23e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Cochinaux Philippe
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2002-2003

Mc 7, 31-37

Dans son livre intitulé " Apprivoiser son ombre ", Jean Monbourquette, prêtre et thérapeute canadien qui viendra donner une conférence à Froidmont dans le cadre des Forums proposés par l'équipe pastorale le mercredi 29 novembre de cette année, raconte l'histoire suivante : il était une fois un homme qui portait sept masques différents, un pour chaque jour de la semaine. Quand il se levait le matin, il se couvrait immédiatement le visage avec un de ses masques. Ensuite, il s'habillait et sortait pour aller travailler. Il vivait ainsi, sans jamais se laisser voir son vrai visage. Or, une nuit, pendant son sommeil, un voleur lui déroba ses sept masques. A son réveil, dès qu'il se rendit compte du vol, il se mit à crier à tue-tête : " au voleur ! au voleur ! " Puis il se mit à parcourir toutes les rues de la ville à la recherche de ses masques. Les gens le voyaient gesticuler, jurer et menacer la terre entière des plus grands malheurs s'il n'arrivait pas à retrouver ses masques. Il passa la journée entière à chercher le voleur mais en vain. Désespéré et inconsolable, il s'effondra, pleurant, comme un enfant. Les gens essayaient de le réconforter, mais rien ne pouvait le consoler. Une femme qui passait par là s'arrêta et lui demanda : qu'avez-vous l'ami ? Pourquoi pleurez-vous ainsi ? Il leva la tête et répondit d'une voix étouffée : on m'a volé mes masques, et le visage ainsi découvert, je me sens trop vulnérable. Consolez-vous, lui dit-elle, regardez-moi, j'ai toujours montré mon visage depuis que je suis née. Il la regarda longuement et vit qu'elle était très belle. La femme se pencha, lui sourit et essuya ses larmes. Pour la première fois de sa vie, l'homme ressentit, sur son visage, la douceur d'une caresse.

La douceur d'une caresse. Qui d'entre nous n'en a jamais éprouvé le besoin lorsque ces dernières se font rares ou inexistantes. Il est vrai qu'aujourd'hui, souvent, les caresses ont mauvaises presse. Elles ont été dénaturées, sexualisées et donc quelque part souillées par ces gens qui ont abusé de femmes ou d'enfants. Malgré un tel triste constat, nous ne devons pas laisser une certaine pornocratie envahir la tendresse.

En effet, cette dernière est belle, pure et expression merveilleuse de l'amour. Dans la tendresse, les caresses retrouvent leurs lettres de noblesse et nous font redécouvrir l'importance du sens du toucher qui est un mode d'expression et de communication entre deux êtres. Toucher l'autre, c'est humain mais également divin. Le Christ en est une belle preuve. C'est en tout cas ce que la page d'évangile de ce jour nous dévoile. Jésus met les doigts dans l'oreille du sourd muet, puis prenant de la salive, il lui touche la langue.

Ailleurs, il impose les mains, touche les enfants. Il communique donc également par son propre corps mais pour le bien de l'autre. D'où le sens de notre eucharistie, cette communion à son corps et son sang. Durant sa vie terrestre, le Christ s'offre une certaine proximité physique avec les personnes rencontrées au cours de ses marches. Mais cette proximité n'est pas vécue au grand jour, de manière médiatique. Non Dieu le Fils s'autorise de toucher les gens en s'éloignant de la foule. Il se retire dans l'intimité de la rencontre. Par pudeur, par respect. Les caresses, expression de la tendresse, se donnent à vivre dans le respect de chacune des parties en présence car toucher l'autre n'est pas neutre.

En effet, toucher l'autre, c'est également se laisser toucher. Toucher l'autre, c'est consentir à se taire pour que le silence puisse s'instaurer dans la relation car ce silence-là est plus parlant que n'importe quelle phrase. Toucher l'autre permet aussi d'offrir un chemin de guérison. Notre monde a besoin de proximité, notre monde a besoin de tendresse. Notre monde, c'est-à-dire la majorité d'entre nous. Toucher l'autre tout en se laissant touché est une expérience forte car elle nous permet d'ouvrir nos bras et de serrer contre nous celle ou celui qui veut venir faire mourir sur notre épaule quelques larmes de tristesse. Elle nous permet également de prendre une main et de nous taire ou encore de caresser le visage de celui qui devient si proche à l'instant où il s'éloigne de sa propre souffrance.

Tiens, et si Dieu nous demandait : aujourd'hui, par un geste, par des mots, as-tu touché quelqu'un ? Question inconvenante ? Peut-être ou n'est-ce pas plutôt l'expression d'une attitude considérée comme folie humaine, signe de sagesse divine ? Quoiqu'il en soit, toute caresse d'un geste, toute caresse d'un mot est tendresse, mode de communication, voire même de communion. Dieu le Fils ne s'en est pas privé dans l'intimité de la rencontre, n'en ferions-nous pas de même lorsque le besoin se fait ressentir en toute honnêteté, en toute vérité ?

Amen.