"Pardonnes-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés". Vous reconnaissez une des phrases de la prière du Notre Père. C'est bien une prière que nous faisons très souvent. Par là, nous demandons à Dieu de nos pardonner « comme nous aussi nous pardonnons ». Sans cesse, Jésus répète que nous devons pardonner sans limite. « Non pas jusqu'à sept fois mais jusqu'à septante fois sept fois » (490 !). C'est énorme. Faut-il conclure que Dieu nous pardonne si nous pardonnons près de 500 fois ? N'est-ce pas une contrepartie un peu lourde ? Faut-il comprendre que Dieu nous pardonne peu si nous pardonnons peu aux autres ? Voici des questions bien complexes.
Dans la foi, nous affirmons que Dieu est un être de miséricorde et de pardon. Par sa vie, Jésus nous a fait découvrir l'amour gratuit de Dieu. Par conséquent, Dieu aime gratuitement et pardonne aussi gratuitement. Si Dieu est pur amour et pur pardon, il me semble contradictoire de dire qu'il va doser son pardon en fonction de nos démarches personnelles de pardon. Je pense que Dieu est pardon, qu'il nous pardonne tout gratuitement, et que nous sommes invités à prolonger le pardon de Dieu par des actes de pardon. La difficulté, n'est pas d'atteindre un certain quota (490, par exemple) mais d'avoir expérimenté le pardon qui vient de Dieu. Si Jésus peut être si exigeant avec ses disciples, c'est parce que ceux-ci font l'expérience du pardon divin à travers lui. Jésus leur fait vivre une foi en un Dieu qui ne condamne pas mais qui pardonne. « Père pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font » dira Jésus peu avant de mourir sur la croix. Celui qui a fait l'expérience que Dieu est un être atteint par la « pardon-manie », ne peut pas refuser de pardonner à son tour. Le problème, c'est que cette expérience ne va pas de soi. Le serviteur de l'évangile a bénéficié du pardon de son maître mais il est resté au niveau purement économique. La preuve, c'est qu'il n'a rien compris et qu'il n'a pas été miséricordieux avec son propre débiteur. Le serviteur a demandé le pardon comme une remise de dette. Il n'a pas compris que le pardon est autre chose qu'une remise de dette. Nous pouvons avoir une difficulté avec le texte. En effet, le maître nous est présenté comme un patron, un propriétaire. Or, il serait dommageable de transposer l'image en disant que Dieu est un patron pour nous. Les histoires de l'Evangile doivent toujours être replacées dans leur contexte et relue avec prudence. Surtout que ici on est à deux doigts de présenter Dieu comme un bourreau pour celui qui ne pardonne pas. Donc prudence !
Si Dieu pardonne sans restriction, cela ne veut pas dire que son pardon se concrétise dans notre vie. En effet, quelqu'un peut offrir son pardon, ce n'est pas pour autant que nous allons l'accepter et en être transformé. Dieu donne mais l'homme, de par sa liberté, décide d'accueillir. D'une certaine manière, Dieu propose et l'être humain dispose. Chaque dimanche, nous prions au début de la messe pour recevoir le pardon de Dieu. Cela signifie que nous reconnaissons avoir besoin de la force de son pardon pour être capable de pardonner aux autres. C'est parce que le pardon est difficile que nous demandons l'aide de Dieu. D'un autre côté, nous décidons de pardonner aux autres pour leur faire découvrir un « Dieu plein de miséricorde et de tendresse », comme disent les psaumes. En devenant des êtres de miséricorde et de tendresse, ce qui ne veut pas dire des « petits gentils », nous faisons vivre Dieu dans le monde des humains. Dieu rayonne à travers les femmes et les hommes qui offrent le pardon au lieu de choisir la violence. Jésus reste le témoin indépassable de cette vérité.
Nous-mêmes, soyons patients et demandons dans la prière que Dieu nous fasse vivre de cette pardon-mania qui le caractérise. Tout cela est difficile et demande de la patience. Amen