22ème dimanche ordinaire

Auteur: Philippe Henne
Date de rédaction: 3/09/17
Année: 2016-2017

            Pauvre Pierre ! Il s’est bien fait cassé aujourd’hui.  Dimanche dernier, c’était lui qui, avec une spontanéité toute particulière, s’était exclamé : « tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » Et Jésus l’avait félicité et lui avait donné le pouvoir des clefs, le pouvoir de lier et de délier.  Et voilà qu’aujourd’hui le Christ le traite de Satan.  Pourquoi ? Parce que Pierre n’a rien compris et qu’il a tout détruit.  Quand Jésus a évoqué sa mort prochaine, Pierre a réagi violemment : « Non ! Jamais cela ne se fera.  Je serai là pour te défendre et te sauver. »

            C’est étrange, cette capacité que nous avons de détruire.  Mettez deux enfants, deux garçons dans une salle où il y a cent quarante-deux camions rouges, tous identiques.  Il suffit qu’un des garçons se mette à jouer avec un de ces camions pour qu’aussitôt l’autre garçon veuille jouer avec le même camion et c’est la dispute.  Et c’est la même chose dans la Bible.  Dieu crée l’homme et la femme, et c’est aussitôt le péché originel et le fratricide.  Oui, le premier acte accompli par l’homme dans la Bible, c’est le meurtre, le meurtre de Caïn commis sur Abel.  Dieu arrache son peuple de l’esclavage en Egypte et il le conduit à la montagne sainte où il fait alliance avec lui, et c’est au même moment que le peuple élu se forge un veau d’or et se met à l’adorer.  Jésus naît dans une crèche.  Dieu se fait homme et vient partager notre existence et, au même moment, le roi Hérode fait massacrer tous les nouveau-nés de la région.  Oui, il y a en nous une force de destruction.  C’est comme si nous étions incapables de recevoir l’amour, le vrai amour.

            C’est pour cela que Jésus interdit à ses disciples de dire aux autres qu’il est le Messie, le Fils du Dieu vivant.  Parce que alors tout le monde aurait cru que c’était la libération politique que Jésus allait apporter.  C’est pour cela que Pierre refuse que Jésus parle de sa mort prochaine.  C’est pour cela que les fils de Zébédée demandent à Jésus les meilleures places dans le gouvernement royal que Jésus allait instaurer. 

            Oui, on détruit les plus belles choses autour de soi.  Un homme, une femme nous parle incidemment d’une chose qui le fait particulièrement souffrir et nous balayons cette confidence, un appel au secours par une boutade, par une remarque ironique.  Il y a des choses trop belles pour être dites.  Même dire que Dieu est amour, cela ne devrait être révélé qu’après de longs moments de silence et de vérité.  Oui, Dieu se donne dans cette eucharistie.  Cela ne devrait être reçu que dans un immense mouvement de reconnaissance et d’humilité.  Qui sommes-nous pour être aimés ainsi ?

Alors peut-être pouvons-nous espérer retrouver cette même fraîcheur, cette même simplicité de cœur qui poussa Pierre à dire : « tu es le Fils du Dieu vivant », « tu sais comme je t’aime. » Débarrassé de nos petites ambitions humaines de gloire et d’intelligence nous pourrons alors rayonner de toute la lumière de l’amour de Dieu pour chacun d’entre nous.