21e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Delavie Bruno
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 1997-1998

Au cours de sa marche vers Jérusalem, pour souffrir la passion, Jésus est interpellé au sujet du nombre des élus. Quelqu'un lui demanda : « Seigneur, n'y aura-t-il que peu de gens sauvés ?

Eternelle question, poussée par la peur de l'au-delà ! Question si bien manipulée par les prédicateurs, qui brandissent la menace pour asseoir leur pouvoir : le paradis pour ceux qui obéissent à Dieu et l'enfer pour les autres.

Avouons qu'il y a de quoi avoir peur. Le bonheur pour toujours ou les flammes éternelles. Et Jésus lui-même ne nous parle-t-il pas d'une porte qui est étroite ?

Les sectes chrétiennes sont friandes de ce genre de textes avec lequel il est facile de faire peur. Mais la foi au Christ doit-elle être terrifiante ? Le Royaume de Dieu est-il réservé à quelques privilégiés ?

En réalité, Jésus veut moins attirer l'attention sur le nombre des sauvés, que sur ce qu'il faut faire pour entrer dans son Royaume.

Mais alors, devant l'incertitude et le risque de perdre le ciel, le plus sûr ne serait-il pas de mettre toutes les chances pour soi ? La messe du dimanche, les confessions fréquentes, les communions nombreuses, le respect des commandements. Plus parfait serait-on, plus on aurait des chances.

Ce n'est pas comme cet homme là-bas, au fond de l'église ; encore est-il rentré. Mais que dire de tous ceux qui ne croient plus à rien !

Nous qui essayons d'être fidèles, nous aurions, au moins, une sorte de droit d'entrer. Nous lui rappellerions que nous avons mangé et bu en sa présence. Mais voilà qu'il répond : « Je ne sais pas d'où vous êtes » et il ferme la porte.

Dans l'image de la porte étroite, nous pouvons deviner l'expérience des premières communautés chrétiennes affrontées à la difficulté de croire en Jésus. On les présente parfois sous un jour idéal. Mais en réalité, déjà en ce temps il y eut des abandons et beaucoup de défections dans le rang des disciples. Comme son maître le disciple ne doit pas avoir peur de porter sa croix. Suivre Jésus n'était sans doute pas plus facile à ce moment là qu'aujourd'hui !

Pour « ceux qui font le mal », les malfaisants, le salut est impossible. Leur ancienne convivialité avec le maître de maison ne peut servir de laissez-passer. Le disciple ne peut se prévaloir de la connaissance de Jésus comme d'une assurance. La foi s'implique dans un faire le bien. En Mathieu, Jésus le dit d'une manière équivalente : »Il ne suffit pas de me dire : « Seigneur, Seigneur » pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux » De la part du Seigneur, il y a donc un encouragement à la fidélité concrète, se traduisant dans des comportement et des actes.

Si l'important est d'accomplir la volonté de Dieu, comment se fait-il que parmi les premiers installés dans le Royaume, certains seront jetés dehors ? On sait que le problème de l'accueil des païens dans l'Eglise s'est posé au tout début de façon aiguë et qu'il a engendré bien des disputes et des divisions, à commencer par l'opposition entre Pierre et Jacques d'une part et Paul, l'apôtre des nations d'autre part. Luc ne perd pas une occasion pour souligner les décisions du Concile de Jérusalem, dont il a lui-même fait le récit dans les Actes des Apôtres : les païens, eux les derniers venus, ont droit au salut comme les chrétiens d'origine juive, les premiers arrivés. En refusant l'accès de l'Eglise aux païens, les premiers venus s'excluent du Royaume. Ainsi, les premiers seront les derniers. Pour nous aujourd'hui, le Royaume n'est pas pour plus tard, il est déjà là. L'au-delà, est commencé. Son esprit, ses lois, ne sont pas comme les nôtres. Jésus apporte de nombreux bouleversements. Il met tout à l'envers. Pour lui, certains derniers seront premiers.

Il s'y est engagé. Il s'y est engagé. Il marche vers la passion. S'il s'arrête en chemin, c'est pour relever les blessés, guérir les malades, accueillir les exclus, réconcilier les pécheurs, pleurer devant la mort, celle d'un jeune homme qu'il rend à sa mère, celle de son ami Lazare. Il marche vers sa croix, lui devenu le dernier des derniers et le serviteur de tous.

Alors, aujourd'hui, du nord au midi, de l'orient à l'occident, des foules nombreuses marchent sur ses pas, poussées par son esprit, l'Esprit d'amour de Dieu. C'est la réalisation de ce que Dieu lui-même annonçait par la bouche d' Isaïe : « Je viens rassembler les hommes de toutes nations et toutes langues. Ils verront ma gloire. » L'évangile est annoncé parmi tous les peuples de l'univers et comme le dit encore le prophète : « Ces messagers annonceront ma gloire parmi les nations. » et paradoxalement l'incroyance progresse sans cesse dans nos pays de vieille chrétienté. N'imitons pas les fils d'Abraham, qui soucieux de garder leurs privilèges, refusaient à d'autres l'accès du Royaume. Faisons plutôt route avec les jeunes Eglises. La Porte est largement ouverte à tous.