1er dimanche de l'Avent, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Avent
Année liturgique : B
Année: 2011-2012

L'Eglise dans le temps

Nous nous préoccupons beaucoup du temps qu'il va faire et nous sommes accrocs  aux bulletins météo  pour décider de nos sorties, de nos travaux, de nos vacances. Or ce dimanche qui marque le début d'une nouvelle année liturgique nous place devant une question beaucoup plus importante : que faisons-nous du temps ? Nous résignons-nous à le laisser passer ? Le tuons-nous par ennui ? Le perdons-nous devant la si fréquente nullité du petit écran ? Réparons-nous ses dommages par une crème « anti-âge » ? Nous lamentons-nous dans les regrets du temps passé ? Sommes-nous angoissés devant le temps futur inconnu ? Le temps présent n'est-il qu'une machine pour accumuler (time is money) ?
Qu'est-ce donc que « le TEMPS » ? Tous les philosophes ont affronté ce problème parmi les plus ardus de la pensée. Saint Augustin écrivait : «  Qu'est-ce que le temps ?...Si personne ne me pose la question, je le sais ; si quelqu'un pose la question et que je veuille l'expliquer, je ne sais plus » (Confessions XI.14.17).
Le temps nous fait et nous défait : que faisons-nous du temps ? Au contraire des religions qui promettent la sérénité en fuyant le monde et le tragique, la foi chrétienne se vit dans la durée, dans l'histoire. Elle est une façon de vivre le temps.

LA SEMAINE ET LE DIMANCHE

Toutes les civilisations scandent le temps par des fêtes afin de l'humaniser. Israël vit au rythme de la semaine : après 6 jours de travail consacrés à construire le monde vient le 7ème jour appelé le SHABBAT où l'homme cesse son travail. C'est le jour de fête primordial que l'on doit observer par ordre de Dieu (4ème commandement), où il ne s'agit pas seulement de se reposer pour reprendre des forces mais de se retrouver comme une personne, sujet libéré des servitudes. Ce n'est pas un jour d'ennui mais de plénitude : les époux se retrouvent dans un amour plus proche, parents et enfants dialoguent, les familles se ressoudent, le serviteur n'est plus contraint à la corvée, les croyants forment une assemblée qui chante dans l'allégresse les merveilles de Dieu. Le shabbat est le jour de l'homme, le jour de Dieu, le jour des relations. Il est l'aboutissement de la création. C'est le shabbat qui a gardé Israël, disent les maîtres juifs.

Pourtant ce sont des Juifs qui vont opérer un déplacement considérable. Jésus ayant été exécuté la veille d'un shabbat et s'étant manifesté vivant à ses apôtres le surlendemain, donc « le 3ème jour », les premiers disciples vont faire du 1er jour de la semaine leur grand jour de fête et ils l'appelleront « JOUR DU SEIGNEUR », en grec : « kuriakè », en latin « domenica » qui donnera le français « DIMANCHE ».
En ce jour, les disciples éparpillés par la peur se regroupent, la communauté « ressuscite » et dans une joie folle elle partage le  Repas du Seigneur. C'est ainsi qu'est née la semaine telle que le monde la connaît aujourd'hui...et telle qu'il cherche à la détruire. Ainsi on a pris coutume de dire «  week-end » (fin de semaine) pour désigner les « « samedi-dimanche » ( ??). Et si l'industrialisation du 19ème siècle a enlevé le dimanche aux ouvriers en les forçant à se plier aux cadences incessantes des machines, aujourd'hui la société fait pression pour ouvrir, tous les jours,  ses temples d'une consommation effrénée.

Si le dimanche est sans cesse menacé, c'est sans doute parce qu'il porte un enjeu spirituel de taille. Car pour les chrétiens qui l'ont inventé, le dimanche est jour d'affirmation que Jésus est Seigneur, que la vie l'emporte sur la mort, que les croyants doivent s'assembler, qu'ils ont à partager le Pain de Vie, qu'ils goûtent ensemble le repos de la prière et de l'action de grâce.
Pâques - Résurrection - Assemblée - Eucharistie - Joie - Repos : telle est la richesse inouïe du 1er jour de la semaine. Vécu et célébré avec une conscience claire dans sa plénitude, il permet de s'élancer pour une nouvelle semaine de travail. Le dimanche apprend que l'essentiel, c'est l'homme, que nul ne peut être réduit en esclavage, que si le travail est la poursuite du dessein créateur de Dieu, tout culmine dans la louange à Dieu d'un peuple heureux.

L'ANNEE LITURGIQUE

Au 2ème siècle, les Eglises décidèrent de célébrer également l'anniversaire de la PÂQUE de Jésus à sa date de printemps (1ère lune). La fête fut prolongée sur 50 jours avec le temps de PENTECÔTE puis préparée par un temps de pénitence qui devint peu à peu les 40 jours du CARÊME. Plus tard encore on fixa la NAISSANCE de Jésus au 25 décembre (au solstice d'hiver, lorsque les jours commencent à s'allonger) pour contrer les festivités païennes à la gloire du soleil. A l'exemple de Pâques, Noël fut précédé d'un temps de préparation appelé l'AVENT. La longue période des dimanches après la Pentecôte signifia la longue route de l'Eglise dans l'histoire qui se termine par le triomphe du projet de Dieu : la recréation d'une humanité renouvelée par l'amour, la TOUSSAINT.
L'année liturgique était constituée. Sur le rythme fondamental du dimanche, jour de fête primordial, l'année déploie le Mystère de Dieu manifesté en Jésus le Christ Seigneur.

Fêtes et dimanches ne sont donc pas uniquement des commémorations et des souvenirs (comme on se souvient des morts de la guerre ou des grands moments d'une personnalité). Les événements de la révélation à travers le temps, deviennent en quelque sorte présents aux croyants. Ils sont actualisés, ils nous rejoignent dans notre vie ordinaire afin que notre existence suive le même itinéraire :
Attente et recherche de sens : AVENT     -     Première lueur d'un Dieu qui vient vers nous en silence et pauvreté : NOËL       -     Lutte, combat et pénitence : CAREME      -       Horreur de la CROIX et de la MORT
Lumière du 1er jour de la re-création : PAQUES        -       Effusion de la Vie nouvelle : PENTECOTE
Marche joyeuse et pénible à travers les ans et les siècles : TEMPS APRES PENTECOTE     -    Affirmation de la réussite du Projet de Dieu : la TOUSSAINT, dans l'attente de son RETOUR.

Les épisodes de la vie de Jésus ne sont pas que des événements passés mais des « mystères ». Non au sens de trous noirs incompréhensibles, d'énigmes irrationnelles et insolubles, mais dans le fait que leur lumière guide encore ceux qui croient en eux. En fêtant l'Avent, la Nativité, le Baptême, la mort en Croix, la Résurrection, l'Ascension, l'Eglise est rejointe par la signification, la force vitale de chacun de ces « mystères ». En se les appropriant, elle bénéficie de la grâce divine attachée à chacun de ces événements.

En reparcourant chaque année le trajet de l'Incarnation de Dieu parmi les hommes - depuis son attente jusqu'à sa réussite plénière -, l'Eglise peut à son tour vivre cet itinéraire. Son Seigneur Jésus vivant l'accompagne : comme lui, après lui, en lui, elle peut naître dans l'ombre, lutter contre les tentations, se heurter à ses ennemis, accepter de donner sa vie, ressusciter dans l'Esprit, propager cet Esprit aux quatre coins du monde. Le temps a une signification et un but. L'existence a sens.

ANNEE CIVILE ET ANNEE LITURGIQUE

Le chrétien vit donc selon deux calendriers, civil et liturgique. Il ne les juxtapose pas comme si engagements de foi et responsabilités humaines formaient deux plans séparés : sacré et profane. La grâce reçue lors de la liturgie éclaire ses décisions et le rend capable de mener son existence en incarnant l'Evangile. En suivant la vie de son Seigneur, qui a vécu dans l'histoire ordinaire, il comprend que le sens profond de son existence, la clef de sa réussite, est le mystère pascal : se donner pour se trouver. Il refuse d'être abruti par les mensonges du monde, il opte pour une originalité qui lui attire les sarcasmes et lui cause certains ennuis.
Mais il a la joie d'être éveillé pour comprendre la valeur de chaque moment et le prix de la durée. Comme un bon serviteur, il accomplit son travail dans la fidélité et il attend son Maître : l'année qu'il commence aujourd'hui sera rencontre eucharistique dans l'espérance de l'accueil final et bienheureux (évangile de ce dimanche) 
Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« Prenez garde, veillez car vous ne savez pas quand viendra le moment.   Il en est comme d'un homme parti en voyage : en quittant sa maison,   il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller.    Veillez donc car vous ne savez pas quand le maître de maison reviendra :  le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin.  Il peut arriver à l'improviste et vous trouver endormis.  Ce que je vous dis là, je le dis à tous : VEILLEZ « 

Mes v½ux à vous, chers abonnés, pour l'année nouvelle ?  Je les reprends à saint Paul  (2ème lecture)

« Frères et s½urs,    De la part de Dieu notre Père et de Jésus Christ le Seigneur, que la grâce et la paix soient avec vous.  Je ne cesse de rendre grâce à Dieu à votre sujet,  pour la grâce qu'il vous a donnée en Christ Jésus : en lui vous avez reçu toutes les richesses de sa Parole...Vous attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ. C'est lui qui vous fera tenir solidement jusqu'au bout. Et vous serez sans reproche au jour de notre Seigneur Jésus Christ.  Dieu est fidèle, lui qui vous appelés à vivre en communion avec son Fils. »