26e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

Mc 9, 35-50

Le tournant est pris : non seulement Jésus a annoncé le sort qui l'attendait (mort et résurrection) mais il a révélé à ses disciples la nécessité pour eux aussi "de se renoncer et de prendre leur croix" pour le suivre. ( Marc 8, 34)

Qu'est-ce à dire en pratique ? Tout au long du chemin vers Jérusalem, une série d'instructions vont élucider le contenu de cette conversion radicale. Le début de la première, qui concerne les Douze, a déjà été lue dimanche passé mais je propose de le reprendre afin de commenter cet enseignement de Jésus in extenso.

Il comporte 7 points : l'homélie du jour choisira ceux qu'elle entend développer.

PAS DE RIVALITES : LE PREMIER EST LE SERVITEUR.

En chemin les Douze s'étaient querellés pour savoir qui était le plus grand. Jésus s'assit et leur dit : " Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous".

Pas de folie des grandeurs ni de carriérisme ni de combats de chefs ni de jalousies mesquines. L'autorité est un service.

L'ENFANT, SIGNE DU ROYAUME

Prenant un enfant, il le plaça au milieu : " Qui accueille en mon Nom un enfant comme celui-là m'accueille moi-même ; et qui m'accueille, ce n'est pas moi qu'il accueille mais Celui qui m'a envoyé".

La foi est moins agir que recevoir ; elle est ouverture, disponibilité ; il faut s'abaisser pour recevoir, s'ouvrir à l'autre avec un tact délicat et un infini respect. L'accueil de Jésus, la foi, est accueil de Dieu même.

LE BIENFAITEUR INCROYANT

Jean dit à Jésus : " Maître, nous avons vu quelqu'un chasser des esprits mauvais en ton Nom ; nous avons voulu l'en empêcher car il n'est pas de ceux qui nous suivent". Jésus répond : " Ne l'empêchez pas : car celui qui fait un miracle en mon Nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi. Celui qui n'est pas contre nous est pour nous".

En ce temps-là, les guérisseurs mêlent soins et invocations de saints personnages. Jean est furieux car il a vu l'un d'eux opérer des exorcismes en usant du nom de Jésus. Celui-ci le calme : Ne croyez pas avoir le monopole de mon Nom, de ma Puissance ; ne m'enfermez pas dans votre groupe. Si quelqu'un ne confesse pas la foi chrétienne mais fait du bien aux hommes, il est quand même quelque part du côté du Royaume.

LA CHARITE, CHEMIN DU CIEL

Et celui qui vous donnera un verre d'eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense.

Les apôtres, on le sait, devront s'en aller prêcher sans le sou et ils dépendront partout de l'accueil ou non des gens. Tous ceux et celles qui leur auront offert fût-ce un verre d'eau fraîche auront leur récompense. Tant il est vrai que l'essentiel du Royaume est la charité, le c½ur qui s'ouvre pour venir en aide au pauvre.

LE TRESOR INFINI DE LA FOI

Celui qui entraînera la chute d'un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu'on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes et qu'on le jette à la mer.

Certains non seulement ne croient pas mais ils font tout pour faire perdre la foi aux autres. A leur endroit, l'avertissement est terriblement sévère : celui qui "scandalise" un croyant, c'est-à-dire qui manigance pour le détourner du Christ, court un péril mortel. Etre jeté en mer avec, autour du cou, une lourde meule, telle celle man½uvrée par l'âne, c'est être sûr de ne pouvoir en réchapper.

Les moqueurs, les sarcastiques, les esprits forts qui savent si bien y faire pour tourner en dérision la foi fragile d'un jeune, qu'ils prennent bien garde. Ils jouent leur vie.

SAVOIR TRANCHER DANS LE VIF

Et si ta main t'entraîne au péché, coupe-la : il vaut mieux entrer manchot dans la Vie éternelle que d'être jeté avec tes deux mains dans la Géhenne, là où le feu ne s'éteint pas.

Si ton pied t'entraîne au péché, coupe-le : il vaut mieux entrer estropié dans la Vie éternelle que d'être jeté avec tes deux pieds dans la Géhenne.

Si ton ½il t'entraîne au péché, arrache-le : il vaut mieux entrer borgne dans le Royaume de Dieu que d'être jeté avec tes deux yeux dans la Géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s'éteint pas. Car chacun sera salé au feu.

Le risque du "scandale", du naufrage de la foi, n'est pas seulement dû aux adversaires : il rôde dans le c½ur du disciple et même celui des apôtres. On reste toujours tenté par des comportements périlleux pour la foi. Jésus utilise un langage imagé : ce ne sont pas nos membres qui sont responsables de nos déviances. Si ta main (= ta manière d'agir), ton pied (= les endroits qui t'attirent), ton ½il (= tes envies)...risquent de t'entraîner loin de l'Evangile, méfie-toi, ne joue pas avec le feu, ne te fie pas à ta force. Pendant qu'il en est temps, c'est-à-dire tout de suite, ose "trancher" dans le vif, prends des décisions "déchirantes". Ta liberté n'est jamais une forteresse imprenable, l'option de foi reste assaillie par les doutes, tu peux flancher si vite !

Il ne faut pas oublier notre fin : il n'y a que deux issues, le Royaume (qui se confond avec la Vie éternelle, la Vie divine) ou la "géhenne".

En bordure des remparts de Jérusalem, il y avait jadis une terre appartenant à un certain Hinnôn (en grec : la "gê-hinnôn" - qui a donné en français le mot "géhenne") et où avaient eu lieu des sacrifices d'enfants : dès lors elle avait été condamnée à devenir la décharge de la cité. La vermine y grouillait et le feu y fumait sans arrêt si bien que le lieu devint le symbole du sort qui attend les damnés : ceux qui refusent de brûler du feu de l'amour se consumeront dans la torture perpétuelle des désirs égoïstes à jamais inassouvis.

GARDER LA SAVEUR DE L'EVANGILE

C'est une bonne chose que le sel : mais si le sel perd son goût, avec quoi le lui rendrez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes !

La foi n'est vraiment pas une garniture facultative de la vie, une crédulité confessée par les faibles : elle est le sel, c'est-à-dire ce qui donne du goût à l'existence et ce qui la préserve de la pourriture. Que les disciples ne laissent pas s'évanouir en eux la saveur de l' Evangile, qu'ils ne deviennent pas fades et médiocres, que la force de la foi continue à les motiver.

S'ils méditent et mettent en pratique ces 7 points, ils cesseront de se quereller et ils réaliseront le but pour lequel Jésus les a choIsis - ultime phrase de l'instruction, conclusion qui, on ne sait pourquoi, est omise en liturgie :

Soyez en paix les uns avec les autres

Ce qui vaut pour les Douze vaut pour nous bien entendu.

Seule la vraie communauté en paix peut évangéliser.