24e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Materne Pierre-Yves
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2002-2003

La colère de Dieu est mal perçue aujourd'hui. Et ce n'est pas nouveau. Dans la Bible, on dit que Dieu est souvent en colère contre son peuple à causes de ses infidélités. Parfois, il renonce à sa colère mais parfois aussi il punit les hommes. Dans l'Evangile, Dieu a perdu ce côté vengeur au profit d'un amour infini. Doit-on y voir un progrès par rapport aux premières pages de la Bible ? Je ne crois pas qu'on puisse évacuer ainsi la colère à propos de Dieu. La colère de Dieu, bien que ce soit là une simple métaphore, dit quelque chose d'important. On peut tenter un parallèle avec la vie familiale. Un père, ou une mère, aime ses enfants mais sent parfois que son enfant va trop loin. Alors il se met en colère parce qu'il voit que quelque chose de grave risque de se passer. Il cherche à éduquer, il essaie de corriger, mais sans violence. S'il entre dans la violence, il sort de son rôle de père.

De même, Dieu voit en nous ses fils et ses filles. C'est pourquoi Il tend à nous éduquer pour entrer dans son amour. Il peut parfois y avoir un peu de colère chez lui mais jamais il ne sera violent avec nous. Dieu veut notre bien et essaie de nous convaincre de nous ouvrir à la tendresse et au pardon. Autrement dit, il attend de nous un c½ur conscient et souple. Or, souvent, il se heurte à des c½urs endurcis. Quand Jésus rencontre des gens au c½ur endurci, il arrive qu'il réagisse par un regard de colère. Cela n'arrive pas souvent, c'est vrai. Jésus pardonne. Jésus aime ses disciples, mais aussi le lépreux ou le collecteur d'impôt. Pourtant, Jésus se met aussi en colère face au c½ur endurci. Devant des pharisiens endurcis, n'arrivant pas à les convaincre par son message d'amour, le Christ est poussé jusqu'à la colère. Ces gens n'ont pas l'intelligence du c½ur de Jésus, où la raison et les sentiments sont réunis. Ils sont dans leur tête mais ils ont perdu le contact avec le c½ur. Ils jugent comme des robots, condamnent sur les apparences et les ouï-dire.

Jésus étant le vrai visage de Dieu, on peut déduire que la colère a du sens à propos de Dieu, qui n'est pas un Dieu de facilité, ou un Dieu bonasse. Mais le plus important est de saisir que Dieu ne peut parfois rien y faire sinon " être en colère ". En colère parce que déçu de nos attitudes. En colère parce qu'Il se sent impuissant vis-à-vis de notre liberté humaine. Finalement, la colère de Dieu signifie que Celui en qui nous croyons est un être bien vivant, sensible, passionné par les personnes faillibles que nous sommes.

L'histoire du débiteur impitoyable nous révèle cette faiblesse de Dieu. Le Roi, Dieu, a voulu offrir un nouveau départ au débiteur sans c½ur. Cet homme a dépensé plus que ce qu'il aurait pu gagner en toute une vie. Il a joué avec l'argent et il est incapable de rembourser le tiers du quart. Sa vie s'arrête dans une impasse jusqu'à ce que le bon Roi, le c½ur saisi de pitié, lui pardonne sa faute et efface sa dette. S'en retournant, le débiteur saute sur un de ses compagnons. Il ne saute pas de joie mais de rage. La colère l'emporte contre ce compagnon qui ne lui doit que trois fois rien. La colère se traduit en violence. Le débiteur, ayant retrouvé la liberté, a abusé de cette liberté pour écraser son compagnon. Il s'est laissé prendre par une dynamique de violence au lieu de vivre la dynamique du pardon. C'est pour cela que le Roi se met en colère. Il se sent impuissant face au choix que le débiteur a fait. Non, il ne veut pas le maudire pour l'éternité. Il accepte, à contrec½ur sans doute, de le laisser vivre son propre emprisonnement.

En refusant la logique du pardon, nous nous privons d'une expérience qui nous rapproche de Dieu. En endurcissant notre c½ur, nous empêchons la venue de Dieu en nous. Si nous le faisons poirotter à la porte de notre coeur, il est normal qu'il soit un peu en colère. Le Christ nous invite à vivre dans la dynamique du pardon, bien que cela soit difficile. C'est une occasion de mieux voir le visage de Dieu, qui n'est pas un visage terrifiant mais un visage mystérieusement libérant.