21e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

JAMAIS TROP TARD POUR «SE RETOURNER »

L'évangile de ce dimanche concerne un sujet qui revêt déjà une importance capitale sous la Première Alliance : « la conversion ». Le mot hébreu qui la désigne se dit TECHOUVA, du verbe SHOUB qui signifie « revenir, retourner ». En effet l'être humain n'est pas automatiquement dirigé vers son Dieu : il a toujours la possibilité de se tromper, de dévier de sa route, d'adopter une conduite qui mène à la mort. Mais la capacité lui est toujours offerte de prendre conscience de son erreur, d'écouter un prophète qui l'alerte sur le gouffre où il se dirige, qui le supplie d'arrêter et de faire marche arrière.
Ce changement de cap est une merveille car il veut dire que rien n'est inéluctable, que quels que soient la durée de nos aveuglements, l'ignominie et le nombre de nos chutes, nous gardons pouvoir de « revenir ». Notre passé n'est jamais une prison définitive, nous ne pouvons jamais dire : « c'est trop tard, je suis fichu, c'était mon destin».
L'Evangile est la Bonne Nouvelle parce qu'il est le contraire du pharisaïsme, parce que Lévi, Madeleine, Zachée, le bon larron, le fils prodigue et tant d'autres se sont laissés rattraper par la grâce et, du fond du gouffre, se sont jetés dans les bras du Père dont le c½ur aimant ne pouvait que les accueillir dans la joie. La conversion n'est pas une question de mérites ou d'héroïsme mais d'espérance.

Dans sa marche vers Jérusalem, Jésus passait par les villes et les villages en enseignant.

Un jour, Jésus « a durci son visage et a pris résolument la route de Jérusalem » (9, 51) où il sera mis à mort. Luc n'oublie pas de nous rappeler cette longue montée qui était alors géographique et qui aujourd'hui doit être spirituelle : nous ne pouvons nous laisser aller « à notre pente », il faut continuer à « monter ». Jésus suit les chemins qui relient les lieux d'habitation, il passe d'un endroit à l'autre, il demeure  au c½ur du peuple, il ne lance pas l'appel au désert comme s'il fallait fuir dans la solitude. Il ne faut pas changer de lieu, grimper à Katmandou : c'est là où nous vivons que nous sommes sollicités à nous « retourner ».

Et c'est dans ce but que Jésus INSTRUIT. Inlassablement, depuis le début de sa mission, Jésus parle aux hommes, il n'a pas d'autre arme que la Parole qui respecte souverainement notre liberté. La conversion ne sera jamais due à la coercition : c'est pourquoi elle est difficile puisqu'elle dépend de l'écoute d'une faible voix alors que nous aimons tant obéir aux hurlements de la puissance.
La paroisse est le lieu où cette douce parole doit retentir, être répétée, expliquée : c'est elle que tout pécheur doit enfin percevoir pour s'arrêter et comprendre enfin comment vivre en homme.

LE NOMBRE DES SAUVÉS

Donc se convertir n'est pas d'abord passer de l'incroyance à la foi, ni changer de religion, mais lutter afin de « retourner » notre vie et mieux obéir aux appels du Seigneur. Combien donc en seront capables ?

Quelqu'un lui demanda : « Seigneur, n'y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? ».
Jésus leur dit : « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas ».

« La grande masse sera damnée » disait un Saint ; « Nous irons tous au paradis » dit la chanson. Qui a raison ? Combien y a-t-il de fauteuils au ciel ? Jésus se dérobe à la question : le problème n'est pas de supputer le nombre futur mais de donner toute sa valeur au présent, de multiplier dès aujourd'hui, pour soi, les efforts de conversion. « Efforcez-vous ». Lors de la décision de partir à Jérusalem, Jésus avait dit : «  Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix chaque jour et qu'il me suive » (9, 23). Maintenant il n'a  pas adouci cette exigence radicale: « La porte est étroite ».

Quand le maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, si vous, du dehors, vous vous mettez à frapper à la porte, en disant : 'Seigneur, ouvre-nous', il vous répondra : 'Je ne sais pas d'où vous êtes.' Alors vous direz : 'Nous avons mangé et bu en ta présence, et tu as enseigné sur nos places.'
Il vous répondra : 'Je ne sais pas d'où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal.'

Quel mystère ! Il y aura « un dedans et un dehors » !?
Tout au cours de l'histoire, l'entrée dans la demeure de Dieu est possible, certains peuvent même s'y glisser à l'ultime minute (le bon larron). Mais à un moment, « le maître fermera la porte » et ceux qui se sont endurcis dans le mal s'y heurteront. Le désir de Dieu, qui les habitait et qu'ils auront toujours refusé d'écouter, les projettera vers un accomplissement qui sera désormais impossible.
Il ne suffit pas de connaître Jésus, d'avoir suivi un catéchisme, d'avoir une tante carmélite...et même d'avoir souvent participé à l'Eucharistie (« manger et boire avec lui »).Vagues connaissances et rites superficiels ne donneront jamais de tickets d'entrée. Seuls les actes comptent : « faire le bien ».

Il y aura des pleurs et des grincements de dents quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob et tous les prophètes dans le royaume de Dieu, et que vous serez jetés dehors. Alors on viendra de l'orient et de l'occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu ».
Comment expliquer ce que sera « le ciel » ? Les prophètes avaient proposé l'image du festin : ce sera comme un grand banquet où l'on mange à satiété (vie en surabondance), ensemble (la communion des Saints), en buvant du bon vin (allégresse, joie inaltérable)
« Le Seigneur va donner sur cette montagne un festin pour tous les peuples, viandes succulentes et grands crus...Il fera disparaître la mort pour toujours » (Is 25, 6)
Jésus reprend l'image mais il gomme « cette montagne » (= Jérusalem) : le Royaume n'est plus réservé aux fils d'Israël mais ouvert à l'humanité universelle, « pour tous les peuples ». Jean-Baptiste avait déjà prévenu ses compatriotes qui se reposaient sur l'élection d'Abraham : « N'allez pas dire : Nous avons pour père Abraham car avec les pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham » (3, 8). On ne naît pas « fils de Dieu » : on le devient par option. On n'hérite pas de la maison du ciel comme du chalet de ses parents ; on peut vénérer ses grands ancêtres mais en fin de compte il s'agit de les suivre en marchant sur leurs traces, en observant la même fidélité.

Oui, il y a des derniers qui seront premiers, et des premiers qui seront derniers »
Jésus ne dit pas que tous les premiers appelés (Israël) seront rejetés et tous les derniers (païens convertis) admis : mais « des... des... ». Il n'y a pas de monopole de race, de nation, de culture : les convives au Banquet céleste seront de toutes les origines. L'Eucharistie où les croyants de toutes classes, de tous pays se nourrissent de la Parole de Vérité et du Pain de la Vie est une anticipation réelle de cette finalité.
Intercèdent-ils afin que « ceux du dehors » puissent enfin, et quand même, entrer ???
Laissons l'avenir à Dieu et ne nous lassons pas, chaque jour, de travailler à cette immense tâche : RETOURNER ...NOUS CONVERTIR ....La foi est notre boussole infaillible.