Le 4ème grand discours de Jésus dans l'évangile de Matthieu (chapitre 18) est consacré à la vie de relations entre les disciples.
Il importe donc d'abord de souligner que, entre chrétiens, il doit y avoir des relations. Ce qui ne va pas de soi, semble-t-il ! Quand une famille demande le baptême d'un enfant, peut-on dire que cet acte est "l'entrée dans une communauté" ? Ce nouveau chrétien intéresse-t-il les autres qui l'accueillent ? N'est-il pas habituel que le pratiquant régulier de la messe dominicale n'ait jamais de contact avec la plupart des autres personnes ? A la sortie, on se donne bonne conscience en jetant une pièce à un mendiant inconnu mais on ignore qu'un "frère" croyant se meurt à l'hôpital ! La paroisse doit être une communauté, un ensemble de personnes qui se parlent, s'entraident, partagent la joie de la foi commune. En tout cas, il en allait ainsi chez les premiers chrétiens et il est d'une extrême urgence que nous retrouvions le sens de la communauté qui passe avant les "bonnes ½uvres" et l'entraide sociale. C'est pour elle que le Christ a donné sa vie sur la croix ; c'est elle que doit effectuer toute célébration liturgique.
Le point de départ du "discours communautaire" est la nécessité primordiale de l'humilité. A Pierre qui se préoccupe des préséances, Jésus répond qu'il n'y en a pas : " Si vous ne devenez pas comme les enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume de Dieu". Il met en garde contre le dédain qui pourrait se manifester à l'endroit des membres les plus modestes et, par une magnifique parabole, il montre combien Dieu a souci du salut de la 100ème brebis qui s'est égarée et que le Bon Berger recherche avec anxiété pour la reconduire au troupeau.
Cette parabole éclaire la suite du texte qui est l'évangile de ce jour :
LA CORRECTION FRATERNELLE
Jésus disait : " Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, prends encore avec toi une ou deux personnes afin que toute l'affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. S'il refuse de les écouter, dis-le à la communauté de l'Eglise. S'il refuse encore d'écouter l'Eglise, considère-le comme un païen ou un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel."
Attention ! Il n'est pas dit "un péché CONTRE TOI" car en ce cas l'obligation serait de pardonner "70 fois 7 fois" ainsi que le texte le dira par la suite. Ici il s'agit d'un chrétien qui a un comportement contraire à l'Evangile et de la procédure appelée " correction fraternelle". Cette démarche, extrêmement difficile, exige tact, délicatesse, amour mais elle montre combien il est capital qu'une communauté maintienne son authenticité "chrétienne". Et elle ne le pourra que si chacun de ses membres se sent responsable de cette vérité. On ne peut tout laisser faire puisque la vie d'un groupe de disciples doit témoigner de la présence du Seigneur. C'est la mission qui est en jeu !
ETAPES DE LA PROCEDURE
1. - Un chrétien remarque qu'un frère a un comportement qui fait injure à l'évangile : plutôt que de colporter la rumeur et d'en rajouter sur son compte, qu'il prenne son courage à deux mains et aille s'entretenir avec ce frère, en privé, pour essayer de lui ouvrir les yeux. Car ce dernier n'est peut-être pas conscient d'avoir mal agi : mis en garde, il promettra de s'en corriger.
2. - Si le frère ne veut pas céder, alors il est mieux d'en aviser deux ou trois autres que l'on juge sages et de bon conseil. Dans une franche conversation, il est possible que ceux-ci connaissent des aspects du problème ignorés par le premier : ils le dissuaderont d'intervenir. Par contre si, ensemble, ils sont convaincus, ils auront un nouvel entretien avec le coupable. Celui-ci se rangera aux bons arguments avancés par le groupe.
3. - Il est possible que rien n'y fasse et que cet homme s'endurcisse dans sa position, refusant catégoriquement de se convertir : alors il convient d'exposer le cas à "l'Eglise", c'est-à-dire, ici, à la communauté locale, à la paroisse, dirait-on aujourd'hui. Tous ensemble, on étudiera la situation en demandant l'avis de chacun. Si on le juge bon, les responsables de la communauté iront lancer un ultime appel au pécheur, le supplieront de céder et de changer de conduite.
4. - Et, hélas, si en fin de compte, l'homme demeure fermé à toute supplication, s'il s'endurcit dans son comportement, alors on doit lui notifier qu'il ne fait plus partie de la communauté ; on le considère "comme un païen et un publicain". La sentence nous paraît dure : y aurait-il un rejet implacable et définitif ? Pas du tout. L'Evangile montre combien justement Jésus lui-même avait souci des païens et des publicains et la parabole précédente a prouvé que le Seigneur est un berger qui se met à la recherche de la petite 100ème brebis égarée car, dit Jésus, "votre Père qui est aux cieux veut qu'aucun de ces petits ne se perde". Il faudra donc imiter le Seigneur et multiplier les initiatives pour que l'égaré réintègre le groupe ( pas à n'importe quelle condition)
L'INDISPENSABLE PRIERE
La correction fraternelle est une procédure coûteuse, elle demande beaucoup de délicatesse, d'amabilité, de doigté, de patience,...d'humour même ! Trouver les mots adéquats...Saisir le moment propice...Dans une approche sans animosité... Elle exige donc prière et secours de l'Esprit. C'est pourquoi le texte poursuit : "Encore une fois je vous le dis : si deux d'entre vous sur la terre se mettent d'accord pour demander quelque chose, ils l'obtiendront de mon Père qui est aux cieux. Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux".
Devant les défaillances inévitables, deux attitudes en effet sont répandues. Certains, impatients, voudraient corriger les autres, ils voient la paille dans l'oeil du prochain sans voir la poutre qui est dans le leur, ils s'érigent en juges, n'admettent pas que leur point de vue est partial. Tentation de l'inquisiteur oublieux de la parabole du blé mêlé à l'ivraie. D'autres au contraire, sous prétexte de tolérance, sont toujours prêts à accepter n'importe quoi et se défendent d'intervenir. Laxisme coupable qui entraîne immanquablement à la médiocrité des assemblées.
Pour éviter ces écueils, Jésus nous donne le conseil : PRIER ENSEMBLE.
C'est en invoquant, ensemble, l'Esprit-Saint avec ferveur, que nous verrons clair dans certaines situations scabreuses, que nous aurons le courage d'entreprendre des démarches, que nous parviendrons, par le sourire et la bienveillance, à faire entendre quelques remontrances nécessaires. Car le Seigneur est au milieu de nous, il est vivant pour reconduire son Eglise sur le chemin de la Vérité.
Esprit Saint : ouvre nos yeux pour que nous discernions d'abord nos propres faiblesses. Que l'humilité nous rende capables d'entendre les reproches. Remplis-nous de charité fraternelle afin que nous sachions, au temps favorable et avec des mots choisis, aider notre frère à retrouver le droit chemin. Que notre paroisse soit une communauté qui cherche sans cesse à mieux répondre à ton amour, à vivre ton Evangile en vérité.