23e dimanche ordinaire, année C

Auteur: Croonenberghs Didier
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : C
Année: 2012-2013

Ce vendredi, à l'hôpital, un malade me confiait ceci : « Face à la souffrance, disait-il, il m'est facile d'être croyant, mais il m'est bien difficile d'être chrétien.» Un peu surpris par cette distinction, je me suis permis de le questionner afin qu'il me précise sa pensée. Pour lui, croire en un Dieu d'amour est une démarche aisée. Par contre, dans l'adversité, mettre sa confiance dans les paroles de Jésus et se dire chrétien est presque impossible. Et pour argumenter son propos, il m'a cité justement l'évangile que nous venons d'entendre et cette phrase qui peut sembler si dure à première vue : « Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple... » Le texte grec parle même de haïr son père et sa mère. ?Alors, quel crédit accorder à de telles phrases si dures et qui sont toujours susceptibles d'alimenter une forme de dépréciation de soi, ?si loin d'un Dieu d'amour ?

Je crois profondément que derrière cet évangile se cache une vraie sagesse, une invitation à mieux vivre. Pour la découvrir, permettez-moi de relever trois expressions, comme trois invitations en ce temps de rentrée, et peut-être pour certains, ce temps de bonnes résolutions...?
o Commencer par s'asseoir... Dans notre monde où le but est d'aller plus vite, plus loin, plus haut, et rarement plus bas, s'asseoir apparaît souvent comme l'étape finale, la récompense et non le début du travail. Comme le disait une humoriste, nous essayons d'abord d'apprendre à nos enfants à marcher et parler et puis à s'asseoir et se taire... « Travaille et puis tu pourras ensuite t'asseoir pour te reposer » pourrions-nous penser dans une société de rentabilité. Or, l'évangile --par les deux petites paraboles que nous avons entendues-- nous invite bien par deux fois à « commencer par nous asseoir » et non par finir par nous asseoir. ?S'asseoir, c'est découvrir l'assise sur laquelle nous pouvons construire nos jours.  S'asseoir, c'est bien souvent entamer un dialogue, écouter, entrer dans la confiance, permettre la confidence... C'est réfléchir à des projets, à des paroles qui durent et qui construisent. C'est prendre le temps, plutôt qu'être pris par le temps. Commencer par s'asseoir, c'est donc faire précéder la réflexion à l'action. Bien sur, il y a toujours un danger à rester assis, à faire des grands discours qui restent des théories, c'est pourquoi l'évangile nous invite à une deuxième dimension, plus difficile, pour mieux vivre cette vie qui nous est offerte... car s'asseoir a but ?o L'évangile nous invite deuxièmement à « voir si nous avons de quoi aller jusqu'au bout». Le critère est bien au bout du chemin. S'il nous faut nous asseoir pour prendre du recul, c'est finalement pour intégrer nos limites. Notre société oublie souvent sa direction, elle oublie de voir si elle a de quoi aller jusqu'au bout. Prendre du recul, c'est donc quitter l'urgence du quotidien pour faire un peu de place à l'importance, à l'essentiel dans sa vie. ?Nous ne sommes pas immortels et nous oublions souvent que le bout du chemin donne sens à nos vies. Prendre du recul nous permet de voir la fin, ?notre fin, notre mortalité. Dis-moi quelle attention tu accordes à la mort, je te dirai celle que tu accordes à la vie, nous dit le poète. Réfléchir à ce qu'il y a au bout, c'est bien se poser la question de ce qui restera lorsque nous passerons la porte de la mort. Quel que soit notre chemin de vie, c'est bien la mort, cette ultime démaîtrise et dépossession de soi, qui donne de la densité à notre existence. En ce sens, porter sa croix consiste à découvrir que la mort fait partie de notre vie, et lui donne paradoxalement du sens. Porter sa croix, c'est accepter les conséquences d'une vie authentiquement vécue. ?
o Enfin, troisièmement, l'évangile nous invite à « marcher derrière Jésus ». ?« Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi, ne peut être mon disciple». Marcher derrière Jésus, c'est prendre le chemin de la démaîtrise, ?le chemin qui s'en remet à un autre, à la confiance. Marcher à la suite du Christ, c'est découvrir que notre vie a plus de densité ?lorsque nous ne nous mettons plus au centre ?mais que nous mettons l'ouverture et le service au centre de notre vie. ?Etre dans la confiance, « marcher derrière » signifie donc qu'il y aura toujours un chemin, une voie possible, puisque quelqu'un nous précède... ??Commencer par s'asseoir, pour prendre le temps?Voir jusqu'au bout, pour apprivoiser ses limites  
Marcher derrière enfin, pour entrer dans la dépossession de soi ?et la confiance en l'Autre.

Trois invitations aussi exigeantes que libérantes ?que je nous adresse en ce temps de rentrée. Amen.