Les premiers seront les derniers, les derniers seront premiers. Ce refrain fait penser à une ronde, à une danse enfantine, où l'on forme un cercle et où l'on tourne en chantant. Qui s'élève sera abaissé ; qui s'abaisse sera élevé ! Cela fait penser aussi à une roue où ce qui est au dessus se retrouve au dessous. Les élevés seront abaissés, les humiliés seront exaltés. On retrouve le Magnificat et son contenu révolutionnaire, subversif, disent certains.
Une ronde, une roue, une révolution, tout cela tourne et tourne et cela recommence à tourner. Les arroseurs sont arrosés, les bombardeurs sont bombardés. Voyez en Syrie, voyez en Lybie, voyez au Mali.
C'est réjouissant d'une certaine manière : ce ne sont pas toujours les mêmes qui tiennent le haut du pavé. Les opprimés d'hier deviennent oppresseurs aujourd'hui. Mais comme ce cycle d'injustices pourrait-il être satisfaisant ?
Il y a des rondes qu'il faut savoir couper, des cercles vicieux qu'il faut briser, des mécanismes qu'il faut humaniser, des fatalités dont il faut se libérer.
Il ne suffit pas de faire tourner la roue des oppressions pour que ce soit une vraie révolution. Il faut convertir les c½urs, il faut changer les mentalités. Il faut insuffler un Esprit nouveau et transformer des c½urs de pierre en c½urs de chair.
« Il ne suffit pas de changer les tenants du pouvoir, il faut changer la nature même du pouvoir ». Et c'est cela que Jésus vient proposer, c'est cette révolution là qu'il vient inaugurer, c'est cette danse là qu'il vient nous proposer. J'ai joué de la flute, dit-il, et vous n'avez pas dansé. Un jour où l'autre tout bouge et les places sont redistribuées, mieux vaut anticiper, être prophétique et vivre au rythme et au pas de l'envoyé de Dieu.
Soyons un peu plus concret encore. Quand un pape prend l'autobus, il ne se met pas en avant mais tout le monde le sait. Et tout le monde rit, car c'est drôle et c'est libérateur de changer d'habitude et de relativiser préséances, privilèges et honneurs. Quand un pape paie lui-même son hôtel, cela devient très amusant. Il connaît le prix des choses, des baguettes et des croissants ! Il est comme nous finalement ! Quand il se perd dans les embouteillages à Rio, c'est presque inquiétant. Mais cela reste de l'ordre du symbole, me direz-vous. Certes, mais les symboles sont importants. Ils en disent long, ils structurent l'imaginaire. Ils disent l'essentiel que nous pouvons espérer, ils disent un monde que l'on peut commencer à créer.
Serions-nous capable, de temps en temps d'inventer un pas de danse différent ? De changer les rôles, de bousculer le protocole, à commencer par les petits rites familiaux, chercher le pain le matin, débarrasser la table, fait la vaisselle, sortir la poubelle ? Serions-nous capables de créer la surprise, des moments de rire et d'étonnement ? Annoncer l'Evangile, ce n'est pas réciter un catéchisme mais donner à goûter quelque chose d'incroyablement nouveau, qui fait question, qui invite à creuser. Dans ce monde de béton, les chrétiens doivent faire des bulles, rendre la vie plus respirable, plus humaine, plus légère, plus drôle. Il faut du rythme, du mouvement. Si le pape François montre l'exemple, peut-être les évêques suivront-ils ? Et si les évêques suivent, peut-être les prêtres danseront-ils aussi ? Et peut-être à leur tour les paroissiens, pas seulement ici, une fois par semaine tout au plus, mais aussi dans leurs maisons, dans leur famille, dans leur travail, dans leurs fonctions. Alors le monde va changer pour de vrai. Alors un air d'évangile va souffler. Alors les sourires et les même les fou-rires vont fuser. On va s'amuser ! On va danser, on va respirer, on va guérir de nos vieux rhumatismes et se muscler un peu. On va ressusciter !
Le maître de la danse, nous invite tous, il a besoin de nous.
Mis sous terre est monté aux cieux. Qui s'élève sera abaissé ; qui s'abaisse sera élevé !