Après la célébration de la Croix glorieuse, nous reprenons le fil de l'évangile de Matthieu - dont c'est la fête aujourd'hui 21 septembre ! Rappelons-nous : près de Césarée, Jésus a décidé de fonder "son Eglise" et de monter à Jérusalem : " Jésus commença à montrer à ses disciples qu'il lui fallait monter à Jérusalem, y souffrir beaucoup..."( 16, 21). Il a vertement remis à sa place - derrière lui - le brave Pierre qui voulait lui éviter ce destin et il a averti tous les candidats disciples : " Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix et qu'il me suive" ( 16, 24).
Que signifie ce "renoncement", cette "croix" qu'il faut impérativement porter ?... Comment vivre dans la communauté de Jésus ? Les chapitres 18 à 20 montrent quelles sont les conversions auxquelles le disciple doit consentir.
Chapitre 18 : le disciple doit être un humble qui ne cherche pas à se faire valoir, qui montre de la sollicitude pour le plus petit et pardonne sans cesse les offenses.
Ensuite chapitres 19 et 20 : plusieurs petites scènes permettent à Jésus de préciser les nécessaires changements de comportement pour marcher en vérité derrière lui.
19, 1-12 : en opposition aux licences que la Loi juive accordait de répudier l'épouse, Jésus reconduit le mariage au dessein originel du créateur : l'homme ne peut séparer ce que Dieu a uni. En outre il ajoute une nouveauté : à certains, il sera donné la grâce du célibat, non en dédain du mariage mais comme signe du royaume de Dieu.
19, 13-15 : loin de les rabrouer, il faut accueillir les enfants : "Laissez...car le Royaume des cieux est à ceux qui sont comme eux".
19, 16-30 : la question du jeune homme riche permet à Jésus de donner un enseignement sévère sur les dangers de l'argent : " Il est plus facile à un chameau de passer par le chas d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume !". Et aux douze apôtres qui ont tout abandonné pour suivre leur Maître, Jésus promet qu'ils siègeront sur des trônes et recevront infiniment plus que ce qu'ils ont lâché.
CONCLUSION : Relations fidèles entre époux, considération de l'enfant, détachement vis-à-vis de l'argent : voilà les comportements que doivent adopter les membres de "l'Eglise de Jésus". Ils sont à l'opposé de ce que vit le monde car ils valorisent les faibles : la femme, l'enfant, le pauvre. Ce qui justifie la finale de ce chapitre : "Beaucoup de premiers seront derniers et beaucoup de derniers, premiers" ( 19, 30)
PARABOLE DES OUVRIERS DE LA 11ème HEURE
Et le texte poursuit immédiatement par une parabole qui constitue l'évangile de ce dimanche et qui montre encore le renversement de nos conceptions.
Le Royaume de Dieu est comparable au maître d'un domaine qui sortit au petit jour afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d'accord avec eux sur un salaire d'un denier (une pièce d'argent) pour la journée et il les envoya à sa vigne.
La participation au royaume de Dieu n'est donc pas un privilège de naissance ni une désignation arbitraire ni une simple signation par un rite : c'est un appel lancé à toutes les libertés...et qui provoque au travail. Quiconque répond s'engage à un labeur, à une manière de vivre qui comporte beaucoup de duretés (toutes celles que l'on vient de souligner dans les chapitres précédents).
Sorti vers 9 h., il en vit d'autres là, sans travail : " Allez, vous aussi, à ma vigne et je vous donnerai ce qui est juste". Il sort vers midi puis vers 3 h. et fit de même. Vers 5 h., il sort encore et en trouve d'autres : " Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?". Ils répondent : " Parce que personne ne nous a embauchés". Il les envoie à sa vigne.
Quoi de plus lamentable que de traîner une existence sans but ? Metro-boulot-dodo ! Cliq et Zap ! Notre société est "en panne de sens". Les J.O., les gadgets électroniques, les concerts ne résoudront pas la crise de l'âme. Il y a énormément à faire dans la Vigne de Dieu : l'embauche est perpétuelle. Tout au long de l'histoire, Dieu a besoin des hommes et femmes de toutes nations ; tout au long de notre existence, de l'enfance à la dernière minute, il ne cesse de nous appeler. A chaque âge son travail, sa responsabilité.
Mais voici la finale surprenante de l'histoire. A la fin de la journée, le maître ordonne à son intendant de payer les salaires en commençant par les derniers embauchés : ils reçoivent un denier ! Voyant cela, les premiers engagés s'attendent à recevoir davantage mais ils touchent également un denier : d'où leur "rouspétance" :
"Ces derniers n'ont fait qu'une heure et tu les traites comme nous qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur ?!". Mais le maître répond : " Tu as été d'accord pour un denier ? Prends-le et va-t'en. Je veux donner à ce dernier autant qu'à toi : n'ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un ½il mauvais parce que moi, je suis bon ?".
Evidemment cela heurte notre sens de la justice. Il y aurait là aujourd'hui de quoi déclencher un défilé de protestation, ou même une grève générale : " A travail inégal, salaire inégal". Mais ce patron est BON : il paye aux premiers ce qui était convenu et il ne traite pas les derniers comme de "sales fainéants" : il n'ignore pas qu'un denier est la somme minimale pour subvenir aux besoins de la famille. Pour lui, les derniers ont droit, comme les autres, à une existence décente.
De même Dieu est-il injuste ? Pas du tout. Il est BON. TOTALEMENT. Il ne peut offrir un peu à celui-ci, un peu à celui-là, peser les mérites sur une balance, jauger les proportions de "ses grâces" au prorata de nos actions,... distribuer des médailles d'or, d'argent ou de bronze !
DIEU EST AMOUR...DONC IL NE PEUT QU'AIMER... ET POUR LUI, AIMER C'EST SE DONNER. Non donner quelque chose mais SE DONNER. L'Infini ne se partage pas.
Notre scandale devant la parabole est du même ordre que celui du frère aîné dans la fameuse parabole de s. Luc ( Luc 15 ) : Dieu y fait un accueil fastueux à son fils prodigue qui a tout galvaudé...à la grande rage du fils aîné qui, toujours fidèle aux commandements, ne comprend pas et refuse de prendre part à la fête. Personne devant Dieu ne peut revendiquer une plus grande récompense que les autres ! "Mes pensées, dit Dieu, ne sont pas vos pensées" (1ère lecture)
LA MONTEE EN PORTANT SA CROIX
Pour comprendre le chemin de Jésus, nul besoin de faire un pèlerinage en "terre sainte" (sic !) comme s'il suffisait de marcher sur les chemins qu'il a empruntés ! Son trajet est une nouvelle manière de vivre, faite de décisions coûteuses clairement enseignées dans ces chapitres d'évangile. Elle est déconcertante car elle va à rebours de ce que prône notre société :
Faire une communauté sans rivaliser pour les meilleures places, en toute humilité et dans le pardon réciproque et illimité. dans la fidélité à l'union conjugale et le respect du mystère du célibat de certains qui ne sont pas supérieurs mais témoignent que les véritables noces sont celles de Dieu avec son peuple. dans l'imitation des petits enfants : confiants, joyeux et abandonnés. dans le renoncement à toute avarice, le dédain de l'argent et le respect des pauvres. dans le refus de toute envie, toute jalousie et dans la joie sincère que le dernier reçoive autant que le premier. Marie n'a jamais été jalouse ni de Pierre ni de Marie-Madeleine ! Dans la vérité de cette "suite du Christ", l'Eglise n'est plus conformiste et médiocre : elle devient appelante : " Ici on embauche !! "...Mais ne pas s'étonner que peu répondent !!