23eme dimanche du temps ordinaire

Auteur: Raphaël Devillers
Date de rédaction: 6/09/15
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B

Depuis le début, Jésus exerce sa mission sur une zone guère plus grande qu’un mouchoir de poche : à partir de la petite ville de Capharnaüm, sur la rive nord-ouest du lac, il a visité les quelques villes et villages des environs. Une seule fois, au début, il a traversé le lac pour débarquer à Gerasa, dans la région païenne de la Décapole mais les habitants l’ont vite renvoyé. Si bien qu’après quelques mois, son bilan n’est pas fameux (à vue humaine) :

Oui quelques foules s’encourent vers lui mais c’est plus pour quémander des guérisons que pour écouter son enseignement et se convertir (1, 33)

Le village dont il est originaire, Nazareth, s’est cabré devant lui (6, 1)

Sa famille ne le comprend pas, on croit qu’il a perdu la tête (3, 21) et on cherche à le récupérer (3, 31)

De grands docteurs de la Loi, venus de Jérusalem pour enquêter, ont conclu qu’il avait fait un pacte avec le diable (3, 22). Les pharisiens avec leurs scribes, spécialistes des Ecritures et gardiens des traditions, l’ont accusé de blasphème parce qu’il pardonnait un pécheur (2, 6).

Les disciples de Jean-Baptiste étaient furieux parce qu’il n’observait pas un jour de jeûne et ne pratiquait pas l’ascèse (2, 18)

Pire ! Certains pharisiens, outrés de le voir enfreindre les sacro-saintes lois du shabbat, ont prémédité sa perte (3, 6)

Certes sa réputation s’est répandue et des gens sont parfois venus de loin (même Jérusalem et la Phénicie) mais cet engouement était dû à ce qu’il faisait (des guérisons) et non à ce qu’il disait (« Convertissez-vous ») (3, 7)

Sans cesse et de plus en plus il se heurtait aux Pharisiens scandalisés par sa liberté vis-à-vis des traditions (7, 1).

Pourquoi donc sommes-nous si étonnés de nos échecs, si découragés devant l’incompréhension des autres, si humiliés devant notre petit nombre ? Le pire serait que cela nous empêche d’inventer et de poursuivre car l’absence de résultats due à notre passivité n’est pas échec mais trahison de notre mission

SORTIR DE SON PAYS

Que faire ?

C’est alors qu’on voit Jésus sortir de son pays et emmener ses disciples dans les pays païens limitrophes : d’abord vers la côte, au sud de la Phénicie (le Liban aujourd’hui) où une maman le supplie de s’occuper aussi des païens et lui arrache la guérison de sa petite fille (7, 24). Puis Jésus repart vers l’est du lac de Galilée, dans la région de Décapole : à nouveau des païens vont le supplier.

Jésus quitta le territoire de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction de la mer de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole. Des gens lui amènent un sourd qui avait aussi de la difficulté à parler et supplient Jésus de poser la main sur lui.

La prière d’intercession joue un grand rôle dans les évangiles (le centurion romain implorait pour son serviteur, Jaïre pour sa petite fille, Marie pour les mariés de Cana…) ; certains non seulement prient, mais amènent le malade à Jésus (le paralytique de Capharnaüm, ici le sourd-bègue, à Bethsaïde ce sera un aveugle 8, 22).

Pourquoi nos paroisses ne s’organisent-elles pas pour que des personnes âgées ou handicapées soient conduites à la messe du dimanche ? A Lourdes et les grands sanctuaires mariaux, les alités se trouvent en première ligne, invités privilégiés de Dieu, au prix souvent de beaucoup de peine. La rencontre du Christ, le partage de son Pain de Vie et la constitution de l’assemblée d’Eglise méritent cette mission qui témoigne de la foi (présence du Christ), de la charité (amour du prochain) et de l’espérance (vœu de guérison). Naturellement ce geste entraîne de perdre cette hypocrisie de vouloir « sa petite messe » la plus courte possible ! Et encore faudrait-il que ces handicapés acceptent de se laisser prendre en charge – ce qui ne va pas de soi car certains n’aiment pas dépendre des autres.

L’OUVERTURE

Jésus l’emmena à l’écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue. Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! ». Ses oreilles s’ouvrirent, sa langue se délia, et il parlait correctement.

Pour guérir l’homme, Jésus emploie une méthode étonnante mais qui était courante chez les thérapeutes de l’époque. Il ne veut pas d’une exhibition publique comme les charlatans ; il semble que la guérison soit difficile, exige un appel spécial au souffle de l’Esprit-Saint. Le handicap de cet homme était son enfermement en lui-même : aussi Jésus lui ordonne de « s’ouvrir » et l’évangéliste a gardé l’expression dans la langue de Jésus. En entendant cette injonction, l’homme perd sa surdité et, en conséquence, retrouve la parole.

Combien de nos parents, amis et voisins sont sourds à la Parole de Dieu : on a beau tenter des conversations affables, conseiller des livres, prêter un évangile…rien n’y fait. Ils sont aimables et dévoués, ils admirent l’abbé Pierre, Nelson Mandela et même le Pape…mais ils restent imperméables au message du Christ.

Avons-nous fait appel à l’Esprit ? Ne raplatissons-nous pas l’ouverture au Christ et la conversion à un simple mouvement psychologique ? Ne croyons-nous pas souvent qu’il suffit de se montrer gentil, dévoué, poli…. ? La bouche de l’autre ne confessera la foi que si, d’abord, il ECOUTE L’APPEL DU CHRIST. Et cet appel ne se réduit pas à nos qualités et à nos vertus.

LE RESULTAT

Alors Jésus leur ordonna de n’en rien dire à personne ; mais plus il leur donnait cet ordre, plus ceux-ci le proclamaient. Extrêmement frappés, ils disaient : « Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. »

Comme toujours, Jésus refuse qu’on lui fasse de la publicité, qu’on répande sa réputation de guérisseur formidable. La guérison physique, si nécessaire soit-elle, doit faire réfléchir à la guérison spirituelle dont elle est un « signe ».

Toujours est-il que les gens ne pouvaient s’empêcher de raconter cet événement qui les avait bouleversés. Et nous aussi aujourd’hui les œuvres du Christ devraient nous émerveiller or souvent nous restons silencieux, nous n’avons pas l’audace de raconter les merveilles qui s’accomplissent dans l’Eglise.

Mais au moins les connaissons-nous nous-mêmes ? Tous les jeunes sont au courant des dernières inventions, des nouveaux groupes de musique, des nouvelles modes. Sur l’Eglise ils ignorent tout. Sauf qu’elle organise des messes le dimanche pour quelques vieilles personnes. En ce cas pourquoi y aller ?

« Que votre lumière brille aux yeux des hommes pour qu’en voyant vos bonnes actions, ils rendent gloire à votre Père des cieux » (Matt 5, 16). La communication est un problème urgent à régler dans l’Eglise.

Et Marc termine son récit en mettant dans la bouche du public une petite phrase venant du prophète Isaïe : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : il vient vous sauver. Alors les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s’ouvriront. Le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie…Là on construira une route qu’on appellera « la voie sacrée » et le Seigneur lui-même ouvrira la voie. Ceux qui appartiennent au Seigneur prendront cette Voie…Sur leurs visages une joie sans limite » (Is 35, 3-10)

Cette citation n’est pas décorative : elle proclame la certitude de Marc et de sa communauté que Jésus est bien le Messie annoncé par les prophéties. La foi en lui est « la voie sacrée » qui mène à Dieu. Ceux qui y entendent la Bonne Nouvelle de la Parole de Dieu ont la bouche déliée : ils peuvent raconter ce qui les fait vivre et ils chantent de joie.

« Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ » (Pape François)