Mc 9, 30-37
Au fil des années, il avait fait le vide autour de lui. Il ne comprenait pas pourquoi. Pourtant, s'il avait pu ouvrir les yeux, s'il avait eu le courage de se regarder en face, il aurait vite compris. A sa manière, il cherchait la première place partout où il passait. Il avait besoin d'avoir toujours raison. Il ne pouvait pas se tromper comme si l'omnipotence et l'omniscience étaient ses qualités premières. Ses proches s'étaient petit à petit fatigués de lui. Aucune discussion n'était possible puisqu'il devait avoir raison car il pensait qu'au moins, lui, il savait. Ce pauvre homme n'avait pas saisi que seules les questions sans intérêt ont une réponse certaine. Les autres quant à eux avaient acquis la conviction qu'avec lui, ils s'ennuieraient. Vint un jour la joie de la paternité et au c½ur de sa profonde solitude, sa petite fille commença à l'interroger sur les mystères de la vie. Tout à coup, à une question, il répondit par ces mots « parce que ». Pourquoi « parce que » ? s'interrogea l'enfant. « Parce que » c'est comme cela et ne soit pas impertinente avec tes questions. Pour la première fois de sa vie, il ne savait pas. Enfin, il allait pouvoir grandir en humanité et partir sur le chemin de Dieu.
Pourquoi ? Parce que ! Qui d'entre nous, n'a pas vécu ce genre de réalité où nos questions restaient sans réponse et cela pouvait alors nous frustrer ou nous mettre en colère car certaines décisions prises pour nous n'avaient aucun fondement raisonnable et nous ressentions une forme d'injustice à notre égard surtout lorsque les mots « parce que » étaient prononcés par une figure d'autorité qu'elle soit parentale ou scolaire. Nous ne pouvions pas nous contenter d'un simple « parce que ». Nous estimions, à raison je crois, être en droit d'obtenir une réponse claire et précise surtout lorsque celle-ci faisait suite à une demande. Toute justification, même si nous n'étions pas d'accord, nous permettait au moins de nous situer, d'entamer une discussion, de vivre un dialogue. Le « parce que » dit de manière péremptoire soulignait le refus de toute forme communication : l'autorité avait parlé et c'était ainsi. J'espère, personnellement, avoir appris et ne pas reproduire ce genre de comportement à l'égard d'autres aujourd'hui. Toutefois, il n'en va pas du tout de même avec les disciples de Jésus. Le Fils de Dieu ne se contente pas d'un « parce que ». Il les instruit et leur explique ce qui va arriver mais eux étaient incapables d'entendre. Alors, pour dépasser cela, ils s'enferment non pas dans une discussion mais dans un vain bavardage sur la place que chacun occupe. Comme si cela avait de l'importance aux yeux de Dieu ! Dans la vie, il peut nous arriver d'être confrontés soit à des questions qui enveloppent un tel mystère que nous ne sommes pas capables répondre par nous-mêmes, soit à des réalités qui vont au-delà de ce que nous pouvons imaginer et que nous ne sommes pas capables de comprendre. Face à ces deux situations, nous pouvons rester sans voix et nous enfermer dans une spirale de malaise ou au contraire, suivre l'exemple du Christ, c'est-à-dire prendre ou reprendre en nous l'enfant qui sommeille. Retrouver non pas une part d'innocence ou de pureté. Loin s'en faut car ce serait enfermé un enfant dans ce qu'il n'est pas. Mais plutôt de partir à la recherche de cet enfant qui est signe de celui qui ne sait pas et qui a l'humilité de s'interroger. A l'instar du Christ, puissions nous, chacune et chacun, retrouver cette part d'enfant qui nous convie à prendre conscience que nous sommes des apprentis perpétuels face au mystère divin, qu'il y aura toujours un long chemin à parcourir car en Dieu, toute question ouvre la porte à une multitude d'autres questions. Il ne nous est pas possible d'aller vers le Père avec des certitudes et des soi-disant vérités certaines. Non, pour aller vers le Père, nous avons à accepter d'êtres des hommes et des femmes en chemin. Un peu comme si Dieu ne se laissait rencontrer que sur nos routes respectives. Et sur notre chemin, le Fils nous prend par notre c½ur d'enfant, pour faire de chacune et chacun un questionneur de vie, un questionneur de mystère. En fait un être en recherche ou peut-être mieux encore un être debout sur le chemin de sa vie confiant que l'Esprit l'accompagne pour qu'il continue sa quête d'apprentissage de ce Dieu qui nous montre la route du salut, le chemin du bonheur.
Amen.