27e dimanche ordinaire, année B

Auteur: Devillers Raphaël
Temps liturgique: Temps ordinaire
Année liturgique : B
Année: 2005-2006

 

Mc 10, 2-16

A Césarée, un jour, Jésus a commencé à donner "un enseignement nouveau" à ses disciples : non seulement il a annoncé sa propre passion mais en outre il les a avertis qu'eux aussi doivent se renoncer et accepter de perdre leur vie pour lui( Marc 8, 31-33) Cette déclaration sert d'exergue à toute la section de Marc que nous lisons en ces dimanches. Sur le chemin qui les conduit à Jérusalem, Jésus explique peu à peu en quoi consiste cette douloureuse conversion exigée de tous ceux qui veulent le suivre. Dimanche passé, il a mis fin aux jalousies et aux rivalités entre les Douze pour les faire vivre en paix entre eux. Aujourd'hui il s'adresse aux chrétiens dont la vocation essentielle est le mariage et la vie de famille. Ses exigences sont tout aussi radicales.

LE MARIAGE INDISSOLUBLE

Jésus arrive dans le territoire de Judée ; les foules se rassemblent autour de lui et il les enseigne. Des Pharisiens l'abordent et, pour lui tendre un piège, lui demandent : " Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ?". Jésus répond : " Que vous a prescrit Moïse ?". Ils répondent : "Moïse a permis d renvoyer sa femme à condition d'écrire un acte de répudiation".

Il n'existe évidemment aucune loi sur le divorce dans les Ecritures mais la possibilité pour l'époux de renvoyer sa femme est notée : "Lorsque un homme trouve en sa femme une tare et qu'il cesse de la regarder avec faveur, il rédige pour elle un acte de répudiation et le lui remet en la renvoyant..." ( Deutéronome 24, 1-5)

Il s'agit donc d'une concession, réservée seulement au mari, et qui était l'objet de débats entre scribes : de quelle gravité devait être "cette tare" ? Suffisait-il d'un repas brûlé, comme disaient certains ( !! ), ou fallait-il des raisons beaucoup plus graves ? Jésus refuse de se laisser enfermer dans ces arguties juridiques et par-dessus toutes les lois, il remonte à la source originaire.

Jésus répliqua : " C'est en raison de votre endurcissement qu'il a formulé cette loi. Mais au commencement du monde, quand Dieu créa l'humanité, il les fit homme et femme. A cause de cela l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme et tous les deux ne seront plus qu'un. Ainsi ils ne sont plus deux mais ils ne font qu'un ! Donc ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas".

Le fait d'admettre la répudiation était dû à l"endurcissement du c½ur", reproche mille fois répété par les Prophètes et qui signifie non le manque de tendresse mais la fermeture, le refus de s'ouvrir au projet de Dieu parce qu'on demeure enfermé dans l' égoïsme.. Ce Projet, ce Dessein de Dieu sur l'union conjugale, Jésus l'expose à partir des premières pages de la Genèse, lesquelles, on le sait, ne racontent pas l'histoire des premiers hommes mais décrivent l'identité humaine. La sexualité humaine n'est pas ½uvre diabolique, lieu des péchés mortels, mais création de Dieu : elle ne peut être livrée aux aléas des passions, aux caprices, aux sautes d'humeur. Le mariage n'est pas le contrat de deux libertés qui le gèrent à leur guise : il est, dans son origine, dans son identité profonde, dans le projet de Dieu, réalisation de l'amour, donc éternel. Ensemble, les époux constituent "l'image de Dieu". Leur unité n'est pas le fruit d'un contrat révisable mais la manifestation de l'amour de Dieu qui jamais ne se reprend. Donc .......

MARIAGE ET DIVORCE

Cet idéal du mariage est certes admirable mais est-il toujours vivable ? Les Douze (représentant la perplexité des premières communautés chrétiennes dans le monde romain où l'on permet à la femme de répudier son mari) s'étonnent devant telle rigueur. Ne peut-il y avoir des exceptions, des "permissions" comme Moïse en avait lui-même accordées ?...

De retour à la maison, les disciples l'interrogeaient de nouveau sur cette question. Il leur répond : " Celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d'adultère envers elle ; si une femme a renvoyé son mari et en épouse un autre, elle est coupable d'adultère".

Nous voici devant un des plus difficiles et douloureux problèmes de l'Eglise d'aujourd'hui. Dans nos sociétés qui légitiment le divorce, de nombreux baptisés ont rompu leur alliance et contracté une autre : ils accusent les responsables de l'Eglise de dureté de c½ur, d'incompréhension de la vie concrète du couple. Ceux-ci répondent qu'il ne s'agit pas d'une loi édictée par des papes ou des conciles mais bien d'un enseignement extrêmement précis du Seigneur lui-même. Comment l'Eglise s'arrogerait-elle le droit de manipuler l'Evangile ?

Mais, rétorque-t-on, le même Seigneur Jésus, accusé de fréquenter des pécheurs, n'a-t-il pas répondu aux pharisiens outrés par son laxisme : " Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin mais les malades ; je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs " ( Marc 2, 17)

La liturgie du jour aura soin d'en appeler avec ferveur à l'Esprit-Saint afin qu'il éclaire une situation où la vérité des principes doit s'articuler avec l'écoute des personnes. En tout cas, les divorcés remariés ne sont pas rejetés de l'Eglise ( cf. "La famille chrétienne" de Jean-Paul II, § 84)

L'ENFANT

On présente à Jésus des enfants pour les lui faire toucher ; mais les disciples les écartent vivement. -- Voyant cela, Jésus se fâche et dit : " Laissez les enfants venir à moi. Ne les empêchez pas car le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Amen je vous dis : Celui qui n'accueille pas le Royaume de Dieu à la manière d'un enfant, n'y entrera pas". Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains.

Ne faisons pas de cette scène une image de piété fade et sentimentale. Jésus ne craque pas devant la soi-disant innocence des petits, il n'incite pas à l'infantilisme pas plus qu'il ne cantonne son Eglise dans le soin des crèches et des gosses.

Le sujet est grave puisque c'est le seul endroit des évangiles où l'on nous dit que Jésus "se fâche" et il emploie l'amen pour souligner l'importance de son enseignement. En fait il appelle ici ses disciples à une conversion terrible et indispensable ( sans quoi "vous n'entrerez pas dans le Royaume") : il leur faut retrouver la confiance absolue de l'enfant qui croit à ce qu'on lui enseigne et qui se laisse guider. Ainsi, lui, Jésus, dans une obéissance absolue à son Père, est décidé à accomplir sa volonté quoiqu'il en coûte et il reste absolument sûr que, même si les hommes le tuent, son Père lui donnera une Vie plus glorieuse. Or, en se comportant en "Fils", Jésus ne s'est-il pas montré comme le plus adulte des hommes ? Accepter les conditions d'entrée dans le Royaume du Père, telles que Jésus les fixe, n'est certes pas du jeu et de l'enfantillage.