23e dimanche ordinaire, année A

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : A
Année: 2004-2005

Je suppose que vous aussi vous avez appris la nouvelle concernant Madame Duschmol qui habite avenue des Eburons dans la localité. Jamais je n'aurais cru qu'elle aurait pu faire une chose pareille. J'en suis encore retourné non seulement de ce qui s'est passé mais je me dis, en plus, à son âge, comment a-t-elle osé ? Et pourtant quand on la connaît, elle était tellement avenante, attentionnée. Elle avait vraiment tout pour elle et elle a choisi de la gâcher en si peu de temps. Mais comment est-ce possible d'en arriver là et si vite. Je vous le demande. Pauvre Madame Duschmol. Il paraîtrait que certains ont essayé de la raisonner. Rien n'y fait. Elle n'écoute plus. Elle se laisse guider par ses nouvelles intuitions, dit-elle. Pour ma part, je n'en crois rien. Je ne lui ai encore rien dit. Il est vrai que je ne la connais pas très bien personnellement même si on se voit tous les dimanches. Oh, je pourrais encore vous en dire des choses sur elle. Vous tomberiez par terre, j'en suis sûr. J'ai de quoi vous en parler pendant toute une homélie, voire une conférence entière. C'est vous dire que ce qu'elle a fait est vraiment sérieux. Mais agir de la sorte, irait tellement à l'encontre de l'évangile de ce jour.

Madame Duschmol, personnage qui ne vit que dans ma tête, ou toute autre personne que nous connaissons peuvent faire partie de cette catégorie de gens que nous sentons parfois partir à la dérive. Trop souvent hélas, nous en parlons entre nous. Est-ce l'effet de commérage, un besoin de se dire que puisque nous ne vivons pas cela, nous sommes mieux qu'eux, une nécessité de donner un peu de piment dans la vie par le malheur des autres ? Je n'en sais rien. Une fois encore l'évangile nous invite à ne pas parler des autres. C'est tellement facile et peut-être même un peu lâche mais plutôt d'aller parler aux autres. Choisir de les rencontrer, de les affronter dans leurs propres contradictions, les convier uniquement par nos questions à ce qu'ils puissent retrouver leur route, c'est-à-dire celle qui conduit à la Vérité. Cette dernière, pour nous, croyantes et croyants, s'inscrit dans les traces du Christ. Il est vrai qu'il n'est pas toujours évident de partir à la rencontre de l'autre, surtout quand ce dernier ne veut plus écouter, tellement il est enfermé dans sa logique même si elle est parfois mortifère. Nous nous sentons esseulés. Nous sommes sur la berge et nous le voyons partir à la dérive. Lui, il est aveuglé par ce qu'il vit et il ne voit pas la chute vers laquelle il se dirige. Il est dans sa barque, sur son nuage, persuadé que rien ne peut lui arriver. Et nous sommes là, le regardant, tentant de lui lancer une corde puis une autre, espérant qu'il la saisira, qu'il se laissera guider non pas pour le conduire là où nous voulons qu'il aille mais pour lui permettre de ne pas se perdre et de prendre le temps de retrouver son chemin. Une telle mission n'est pas aisée et nous nous sentons trop souvent impuissants face à une telle situation.

Dans la foi, le Christ nous invite à ne pas abandonner une telle personne au destin surtout lorsque celle-ci quitte le chemin de sa destinée. Frappons encore et toujours à la porte de son âme, espérant qu'un jour peut-être, il ou elle l'ouvrira à nouveau. Et parfois, nous en ferons l'expérience alors que d'autres fois nous serons envahis par un sentiment de solitude face à cette personne qui s'en va à la dérive, sa dérive. Nous ne pouvons plus rien, si ce n'est la poser dans le c½ur de Dieu par notre prière. Garder vis-à-vis de cette personne une attitude non de condamnation mais de compassion. Surtout ne pas juger car peut-être après le passage du tourbillon, elle poursuivra sa route autrement mais en ayant retrouvé le sentier de sa destinée. Avec Dieu, rien n'est jamais perdu. Il y a toujours une occasion de se relever et de remarcher sur le chemin de sa vie. Même si cette personne reste sourde à nos appels, l'évangile nous demande de ne pas la rejeter, de l'exclure mais de la considérer comme un païen et un publicain. Un païen, c'est-à-dire un être humain qui ne croit plus qu'en lui-même et qui peut être aveuglé par sa propre quête immédiate, un publicain, c'est-à-dire un être qui se reconnaît comme fragile et qui accepte qu'il n'est pas capable de tout vivre à la lumière des espérances de Dieu pour son humanité. Un païen et un publicain, c'est-à-dire un homme ou une femme, comme vous et moi, qui trébuche et qui un jour aura aussi besoin de nos mains pour que nous l'aidions à le relever. Ne perdons jamais espoir. Dieu est au c½ur de notre humanité. Amen.