tout en n'appréciant pas ce genre de mise à l'épreuve, Dieu avait bel et bien compati à la détresse de son peuple et s'était soucié même de cet aspect très matériel de sa subsistance. Il l'avait finalement conduit dans « ce pays ruisselant de lait et de miel », comme nous le rappelait la lecture du Deutéronome. Il avait mis sa Parole « près de nous, dans notre bouche et dans notre c½ur », comme le rappelait St Paul, citant d'ailleurs un verset du même Deutéronome.
En ce début de Carême, le chrétien doit reconsidérer ces questions et se méfier des réponses du « monde », ces tentations qui sont celles qu'il rencontrera immanquablement dans sa marche vers Pâques.