21e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 1998-1999

Etonnant cette petite crise d'identité dans le chef de Jésus. On pourrait presque imaginer que cette scène se passe au cours de son adolescence comme s'il était un peu incertain sur lui-même ; un besoin de savoir ce que les autres pensent de lui pour pouvoir se construire et se situer dans son propre monde. Le Christ savait que ses jours étaient comptés. Avait-il réussi sa mission ? Allait-on l'oublier aussi vite après sa mort ou quelque chose resterait finalement de lui après les événements dramatiques auxquels il allait être confrontés ? Tant de questions pour un seul homme. Et nous pouvons comprendre qu'une petite crise d'angoisse existentielle ait pu le traverser. Pourtant, pourtant ce n'est pas d'abord sur cette fameuse question que je voudrais m'arrêter quelques instants ce soir (matin) mais plutôt sur l'endroit où elle a été posée. Ce n'est sans doute pas sans raison que le Christ s'interroge de cette manière précisément dans le région de Césarée-de-Philippe. Césarée-de-Philippe, ville hautement religieuse dans sa diversité. La ville était parsemée de nombreux temples dédiés au dieu syrien Baal. Nous pouvons en dénombrer quatorze. Césarée vivait donc sous l'ombrage d'anciens dieux. Mais ces dieux syriens étaient loin d'avoir le monopole du culte et de la vénération. Dans cette ville, il y avait également une caverne dans laquelle, le dieu grec Pan, dieu de la nature vit le jour. De plus pour les juifs de l'époque, le Jourdain prenait sa source dans cette même caverne. Juifs, Grecs, Syriens avaient fait de Césarée une ville d'adoration de leurs dieux. Il ne manquait plus que les Romains, me direz-vous. Ils ne nous ont pas attendu puisque toujours dans cette ville, ils érigèrent un temple de marbre blanc en l'honneur de la divinité de César. Dès lors, je crois que nous pouvons affirmer que cet endroit choisi par le Christ pour poser ses fameuses questions est loin d'être neutre. Voilà un homme, un sans logis, un sans le sous, un charpentier de Galilée entouré de douze hommes très simples, dans un endroit littéralement submergés de temples syriens, grecs, romains, dans un lieu plein de sens pour les juifs également ; voilà cet homme qui demande à ceux qui l'accompagnent « Le Fils de l'homme, qui est-il d'après ce que disent les hommes ? » Le Christ reprend à son compte cette dynamique de communication. D'abord savoir ce que l'autre dit sur lui. C'est vrai même pour nous, il est tellement plus facile de parler sur l'autre plutôt que de parler à l'autre. Parle sur l'autre, parler de l'autre n'apporte pas grand chose, c'est pourquoi Jésus se tourne vers ses disciples pour leur demander : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? ». Cette histoire s'est passée, il y a bientôt deux mille ans. C'était bien loin d'ici. Les lieux ont changé et il en va de même pour les dieux. Ces derniers sont aujourd'hui différents mais tout aussi présents. Nos dieux contemporains sont peut être plus matériel, leur soi-disant bonheur est immédiat. Ils sont en tout cas plus palpables, plus réels. Mais comme les faux-dieux d'hier, ils risquent de nous enfermer dans une spirale qui va nous éloigner de nous-mêmes, nous enlever de notre raison d'être. C'est sans doute pourquoi ce soir (matin) encore, cet évangile s'adresse à chacune et chacun d'entre nous dans le silence de nos coeurs. Un peu comme si le Christ nous susurrait : « je n'attends pas de vous une connaissance intellectuelle sur moi ; il n'y a pas lieu de lire des livres sur ma vie, sur qui je suis ; je vous demande juste une petite chose : me connaître, c'est-à-dire entrer en relation avec moi. Rien de plus ». Cette relation se vivra de diverses manières, en fonction de chacune de nos histoires personnelles. Elle sera directe, régulière pour certains ; elle passera par l'amour et l'amitié pour d'autre. Chacune et chacun nous avons notre chemin de rencontre avec Jésus. Il n'y a pas de recette. Il n'y a pas de chemin tout tracé. Puisqu'il s'agit avec tout d'une rencontre, d'une relation, voire même d'un amour, c'est à nous de trouver notre manière de connaître le Christ. Epris de ce désir, de cette soif de connaissance, nous aussi nous pourrons dire : « oui, tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ». Amen