20e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix dans le monde? ?Non, je vous le dis, mais plutôt la division »

Ceux qui me connaissent savent que j'apprécie les oxymorons, cette figure de style qui juxtapose deux éléments opposés ! ?Un soleil noir,
Un silence éloquent, quelque chose d'horriblement bon.
Une bonne guerre,
une force de paix,
un merveilleux malheur,
une bière sans alcool...
Bref, un oxymoron est une contradiction dans les termes.

Et aujourd'hui, voici que l'évangile nous amène une espèce de contradiction ! ?Jésus, présenté par ailleurs dans les écritures comme « le prince de la Paix » ?semble amener la division, semble faire de l'existence chrétienne un oxymoron ! ?« Soyez un comme votre Père est UN », quant à moi, « j'apporte la division... »

A première vue inquiétant, je vous avoue que je trouve ce texte plutôt rassurant.
Tout simplement, parce qu'il nous rappelle qu'une lecture littérale des évangiles est toujours dangereuse. Tout acte de lecture est un acte d'interprétation et le sens n'est jamais donné. Alors, quel sens pouvons-nous donner à ce texte...

Le feu, ce que le Christ nous apporte est avant tout le feu de sa parole,
mais une parole radicale, inconditionnelle,
une parole qui demande à chacun de se situer individuellement,
à se situer librement.
Apporter un parole de feu dans sa vie, c'est avoir l'audace de la vérité,
l'audace de choix libres qui évitent le consensus mou.
Notre monde n'apprécie pas l'amour inconditionnel, or c'est cette parole de feu que nous avons à apporter...

Alors, pour que votre parole soit du feu, permettez-moi de vous proposer deux manières toutes simples de redécouvrir comment notre parole peut être de feu, un feu de vérité.
comment nous pouvons avoir une parole pas simplement chaleureuse, mais brûlante.

1.    Il nous faut redécouvrir que désaccord n'est pas désamour.
Nous pouvons avoir en nous une curieuse manière d'être, qui provient sans doute de notre enfance, et qui identifie le désaccord à un défaut d'amour. Si je suis en désaccord, si je suis différent, je peux avoir l'impression de ne pas être accueilli.

Du coup, il peut nous arriver d'éviter les conflits, qui finissent par pourrir et fermenter, faute d'avoir pris le temps de les exprimer. Les rapports vrais ne sont ni faciles, ni confortables, mais ils sont indispensables !  Vouloir faire comme tout le monde pour s'intégrer, pour 'appartenir' n'ajoute rien... ?Il faut être soi même pour donner de soi-même, pour aimer inconditionnellement. ?Or pour être soi-même, il faut prendre position. Il ne s'agit pas de s'opposer pour se poser, mais de découvrir que le désaccord n'est pas forcément désamour. ?Combien de fois dans les familles, un désaccord et perçu comme un manque amour. Et si violence il y a, bien réelle et tragique, c'est parfois parce que le désaccord n'a pas été exprimé, vécu en vérité.

Deuxième petite manière simple d'avoir une parole brulante...

2. Nous avons bien des difficultés à dire « non » à temps... Curieusement, bien des personnes prennent comme une attaque le fait qu'on leur dise 'non'.  Si on dit oui à répétition à des demandes réitérées, on finira par dire à l'autre : tu m'as envahi, alors que c'est moi qui ne suis pas parvenu à baliser mon territoire, à te dire non. Tu es la goutte d'eau qui fait déborder mon vase. Or c'est à moi à être responsable de mon vase : Il faut apprendre à dire non à temps, mais également la bonne personne. Que d'énergie consumée en plainte, récrimination plutôt qu'en vérité !

Voilà le feu que Jésus vient amener... Un amour inconditionnel qui sait dire non, qui peut ne pas être d'accord.
Paul Claudel disait que l'Evangile était du sel, mais que nous en avons fait du sucre,
Nous pourrions dire aujourd'hui, que la parole de l'Evangile --une parole inconditionnellement ouverte-- est du feu, mais que nous en faisons une parole de confort, simplement chaleureuse et de consensus...

Jésus nous demande clairement d'être des hommes et des femmes vrais, authentiques,
des êtres de feu qui osent être en désaccord, pourvu qu'ils agissent en conscience,
des êtres brûlant d'amour et qui osent dire non, pourvu que leur parole soit dite en vérité.

Nos refus et nos désaccords ne sont pas des marques de désamour. Parce que la radicalité de l'évangile est bien celle-ci : « Quoi qu'il arrive, quoique nous ayons fait, nous sommes fils et filles de Dieu. »  Je vous invite donc à vivre de cette parole de feu, signifiante et ignifiante. Amen.