Nous poursuivons, pour le 3° dimanche, le discours du Pain de vie chez Jean. Dimanche passé, la lecture faisait essentiellement état de l'objection : « qu'est-ce que ce pain venu du ciel ? ». L'extrait de ce dimanche est introduit par une autre objection : « comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? ».
Manger un aliment est, on le sait, la manière la plus intime de l'assimiler afin qu'il se transforme en énergie et en éléments constituants pour notre corps. La tradition juive connaissait l'image puisqu'au livre de Jérémie Dieu demandait au prophète de manger le rouleau où sa trouvait inscrit sa Parole. Car il s'agit bien ici aussi d'assimiler, d'intérioriser la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu, qui est le Christ comme l'expose le prologue de St Jean. Cette Parole doit nous faire vivre, nous donner une vie nouvelle qui nous fera participer à cette vie du Christ, en Christ, dans sa mort et dans sa Résurrection, à la vie selon son Royaume, selon les lois de son Royaume, à l'antipode des lois de notre monde. Ces dernières sont limitées dans les valeurs qu'elles peuvent donner à vivre tandis que celles du Royaume de Dieu transcendent ces limites et nous les fait transcender dans la mesure où nous faisons demeurer Dieu en nous.
Les valeurs que ce Royaume de Dieu veut nous faire vivre constituent la Sagesse dont parle le livre des Proverbes. Il ne s'agit plus d'une sagesse au sens mondain du terme, faite de mesure, de prudence, de scepticisme, d'insensibilité, de soumission aux lois du monde comme le prônaient les sagesses grecques les plus influentes à l'époque de la rédaction du livre des Proverbes. Il s'agit de la sagesse du Dieu biblique, « folie aux yeux des hommes » comme la qualifiera plus tard St Paul, faite de refus du monde tel qu'il est, faite d'exigence d'une vie de qualité d'un autre niveau, faite d'élévation, de ces rêves, de ces promesses, de ces espoirs dont nous parlent les Ecritures. Tout cela, il nous faut l'assimiler ; pas seulement le comprendre et éventuellement l'admirer intellectuellement, mais en vivre, en transformer sa vie. L'image du festin auquel nous invite la Sagesse nous prépare au geste du Christ par lequel il transformera un simple repas-mémorial de l'Exode d'Egypte en participation réelle à son sacrifice. Car il est bien sûr ici question de l'Eucharistie.
Célébrer, rendre grâce à Dieu, fait partie de cette sagesse du croyant qui semble folie, non-sens, du point de vue du monde. C'est là que nous pouvons d'ores et déjà « demeurer en Dieu », nous laisser remplir de l'Esprit Saint, comprendre la volonté du Seigneur pour nous, en ce moment. « Tirer parti du temps présent » ne signifiera pas pour nous de « profiter du moment présent » parce qu'il n'y aurait pas d'avenir, mais doser judicieusement action et contemplation pour qu'il y en ait un à la mesure de la vie éternelle promise par le Christ.